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Mustapha Hafid, une vie à l’œuvre

La Galerie 38 a accueilli, le 28 novembre, l’exposition rétrospective «Mustapha Hafid, une vie, une œuvre», rendant hommage à l’un de ces artistes qui ont marqué de leur pinceau la scène artistique marocaine. Entouré d’une pléiade d’artistes connus, ce magicien de la couleur a embarqué le public dans un voyage dans le temps, pour raconter son histoire personnelle ainsi que celle de l’art au Maroc.

Dès le début de sa carrière, Mustapha Hafid s’est imposé comme un explorateur intrépide de la couleur. S’inspirant de près de l’œuvre de Paul Klee, Vassily Kandinsky, Henri Matisse, André Derain, Artur Nacht-Samborski, Michał Bylina et Józef Pakulski, il a utilisé la couleur comme une langue à part entière, capable d’exprimer de transcender les palabres pour dire les émotions, les idées et les mondes intérieurs. Il n’est pas étonnant qu’il abandonne très tôt la figuration pour plonger dans des représentations plus abstraites, où la couleur a le dernier mot. Dans des teintes tantôt sombres, tantôt audacieux, mais aussi dans des formes fluides et harmonieuses dans leurs entrelacs, il révèle, de l’histoire du Maroc, les teintes de ses époques et dévoile, de lui-même, une quête inassouvie de sens.

Abstraction faite

L’œuvre de Mustapha Hafid s’est constituée en s’imprégnant des époques et des courants artistiques. Les quelques tableaux figuratifs exposés, qu’il a réalisés à sa sortie de l’École des beaux-arts de Casablanca et plus tard de celle de Varsovie, témoignent d’une maîtrise académique empochée lors d’une formation rigoureuse. En début des années 1960, à Varsovie, il se plonge dans l’unisme, un mouvement qui le pousse à abandonner rapidement la figuration sous l’influence des avant-gardes polonaises, notamment les théories de Władysław Strzemiński. C’est ainsi que Hafid développe un langage abstrait, où la composition géométrique sert la subjectivité artistique et l’élan libérateur de la création de l’époque.

De retour au Maroc, il rejoint le Groupe militant de Casa, afin de servir un art marocain. Il adopte alors une démarche expressionniste, caractérisée par une palette de couleurs vives et une énergie dramatique. La période fauviste de Hafid se distingue par une explosion de couleurs pures, comme le bleu outremer et le rouge vermillon, chères à Matisse. Finalement, Hafid intègre le modernisme, dans lequel il allie les influences européennes à ses racines culturelles marocaines, au service d’un langage à la fois unique et universel.

La palette Maroc

Comme beaucoup d’artistes de la période post-indépendance, Mustapha Hafid a pris l’engagement de décoloniser l’art marocain. Dans son approche, transcender les influences européennes devait servir à affirmer une identité artistique profondément locale, mais éminemment universelle. Cette «marocanisation» de l’art passe d’abord par le récit visuel et artistique des grands bouleversements historiques et politiques du Maroc. C’est ainsi que dans les années 1980, sa palette d’assombrit et le noir couvre l’ensemble de ses tableaux, dans une maturité remarquable accessible en ce moment sur les murs de La Galerie 38. C’est à cette même période, particulièrement trouble pour le pays, qu’il joue un rôle clé en tant que directeur de l’École supérieure des beaux-arts de Casablanca, où il initie des réformes significatives pour renouveler l’enseignement artistique.

Longtemps plus tard et jusqu’à aujourd’hui, Hafid continue à représenter la richesse marocaine dans des compositions audacieuses et des expérimentations chromatiques en phase avec les courants artistiques internationaux. Son travail, s’il faut encore le décrire, sert d’appui à l’histoire de l’art au Maroc et de référence pour une jeunesse en quête d’inspiration et de vision pour l’avenir.
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