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Samedi 18 Mai 2024
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Attention à l’essoufflement de l’investissement privé au Maroc (Banque mondiale)

L’investissement privé au Maroc demeure en deçà de son niveau de 2019. Pour électriser la croissance économique à moyen et long termes, la Banque mondiale souligne l’importance du capital privé qui devra nettement carburer pour créer de l’emploi et bétonner la croissance du Royaume. Dans le projet de Budget 2024, l’Exécutif s’engage à promouvoir l’investissement privé afin d’établir les bases d’une économie nationale «compétitive», «équitable» et «durable» dans la droite ligne de la Charte de l'investissement.

L'investissement privé au Maroc peine toujours à retrouver son niveau d’avant la crise sanitaire. Le fait est que les chocs récents ont eu des impacts durables sur la structure de l’économie nationale, comme en témoigne l'écart contrasté entre les différentes composantes de l'offre et de la demande par rapport à leurs niveaux de 2019.



Du côté de la demande, alors que les exportations nettes et la consommation publique dépassent déjà largement les niveaux d'avant la pandémie, la consommation privée s'est à peine rétablie et l'investissement total demeure en deçà de son niveau de 2019. Ce qui est entièrement attribuable à la formation du capital privé qui a chuté de 6,2% en comparant 2022 avec 2019 et de 15% en comparant le premier semestre 2023 avec celui de 2019. Aux yeux de la Banque mondiale qui vient de dévoiler son nouveau rapport de suivi de l’économie marocaine, ce développement est «inquiétant», puisque cet essoufflement de l'investissement privé est susceptible d'affecter non seulement la croissance actuelle, mais aussi la croissance économique à moyen et long termes. "L’entrée en vigueur de la Charte de l’investissement, la réforme de la TVA et de l’IS devraient normalement favoriser une montée de l’investissement privé», commente Javier Diaz Cassou, économiste senior principal à la Banque mondiale, lors d’un point de presse dédié à la présentation du rapport, le 16 novembre à Rabat.
Rappelons que dans le projet de Budget 2024, l’Exécutif s’engage à promouvoir l’investissement privé afin d’établir les bases d’une économie nationale «compétitive», «équitable» et «durable». Cet engagement devrait répondre à un enjeu de taille : rééquilibrer la répartition actuelle de l’effort global d’investissement au niveau national, en augmentant la part de l’investissement privé, actuellement fixée à un tiers, à deux tiers d’ici 2035, tout en atteignant une parité entre l’investissement public (50%) et l’investissement privé (50%) d’ici 2026. Ces objectifs ambitieux seront poursuivis en harmonie avec les principes et les aspirations que porte la nouvelle Charte de l’investissement. Concrètement, à partir de 2024, le gouvernement introduira un nouveau système de soutien à l’investissement privé, comprenant des incitations financières, notamment une prime territoriale pour les régions moins développées et une prime sectorielle pour les secteurs stratégiques. Cela s’accompagnera de mesures spécifiques pour les projets stratégiques et des initiatives visant à promouvoir les investissements marocains à l’étranger afin de renforcer la souveraineté industrielle nationale et améliorer la position industrielle du pays sur la scène régionale et internationale. Notons que le rapport de la Commission spéciale pour le modèle de développement indique que la part de l’investissement privé est estimée à 35% et recommande de la porter à 65%.

Le taux de croissance potentiel décroche depuis les années 2000

Dans son rapport, l’institution de Bretton Woods estime que des réformes supplémentaires sont nécessaires pour tirer parti de la résilience extérieure du Maroc et stimuler la prospérité. Le document souligne, en outre, que le taux de croissance potentiel de l’économie marocaine a considérablement diminué depuis les années 2000 et est actuellement estimé à 3,6%, soit en dessous de la moyenne des marchés émergents et des économies en développement. La concrétisation d’un tel taux de croissance dans les années à venir serait nettement insuffisante, aux yeux des économistes de l’Institution mondiale, pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par le nouveau modèle de développement. «Les autorités marocaines sont conscientes de ce défi et ont lancé des réformes ambitieuses pour améliorer le capital humain et inciter les investissements privés», souligne la Banque. Sauf que ces réformes risquent, selon l’Institution, de ne pas produire le décollage économique souhaité tant que d’autres contraintes microéconomiques cruciales à la croissance ne sont pas résolues. Le Maroc doit encore approfondir les réformes visant à éliminer les obstacles réglementaires et institutionnels entravant la concurrence, tout en ralentissant la réallocation des facteurs de production vers des entreprises et des secteurs plus productifs. Par ailleurs, l’évaluation des politiques et des réformes en cours de mise en œuvre sera essentielle pour s’assurer qu’elles produisent les résultats escomptés, nécessitant un accès étendu aux données. Un aspect qui est d’ailleurs en cours d’élaboration par le Maroc. En outre, estime le rapport, l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail aurait des retombées économiques et sociales importantes. Les données internationales montrent que l’égalité des genres n’est pas seulement une question de justice sociale et de droits humains, mais aussi un puissant moteur de développement socio-économique. Dans ce contexte, la faiblesse et le déclin du taux d’activité des femmes au Maroc constituent une occasion manquée significative et un obstacle à l’augmentation de la production et de la croissance potentielle. Les simulations de la Banque mondiale indiquent que la réalisation des objectifs du nouveau modèle de développement avec un taux d’activité des femmes de 45% pourrait accroître la croissance de près d’un point de pourcentage par an, et réduire les inégalités de 1 à 2 points de Gini. De plus, l’autonomisation économique des femmes aurait des effets d’entraînement plus larges, tels que l’augmentation des investissements dans le capital humain pour les enfants d’aujourd’hui.
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