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La discrimination anti-noirs au Maroc dans "De choses et d’autres" avec Ghassan El Hakem

Dans l'émission «De choses et d'autres», le comédien et metteur en scène Ghassan El Hakem a abordé un sujet brûlant : la discrimination anti-noirs au Maroc. Cette problématique, souvent ignorée ou minimisée, trouve ses racines dans l'Histoire complexe du pays, de l'esclavage à la musique Gnaoua, en passant par des stéréotypes profondément enracinés.

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Au cœur de l’École de théâtre La Parallèle, Ghassan El Hakem et sa troupe de Jouk Tamthil Albidaoui s’affairent dans des créations à caractère socio-culturel. Parmi les sujets qui y sont traités, le genre, la diversité et la pauvreté occupent des places de choix. Mais Ghassan El Hakem est porteur d’un autre sujet personnel, qu’il veut aujourd’hui mettre aux devants de la scène. Le racisme au Maroc, est-ce une réalité tangible ou une accusation non fondée ?

Mais si les Marocains nient en bloc toute accusation de racisme, les Marocains noirs sont-ils affectés par les mots «Âazzi», «Draoui», «Louien», etc. ? «Qualifier une personne par sa couleur de peau, c’est mauvais et dénote d’une normalisation de la discrimination. Et dans le fait, c’est aussi absurde que de désigner quelqu’un par le diamètre de son crâne !», souligne Ghassan El Hakem, mettant en lumière l'absurdité de juger quelqu'un sur la base de caractéristiques physiques arbitraires.



«La première fois que la discrimination anti-noirs m'a frappé, j'avais dix ans. Une camarade de classe, rentrant de l'école avec moi, a été ridiculisée par des jeunes adultes, qualifiant sa relation avec un “3azzi”», confie Ghassan El Hakem. Ce terme, chargé de connotations négatives, l'a d’abord interpellé, car il n’en réalisait ni le sens ni la portée. Mais depuis, il en a été marqué, car il a découvert la dure réalité de la discrimination envers les noirs au Maroc, même si l'utilisation de caractéristiques physiques pour désigner et marginaliser est une pratique insidieuse, souvent internalisée par la victime elle-même.

L'Héritage de l'esclavage

Pour l’artiste, le contexte historique ne peut être ignoré. Beaucoup de Marocains noirs ont des ancêtres issus de populations originaires de l’Afrique subsaharienne, venus au Maroc en tant qu’esclaves. Ainsi, l'esclavage a laissé des cicatrices profondes dans la société marocaine, même si cette histoire est souvent négligée. En témoignage, Gnaouas, descendants des esclaves africains, portent en eux cette mémoire collective. Malgré leur contribution culturelle et musicale significative, leur histoire reste souvent dans l'ombre.

«La musique Gnaoua est l’expression de l'émancipation des noirs au Maroc au cours des 18e et 19e siècles», affirme Ghassan El Hakem. Bien que certains Gnaouas préfèrent ne pas évoquer leur passé esclavagiste, il est crucial de reconnaître et de pacifier cette histoire. «Les Gnaouas sont répartis entre marins et terrestres : les marins sont entrés au Maroc avec les Portugais ou autres, par les ports d’Essaouira, El Jadida, Tanger, Ceuta et El Ksar El Kebir, avant d’être conduits au souk des esclaves de Marrakech et de Fès, où les places existent encore. Mais cette histoire, on n’en parle pas, alors qu’on devrait carrément en parler dans un festival pour célébrer cette musique et guérir cette plaie ouverte», estime le metteur en scène.

Dérive de la discrimination

La conscientisation de la discrimination anti-noirs est essentielle pour progresser vers une société plus équitable. Pour Ghassan El Hakem, c’est la lecture d'ouvrages comme celui de Choukri El Hamel «Le Maroc noir», qui a ouvert des perspectives sur son propre familial. L’entreprise a été essentielle et libératrice pour le metteur en scène, car «comprendre le passé impérial et l'histoire de l'esclavage au Maroc est un premier pas vers la guérison des traumatismes transgénérationnels», nous dit-il.

Les récentes montées de groupes identitaires soulignent l'urgence de lutter contre toute forme de discrimination. «L’apparition de groupes identitaires dans les cinq dernières années font finir par faire ressortir la discrimination, car toute société peut tomber dans la dérive et désigner un bouc émissaire», nous alerte Ghassan El Hakem. Le colorisme et le rejet du phénotype africain ne sont d’ailleurs pour lui que des manifestations du racisme internalisé, qui doit être combattu à tous les niveaux de la société. Pour l’artiste, le danger n’est pas totalement exclu.
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