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Gaz/condensats : la vérité sur un secteur en pleine ébullition

Au cours des deux dernières années, plusieurs annonces ont été faites : découvertes de gaz, commercialisation du gaz découvert, cessions totales ou partielles d’intérêts dans des permis et licences. À la clé, des millions de dollars qui changent de main en guise de paiement/prépaiement pour du gaz issu du sol marocain ou en contrepartie de parts dans des licences. Que vaut réellement le secteur gazier au Maroc ? L’état des lieux, selon Amina Benkhadra, directrice générale de l’Onhym.

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Combien génère la vente de gaz/pétrole au Maroc ? Combien de sociétés opèrent sur notre territoire ? Où cherchent-elles exactement du gaz ? Et combien de puits ont-elles forés jusqu’ici ? C’est la succession d’annonces de découvertes de gaz, de contrats de vente/prévente de cette ressource issue du sol marocain, d’octroi/extension/prolongation de permis et licences de ces deux dernières années qui suscitent ces interrogations.

L’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), le principal acteur de ce secteur, détient 25% de toutes les concessions, permis et licences actuelles et futures du paysage gazier. Ses partenaires (majors, sociétés indépendantes et juniors) explorent plus de 230.000 km² de terrains alloués à cette activité. À ce titre, il est le mieux placé pour répondre à ces questions.

Sa directrice générale, Amina Benkhadra, nous rappelle, tout d’abord, que :

• Les activités d’exploration sont très capitalistiques et risquées et demandent une succession de phases très spécifiques (géologie, géophysique avec sismique 2D ou 3D puis forages).

• Les délais peuvent être très longs entre 10 et 15 ans, voire plus avant la découverte et 7 à 10 ans après la découverte pour la mise en production.

Autres précisions : l’ONHYM «conduit un certain nombre d’études en amont et fait une promotion active pour attirer les sociétés étrangères qui financent à plus de 96% les travaux», explique Mme Benkhadra. Par ailleurs, en fonction de la conjoncture, des prix du pétrole et des politiques des partenaires, le nombre de sociétés varie. «Ainsi, sur les 15 dernières années, le nombre de sociétés a fluctué entre 10 et 34 sociétés de toutes catégories : les grandes Majors (Shell, BP, Total, Chevron, Qatar Petroleum, Eni...), des sociétés indépendantes et des juniors», précise la DG de l’ONHYM.

Cependant, malgré les importants efforts déployés, le nombre de puits forés au Maroc reste assez faible : «374, soit une densité moyenne des forages d’exploration de 0,04 Puits/100 km² contre une moyenne mondiale de 10 Puits/100 km²», nous apprend Mme Benkhadra.

Le Matin : Quels sont actuellement les acteurs de l’exploration gazière au Maroc ?

Amina Benkhadra :
Actuellement, 14 sociétés opèrent en partenariat avec l’ONHYM dans la recherche des hydrocarbures (pétrole et gaz) sur une superficie totale de 230.004,58 km², répartie en 27 permis de recherche Onshore, 46 permis de recherche offshore, 1 autorisation de reconnaissance offshore et 13 concessions d’exploitation. Parmi ces sociétés, les principaux acteurs de l’exploration gazière au Maroc sont :

• En Offshore principalement les partenaires Chariot et Energean (Permis Lixus et Rissana), en plus des autres sociétés pétrolières qui cherchent les hydrocarbures (pétrole et gaz) notamment Hunt Oil (Permis Mogador), Genel Energy (Permis Lagzira), ENI/Qatar Energy (Permis Tarfaya Shallow), NewMed/Adarco (Permis Boujdour Atlantique) et Ratio Petroleum (Autorisation de Reconnaissance Dakhla Atlantique).

• En Onshore : Chariot (Permis Loukos), SDX Energy (Permis Lalla Mimouna Sud, Rharb Occidental et Sebou Central), Sound Energy/Arran Energy (Permis Anoual et Grand Tendrara), Predator Gas (Permis Guercif) et PEL/Forpetro (Permis Haha).



Où en sont-ils dans leurs différents programmes ?

Les projets en cours et relatifs à l’exploration des hydrocarbures conventionnels concernent les études géologiques et géophysiques et les opérations de forage menées par nos partenaires dans les différents bassins situés en Offshore et en Onshore.

En Offshore, nos partenaires Chariot & Energean et suite à la découverte de gaz dans les permis Lixus offshore, entreprennent des études d’évaluation et d’ingénierie pour le forage d’un puits et le test du réservoir pour le développement de cette découverte. En parallèle, les deux sociétés poursuivent leurs travaux d’évaluation de la prospectivité des permis Rissana où elles prévoient l’acquisition d’un programme sismique 2D.

