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Hassan El Jaï rend hommage aux poètes palestiniens

Depuis la nostalgie de la patrie perdue de Mahmoud Darwich, jusqu’au réalisme lyrique et déchirant de la jeune génération, Hassan El Jaï et Sabah El Alaoui Kamal rendent hommage aux écrits de nombreux poètes palestiniens célébrés dans le monde entier, à travers une lecture dramatique en trois langues de poèmes, nouvelles et correspondances. Ils sont accompagnés en musique par le multi-instrumentiste de talent Saïd Nouiar. Les profits de ce spectacle seront reversés à l'association solidarité Maroc-Palestine. À cœur ouvert avec l’initiateur de ce projet, Hassan El Jaï.

Ph : Sradni
Ph : Sradni
Comment vous est venue l’idée de rendre un hommage aux poètes palestiniens en ce contexte assez particulier ?

Hassan El Jaï :
C’est quelque chose que je voulais faire il y a des mois déjà. Nous sommes tous révoltés par ce qui est infligé à nos frères en Palestine et particulièrement à Gaza. Alors, je me suis dit qu’il fallait laisser la passion redescendre et être un peu plus en maîtrise, être plus informé sur le sujet, sur les différents poètes. Et puis, avec la recherche, j’ai pu avoir une idée plus précise de ce que je voulais présenter sur scène. Au fil des recherches, ce concept s’est confirmé et précisé dans mon esprit. L’idée est de parler de Mahmoud Darwich, le doyen des poètes de la Palestine, qui parle aussi à la jeune génération. Et puis, vous avez ces poètes, tour à tour, qui viennent pour raconter une expérience, parler de leurs rêves, de leurs peurs, de leurs espoirs et de leur amour pour la terre. Donc c’est très riche, poignant et bouleversant à la fois. C’est quelque chose qui me tenait à cœur parce qu’évidemment, j’aime la Palestine.



Comment vous arrivez à transmettre la douleur par la parole et la partager avec le public ?

C’est un procédé qui est difficile, en vérité, parce que c’est dans la solitude que vous devez aller chercher le rapport avec le matériau. Il faut répéter beaucoup, il faut lire et relire. Le plus difficile est que les sentiments que ressentent ces poètes ou ces personnages sont basés sur une histoire vraie. C’est une démarche qui demande beaucoup d’indulgence et de courage pour aller puiser ce sentiment à l’intérieur, le sortir, le travailler et le polir pour pouvoir le présenter au spectateur, de sorte qu’il puisse tout de suite s’imaginer dans la situation, sous les décombres, devant l’explosion ou avec cette maman qui a perdu tous ses enfants, et arriver à goûter ce qu’est le désarroi de cette mère, son désespoir, mais en même temps l’espoir qu’elle a, malgré tout cela, en Dieu, de retrouver ses enfants dans l’au-delà.

Justement, vous nous avez touchés avec les mots, mais vous êtes arrivé à nous faire rire un certain moment...

Oui, c’est presque troublant un petit peu, parce qu’on est au milieu de l’horreur et de la souffrance, mais malgré cela, les Palestiniens ont cette capacité de pouvoir produire une satire, de pouvoir rêver, de pouvoir trouver, au milieu des ruines et des décombres, une raison d’espérer et de toujours revenir à leur enracinement dans cette terre qui est leur raison d’être. C’est un peuple, je dois le dire, qui a des années-lumière d’avance sur nous en termes de poésie, de grâce et de maniement de la langue et de toute sa richesse et la diversité de ses images, etc. Ils sont remarquables.

Comment avez-vous sélectionné les textes et les poèmes pour vos spectacles ?

Ça prend des semaines, voire des mois, quand on empile tout, de bout en bout. Darwich, bien sûr, il est décédé en 2008, mais il a une somme considérable d’écrits. Il fallait replonger dans ses écrits à lui en premier. Après, il y a les jeunes Palestiniens qui ont écrit sur ce drame. Pour eux, écrire et se raconter, c’est résister. Vieux ou récents, ces écrits traduisent la même peine et quand on les joue sur scène, quand on les dit, on a l’impression que cela a été écrit écrit avant-hier.

Si vous aviez à rencontrer ces poètes, quel message vous leur transmettriez ?

Je leur dirais que nous avons une dette immense envers eux. Nous leur devons beaucoup et je leur dirais que je suis indigne de leur souffrance, de leur courage et de leur foi, mais que leurs écrits, leurs expériences et leurs forces me rendent ma dignité à travers ce modeste travail, parce qu’ils m’amènent à aller puiser en moi la source de ma foi, la source de mon identité et la source de mon rapport à la vérité et à la justice. Et finalement, le peuple de Gaza nous oblige à nous sublimer et à nous dépasser en œuvrant pour eux, en les défendant et en donnant vie à leurs voix. Et les enseignements dans leurs écrits sont infinis. C’est un honneur pour moi, en réalité, de leur rendre hommage. Je prie pour eux de tout mon cœur.

Dites-nous un peu plus sur le duo Hassan El Jaï et Sabah El Alaoui Kamal...

Sabah est une de mes élèves de théâtre. Elle avait d’ailleurs joué de façon remarquable des rôles comme Jalal Eddine Roumy, etc. Elle est d’une grande sensibilité et manie très bien l’anglais, l’arabe et le français. Elle apporte une fraîcheur et une sincérité qui sont bouleversantes, déjà, pour moi. Dans les répétitions, j’étais fasciné par ce qu’elle a apporté. Et puis, vous savez, moi, je suis un homme, elle, c’est une femme. Nous n’avons pas le même âge, nous n’avons pas la même expérience sur scène. Ce qui fait qu’il y a vraiment cette fraîcheur qui vient apporter une touche de jeunesse à ce projet, une espèce de souffle régénérateur fabuleux. Et puis, il y a une chose qui nous a aidés énormément, c’est la musique de Saïd Nouïar, qui est un grand musicien marocain. Il joue depuis plus de 55 ans. Il a joué de tous les styles avec toutes les stars internationales qui sont passées au Maroc, dans tous les festivals. Sa musique arrive à transformer le jeu et élever les paroles vers une autre dimension. Donc, vraiment, ce trio, j’en suis ravi. J’ai un grand doyen de l’art à ma droite et j’ai mon élève à ma gauche. C’est assez nouveau pour moi et je dois dire que c’est enchanteur.

Je vous laisse le mot de la fin, peut-être un message au défunt Mahmoud Darwich, qui est un symbole de la cause palestinienne. Vous lui diriez quoi ?

Déjà, je lui dirais que je suis indigne de son art et de la maîtrise, l’expertise et le niveau de son art. L’amour de Darwich pour la Palestine, sa maîtrise de l’arabe et cette fusion des deux au service de la vérité, de la justice et de la libération du peuple palestinien... je lui dirais merci de nous avoir montré la voie et de nous avoir donné une vision de l’art au service de l’amour, de la beauté, de la fraternité. Et j’espère que s’il voit ou s’il entend ce qu’on fait, j’espère que je ne trahis pas son travail et son message. Mon souhait c’est que ce travail donnera envie à d’autres jeunes d’utiliser la langue pour raconter, pour défendre, pour donner à rêver et donner à espérer. Le but avec tout ça, c’est que les gens gardent l’espoir. Ce n’est pas de les détruire. Et je lui dirais que je l’admire et que je salue sa bravoure et son courage.
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