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«Le plaisir paradoxal», un certain regard sur l’art au Maroc

Publié par House of Beau Art Éditions, «Le plaisir paradoxal. Écrits sur les arts visuels au Maroc» rassemble une série d’articles du critique d’art Youssef Wahboun consacrés à l’art marocain. Composé de textes parus dans des journaux et catalogues entre 2012 et 2022, cet ouvrage propose des analyses d’expositions et d’œuvres, tout en retraçant l’évolution de la scène artistique. Il met en lumière les trajectoires de certains artistes et rend hommage à d’autres disparus. Alliant son regard de critique à sa sensibilité d’artiste-peintre, Wahboun offre une perspective unique sur l’art visuel marocain.

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En 240 pages bien garnies, l’auteur nous emmène dans une traversée éclairée de l’art marocain. On y trouve des articles sur des figures phares de l’art naïf, souvent considéré comme le point de départ de la scène artistique locale, tout comme des écrits sur les mouvements modernes et contemporains. Plusieurs analyses détaillées, figurant dans l’ouvrage, ont été enrichies par des archives personnelles et nourries par le lien personnel de l’auteur avec les artistes cités. En revisitant ces critiques anciennes, Wahboun réalise un travail de mémoire qui est à la fois hommage et témoignage d’une scène en mutation constante.

Des artistes et des œuvres

Comme pour justifier la brièveté de ses articles, Youssef Wahboun commence par évoquer le dilemme de tout critique face aux contraintes de format. Cela n’enlève rien à la qualité du contenu, car l’effort de synthétiser l’essentiel en peu de mots est accompli. C’est dans le chapitre «Notes sur trois artistes» que l’auteur dit «être resté sur sa faim». Mais ses écrits sur Abderrahim Yamou, Moa Bennani et Rachid Sebti ne souffrent d’aucune insuffisance.

«Le plaisir paradoxal», un certain regard sur l’art au Maroc



Dans le chapitre «Modernes et contemporains», Wahboun revient sur l’effervescence artistique d’une période, durant laquelle la «double postulation de l’art entre peinture figurative et peinture abstraite» cède la place à une explosion de genres, de matériaux et de procédures. Parmi ceux qu’il désigne comme des agitateurs de neurones, mus par le désir de participer à la réflexion autour des grands débats qui traversent le monde, l’on trouve ceux qui vouent leur art au «drame existentiel» comme Abdellatif Mehdi, Abderrahim Iqbi, Mohamed Drissi, Amina Rizqi et Karim Attar. Mais l’on retrouve, également, Hassan Hajjaj qui se joue de la légèreté et de la profondeur et Hamid Douieb pour qui la figuration est un acte de résistance à la suprématie de l’abstraction. Fatiha Zemmouri s’y impose par la maîtrise, quand Mohamed Hamidi y figure comme pionnier.

Dans les «25 œuvres de l’histoire de l’art au Maroc», Youssef Wahboun s’attarde davantage sur des œuvres qui l’ont capturé que sur les artistes qui les ont commises. L’auteur n’hésite pas à insister, de manière tout à fait assumée, sur le travail de certains artistes. On y trouve Mohamed Aboulouakar, le pionnier Mohamed Ben Allal, Radia Ben Lhoucine, Mohamed Kacimi et Abbès Saladi. D’autres œuvres majeures appartenant à Lhoucine Tallal, Mohamed Nabili, Mohamed Hamidi ou Amine Demnati font également partie de la sélection du critique.

De la double vocation

«Une heureuse double vocation» s’appuie sur des entretiens menés avec Fouad Bellamine, Bouchta El Hayani, Mustapha Boujemaoui, Abderrahman Meliani et Hassan Slaoui, autour de leur double rôle d’artistes et de pédagogues ayant enseigné au CPR de Rabat. Dans cet article, ces cinq figures analysent avec un regard critique l’art contemporain, qu’ils jugent vidé de toute réflexion artistique au profit d’un modèle axé sur le succès commercial. À l’inverse, ils défendaient une vision ambitieuse de leur mission, visant à transformer la scène culturelle et intellectuelle du pays.

Un autre paradoxe traverse le livre sans se déclarer : celui du critique devenu artiste (ou de l’artiste devenu critique ?) Son regard, parfois versé dans la sur-analyse, parfois embué par l’adoration, révèle tour à tour une subjectivité savante et une objectivité empreinte d’amour.

Ce que l’on apprécie chez cet amoureux de l’art, c’est qu’il ne s’encombre d’aucune autre considération que celle de l’art lui-même. Il ne cherche ni à hiérarchiser les artistes, ni à construire une fresque exhaustive. Il écrit au gré de son instinct de passionné et de son flair de critique. Loin des normes institutionnelles, il dépeint un paysage artistique avec une sincérité et une simplicité qui le rapprochent des lecteurs.
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