Au niveau des permis Boujdour Atlantique et Lagzira Offshore et de la zone de reconnaissance Dakhla Atlantique, les sociétés NewMed/Adarco, Genel Energy et Ratio, respectivement, entreprennent des études d’évaluation géologiques et géophysiques incluant des programmes de retraitement des données sismiques 3D existantes dans la zone d’intérêt de chacune.

Dans les permis Tarfaya Shallow Offshore et Mogador, les partenaires ENI/Qatar Energy et Hunt Oil poursuivent les études d’évaluation de la prospectivité des zones d’intérêt.

En Onshore, plusieurs de nos partenaires mènent leurs activités de prospection dans différents bassins sédimentaires. En effet, la société SDX Energy dans le bassin du Gharb (permis de Lalla Mimouna Sud, Sebou Central et Rharb Occidental) a finalisé récemment le forage du puits BMK-2, et poursuit en parallèle des études d’évaluations G&G et de prospectivité dans ses différents permis.

Il y a lieu de rappeler que le bassin du Gharb où opère SDX Energy, a connu la première découverte d’hydrocarbures en Afrique du Nord, et continue de susciter l’intérêt des sociétés pétrolières internationales. Les nombreux gisements de taille moyenne et peu profonds découverts à ce jour se sont révélés très rentables en raison de l’étendue du réseau de pipelines et de la forte demande industrielle locale.

Au niveau du permis Loukkos Onshore, notre partenaire Chariot mène une étude de prospectivité de la zone et réalise actuellement le forage de deux puits d’exploration.

Notre partenaire Sound Energy, en partenariat avec Arran Energy, opère au niveau des permis de Grand Tendrara et Anoual où ils poursuivent des études de prospectivité de la zone et prévoient de réaliser un puits d’exploration (permis Anoual). La société Sound Energy est également active au niveau des permis Sidi Moktar où elle mène une étude de la prospectivité de la zone.

Il convient de rappeler que le gisement de Tendrara est en cours de développement à travers deux projets : une production de GNL (Gaz naturel liquéfié) destinée aux industriels et une production de gaz pour les centrales de l’ONEE à travers la mise en place d’un gazoduc qui acheminera le gaz de Tendrara vers le Gazoduc Maghreb Europe.

Enfin, Predator Gas de son côté entreprend des études de prospectivité au niveau du permis de Guercif et réalise des études et analyses des résultats des puits forés récemment.

Des licences sont-elles en cours de négociation ou d’étude avant leur octroi ?

Plusieurs permis sont en cours de négociation actuellement avec des sociétés pétrolières internationales intéressées par le potentiel en hydrocarbures du pays et notamment en Offshore, certains des blocs en Offshore sont dans un stade de négociations avancées.

Pour le reste des zones libres, l’ONHYM mène continuellement, et par ses propres moyens, des études d’évaluation approfondies et prépare des portefeuilles de leads et prospects pour promouvoir les différents bassins sédimentaires marocains lors des événements et conférences internationaux, dans le but d’attirer des sociétés et des groupes d’investisseurs.

Par ailleurs, l’exploration est menée sur d’autres régions du territoire.

Au Sud du pays se situe le grand bassin Paléozoïque de Zag-Bas Drâa, presque inexploré où une campagne de sismique a été réalisée récemment.

En Offshore, au large des côtes atlantiques, la présence de découvertes non commerciales d’hydrocarbures et des niveaux de roches mères de bonne qualité, ont été rencontrés presque partout le long de la marge atlantique marocaine, notamment dans le segment Offshore Agadir Tarfaya (huile lourde et légère) et le bassin Boujdour (gaz et condensat).

Très peu de puits ont été forés dans toute la marge atlantique marocaine, qui ne contient en fin de compte que 43 forages, bien loin des standards internationaux.

Ainsi, en termes de recherche, les différentes études géologiques, géophysiques et géochimiques et les travaux de forages réalisés par l’ONHYM et/ou par ses partenaires, sur les bassins sédimentaires aussi bien en Onshore qu’en Offshore, ont démontré et confirmé l’existence de systèmes pétroliers fonctionnels et ont permis l’identification d’une multitude de prospects et leads dont l’âge géologique varie depuis le Paléozoïque jusqu’au Tertiaire.

