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Culture amazighe : une nouvelle génération d’artistes réinvente et fait rayonner l’héritage

La scène artistique amazighe connaît, aujourd’hui, un renouveau porté par une nouvelle génération d’artistes audacieux. Ces créateurs, qu’ils soient musiciens, réalisateurs, créateurs de mode ou plasticiens, réinventent l’héritage amazigh en le fusionnant avec des influences modernes. Leur travail, riche en créativité et en innovation, contribue non seulement à la préservation de cette identité millénaire, mais aussi à sa diffusion et à son rayonnement à l’échelle internationale. Par leur engagement, ces artistes offrent une nouvelle vision de l’âme amazighe, unissant tradition et modernité dans un dialogue fascinant.

La nouvelle génération d’artistes marocains joue un rôle essentiel dans la promotion et la valorisation de l’art amazigh, en particulier à travers des formes d’expression contemporaines. Parmi eux, des figures comme Fatima Tachtoukt, Joubantouja, Tassouta N’Imal, Meteor Airlines, les réalisateurs Tarik El Idrissi et El Houssine Hnine... qui incarnent une dynamique innovante, alliant la richesse de la culture amazighe aux influences modernes. Leur art témoigne de l’engagement d’une jeunesse passionnée par ses racines et déterminée à faire rayonner l’identité amazighe à l’échelle mondiale.

Cette créativité s’inscrit dans un contexte où l’art amazigh connaît un renouveau remarquable au Maroc.

La récente création de la Chambre marocaine de production cinématographique amazighe en est une illustration. Cette structure vise à défendre les intérêts des professionnels du cinéma amazigh et à promouvoir cette forme d’art, qui véhicule les valeurs et les traditions d’une culture millénaire. Ce projet reflète une volonté commune de jeunes réalisateurs et producteurs de faire du cinéma amazigh un vecteur de transmission de l’identité et de la culture, conformément aux principes constitutionnels qui reconnaissent la langue et la culture amazighes.



Le cinéma amazigh est désormais un moyen puissant de transmission des valeurs sociales. Il reflète les préoccupations collectives tout en exprimant l’imaginaire d’une communauté. En puisant dans des thèmes traditionnels comme la famille, l’honneur et la solidarité, tout en intégrant des éléments modernes, il s’adapte aux réalités contemporaines. La simplicité de ses récits, son ancrage dans la vie rurale, la nature et les réalités locales sont des éléments qui rendent ce cinéma authentique et proche de son public. Les personnages émouvants, avec lesquels le public peut facilement s’identifier, constituent également un facteur clé de son succès. Malgré les défis, le cinéma amazigh continue de se renouveler grâce à cette génération de réalisateurs qui revisite la culture et le patrimoine marocains avec une touche artistique unique.

Parallèlement, d’autres formes d’art, telles que le roman, la poésie, le théâtre, la danse, la mode et les arts plastiques, profitent également de cet élan créatif. Imane Bamouss, la jeune créatrice qui a remporté le premier Prix au «Défilé Jeunes Talents de Caftan 2024» pour sa mini-collection inspirée de l’art amazigh, en est un exemple frappant. Son succès montre l’intérêt croissant du public pour des créations qui honorent l’héritage culturel tout en étant résolument modernes et innovantes.

Cependant, malgré les efforts, l’un des plus grands défis pour ces artistes reste le manque de soutien. De nombreux artistes se retrouvent contraints de s’autoproduire. Dans ce contexte, les réseaux sociaux et les plateformes numériques jouent un rôle primordial. Ces outils offrent aux jeunes artistes amazighs une visibilité internationale, tout en permettant de contourner les obstacles liés à l’absence d’une infrastructure solide dans l’industrie musicale traditionnelle. Beaucoup ont réussi à se faire connaître grâce à des vidéos sur YouTube, des morceaux sur Spotify ou des concerts en ligne.

Les artistes amazighs ne se contentent pas de défendre leur patrimoine, ils l’élargissent et le projettent au-delà des frontières du Maroc, captant l’attention du public international.

Sara Moussabik : «Notre génération incarne une renaissance et une ouverture culturelle après des décennies de marginalisation»

Sarah et Ismael, un duo dynamique et innovant qui insuffle une nouvelle vie à la musique amazighe en fusionnant habilement les sonorités traditionnelles avec des influences modernes telles que le jazz, le funk et la soul. Leur approche rafraîchissante et audacieuse de la musique amazighe leur a permis de se faire un nom sur la scène artistique. De Shanghai au Maroc, le duo Sarah Moussabik et Ismael Moussali cherche à réinventer le paysage musical amazigh, en mêlant énergie et émotion, et en introduisant des arrangements novateurs qui traversent les frontières des genres musicaux. Sarah Moussabik nous raconte cette aventure musicale.

Culture amazighe : une nouvelle génération d’artistes réinvente et fait rayonner l’héritage



Le Matin : Pouvez-vous nous dire comment vos racines amazighes influencent votre musique ?

Sarah Moussabik :
Les racines amazighes sont au cœur de notre musique, dans les rythmes, les mélodies et notre storytelling. Nous sommes rentrés au Maroc avec le projet de monter un groupe avec des musiciens locaux et d’intégrer des instruments comme «Tasswissit», «Ribab» et «Outar» dans notre répertoire. Mais aussi pour nous reconnecter à ces racines et découvrir en profondeur les sonorités amazighes si riches pour pouvoir les introduire dans nos prochains morceaux.

Quels sont les défis que vous rencontrez en tant qu’artistes amazighs dans l’industrie musicale ?

Les artistes amazighs de la génération ancienne et de la nouvelle génération font face à plusieurs défis. L’industrie de la musique marocaine est dominée par des genres mainstream et des standards et une culture déjà établis qui n’incluent pas la scène amazighe, ce qui isole les artistes amazighs dans une catégorie spéciale. Il y a également un manque de soutien local et c’est pour cela que la majorité des artistes dans notre catégorie sont obligés de s’autoproduire, ce qui est drainant et fatigant surtout avec un manque de compétences dans le monde du management et de la production musicale au Maroc. On se retrouve alors à faire le circuit de la production de A à Z ce qui est très enrichissant, mais également complexe à fonctionner comme modèle économique.

Notre génération incarne une renaissance et une ouverture culturelle après des décennies où cette culture était marginalisée. Certes, nous avons la chance de faire partie de cette génération, mais c’est un devoir de bien la représenter et de la valoriser correctement. Votre musique mêle des influences traditionnelles amazighes avec des sonorités modernes.

Comment trouvez-vous l’équilibre entre préserver la culture et innover ?

Le folklore amazigh est tellement riche en rythmes (les variations Ahwach, Ahidouss, etc.) en structures d’arrangement, et mélodies. Ce folklore continue à évoluer grâce aux artistes qui créent, fusionnent et qui font continuellement de la recherche. Ce patrimoine pour nous reste la source de notre inspiration et le noyau de notre identité sonore.

Y a-t-il des messages particuliers que vous souhaitez transmettre à travers vos chansons ?

Oui, bien évidemment, à travers notre musique nous visons à célébrer et à faire rayonner notre identité amazighe, à la présenter dans un cadre simple et compréhensible pour la transmettre à la nouvelle génération. Des morceaux comme «Amzruy», «Manago» et «Amoudou» traitent des thématiques d’identité amazighe de notre histoire collective et d’un appel d’union et de compréhension de notre héritage. D’autres morceaux comme «Ayelli» parlent d’enjeux sociaux contemporains comme l’empowerment de la femme et la justice sociale.

Comment se déroule votre processus de création musicale ? Travaillez-vous souvent ensemble ou avez-vous des rôles distincts dans la composition?

Le processus de création commence généralement par une mélodie vocale initiale composée durant un sunset, sous la douche, ou durant un road trip. Mes mémos vocaux sur mon téléphone sont souvent nommés : «Idea 1/Idea 2» jusqu’à «Idea 1.000».Ensuite, Ismael et moi travaillons sur ces mélodies initiales ensemble pour trouver l’arrangement qui nous plaît. Cela peut prendre quelques jours ou quelques mois, tout dépend de l’inspiration et de l’état d’esprit.

Quel est le rôle des instruments traditionnels amazighs dans vos compositions ?

Avant 2023, on était encore à Shanghai c’était compliqué de composer avec des instruments traditionnels, car on n’avait tout simplement pas accès à ces instruments et c’était compliqué de travailler à distance avec des instrumentistes traditionnels donc notre musique était majoritairement une fusion, mais avec la guitare électrique principalement. Aujourd’hui, nous avons la chance de travailler avec des musiciens talentueux comme Salah FahFah qui est membre de notre groupe et qui travaille avec nous les arrangements des morceaux prochains et ceci offre une autre dimension à nos compositions.

Avez-vous une préférence pour écrire vos chansons en tamazight ou mélangez-vous avec d’autres langues ?

Nos morceaux dans les deux albums sont en Tamazight. Nous ne sommes pas contre le fait d’écrire en d’autres langues, mais pour le moment le focus est vraiment de transmettre et de représenter notre identité amazighe et cela commence par la langue. Des morceaux comme «Taghazout» sont un mélange en anglais et Tamazight, car c’est un single qui parle du surf et d’ambiances des villages de surf dans la région du Souss, donc forcément il fallait le rendre attrayant et facile à comprendre par la communauté internationale du surf à Taghazout, Tamraght, Imesouane, etc.

Est-ce qu’il y a une chanson particulière qui représente le mieux votre identité en tant qu’artistes ?

«Tamazirt», car c’est le morceau qui résume mon amour pour cette terre. Même si c’est un amour complexe, car cette «Tamazirt» nous fait de la peine des fois, nous rend malades, mais nous guérit par la suite.

Comment choisissez-vous les thèmes de vos chansons ?

Pour le moment, nous faisons notre propre «Songwriting», mais nous aimerions travailler avec des paroliers et des poètes dans le futur. Les thèmes d’écriture sont souvent inspirés par le mood, des sujets qui m’intéressent et qui me tiennent à cœur comme l’identité, l’histoire, la femme, mais aussi l’amour, le bien-être, etc. «Taghazout» par exemple est un morceau qu’on visualisait comme un hymne de Taghzout qui permettra d’informer sur ce petit village magique.

Notre prochain morceau parle des célébrations de Yed Yennayer dans la région du Souss et d’informer sur les traditions ancestrales comme les plats traditionnels, Ahwach entre familles, etc.

Avez-vous un souvenir particulier ou une tradition familiale que vous associez à «Yennayer» ?

Malheureusement, nous n’avons pas grandi en célébrant les traditions de «Yennayer», car elles n’étaient ni largement connues ni pratiquées à l’époque, mais mes parents ont veillé à nous en parler. On se réunissait autour de «Taggulla» que ma mère a veillé à préparer chaque «Yed Yennayer».

Cependant, la reconnaissance officielle de «Yennayer» comme jour férié au Maroc témoigne d’une volonté de réhabiliter et de promouvoir cette fête ancestrale et aujourd’hui nous la célébrons bien comme il faut.

Comment voyez-vous l’évolution de la scène musicale amazighe ?

La scène amazighe connaît actuellement un élan de valorisation. Aujourd’hui plus qu’hier, la musique amazighe est présente dans la World Music grâce au travail de plusieurs artistes comme Ribab Fusion, Ali Faiq, mais aussi Joubantouja, Meteor Airlines, Tasuta n Immal... Nous assistons à un mouvement où les jeunes artistes inspirés des artistes de la génération précédente redécouvrent fièrement leurs racines et s’approprient leur patrimoine culturel tout en l’intégrant des arrangements modernes.

Si vous pouviez offrir un conseil aux jeunes artistes amazighs qui rêvent de faire carrière dans la musique, lequel serait-il ?

«Just do it ! Tufitass». Deux ingrédients essentiels : la passion et la recherche continue. Ne pas suivre les trends et le mainstream, mais chercher à explorer des sonorités qui n’ont pas été assez explorées, les intégrer dans leurs créations musicales et écrire en Tamazight, car ce processus de création sera aussi enrichissant que l’œuvre. Un autre conseil, c’est d’essayer d’intégrer les musiciens traditionnels dans leurs œuvres et de leur donner de la reconnaissance.

Quels sont vos futurs projets en tant que duo ? Avez-vous des albums ou des collaborations à venir ?

Notre deuxième album sortira en avril, nous avons également lancé le 12 janvier «Yed Yennayer» (Gathering of Yennayer). On a aussi une tournée pour «Yed Yennayer» avec les Instituts français du Maroc et quelques collaborations prévues avec des artistes marocains que nous avons hâte d’annoncer.

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