Cependant, ces travaux de recherche et plus particulièrement le nombre de forages d’exploration, tributaires des risques géologiques et économiques relativement élevés, restent en deçà de nos aspirations et du degré d’investigation des bassins sédimentaires marocains, qui demeurent encore sous explorés.

Les entreprises sont attirées par le cadre global macro-économique du Maroc, les conditions d’investissement très favorables, le potentiel géologique et les conditions très incitatives de notre code des hydrocarbures.



Peut-on avoir une estimation du nombre d’emplois créés par le secteur de l’exploration gazière au Maroc (directs et indirects), ainsi que le volume du marché de la vente de gaz marocain et sa contribution fiscale ?

L’exploration gazière au Maroc s’accompagne de création d’emplois directs et indirects (il s’agit surtout des postes créés dans les services de support, transport, logistique, restauration, hébergement, et autres services nécessaires pour soutenir les opérations d’exploration).

Le chiffre d’affaires généré ainsi par la vente de gaz/condensats à fin décembre 2023 s’élève à 139,8 millions de DH hors taxes.

Concernant les activités relatives au volet gaz, il convient également de souligner deux projets importants gérés par l’ONHYM :

• Le Gazoduc Maghreb Europe (GME) avec l’inversion du sens de circulation («reverse flux») du gaz naturel depuis l’Espagne. Cette première historique a été possible grâce aux efforts d’anticipation de l’ONHYM qui a préparé les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une solution de repli dans le cas où cela se serait avéré nécessaire.

• Le Projet stratégique du Gazoduc africain Atlantique Nigeria-Maroc (GNM)

Le Projet stratégique du Gazoduc africain Atlantique Nigeria-Maroc, qui émane de la vision clairvoyante et la volonté conjointe de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et de l’ancien président nigérian Muhammadu Buhari et réitérée par Son Excellence le Président Bola Tinubu. Ce projet d’envergure couvre 13 pays de la côte atlantique et 3 pays enclavés.

En effet, ce Gazoduc longera la côte ouest-africaine depuis le Nigeria, en passant par le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Mauritanie jusqu’au Maroc, et sera connecté au Gazoduc Maghreb-Europe et au réseau gazier européen.

Cette infrastructure permettra aussi d’alimenter les États enclavés du Niger, du Burkina Faso et du Mali.

Ce projet contribuera à l’accélération de l’accès à l’énergie pour tous, à l’amélioration des conditions de vie des populations, l’intégration des économies de la sous-région et l’atténuation de la désertification grâce à un approvisionnement en gaz durable et fiable respectant les nouveaux engagements du continent en matière de protection de l’environnement.

Le projet permettra également de donner à l’Afrique une nouvelle dimension économique, politique et stratégique.

Il contribuera à structurer un marché régional de l’électricité, et constituera une source substantielle d’énergie au service du développement industriel, de l’amélioration de la compétitivité économique et de l’accélération du développement social.

Ce projet sera créateur de richesses, pour les pays et les populations riveraines, créant un mouvement décisif d’impulsion et entraînant l’émergence et le développement de projets parallèles. Aujourd’hui, les parties se félicitent de l’état d’avancement de ce projet stratégique. Le dimensionnement et les études environnementale et sécuritaire ont favorisé une route à prédominance Offshore de 6.800 km. Sa capacité maximale est de 30 milliards de m³ par an (bcm) et permet la mise à disposition de 18 bcm pour l’export vers l’Europe. L’investissement total nécessaire est de 25 milliards de dollars américains. Les études d’avant-projet détaillées (FEED-Front End Engineering Design), menées par deux groupements Intecsea/Worley pour les études techniques et ILF/Doris pour l’assistance au management de projet (Project Management Consultancy-PMC), sont achevées.

Le pipeline est conçu pour être capable de transporter en partie de l’hydrogène vert.

Phasage du Projet

La construction est prévue de manière progressive par phases autour de différents tronçons afin de répondre aux contraintes techniques et aux synergies avec les infrastructures existantes.

• Phase 1A : Ghana – Côte d’Ivoire.

• Phase 1B : Sénégal – Mauritanie – Maroc (GME) et vers l’Europe.

• Phase 2 : Nigeria – Ghana pour augmenter les volumes depuis le Nigeria.

• Phase 3 : Côte d’Ivoire – Sénégal

Les études de Survey pour le tronçon Nord sont achevées, celles de la partie Sud vont démarrer sous peu.

Les études d’impact environnemental et social ont démarré pour la partie Nord.

Les parties collaborent activement à la mise en place du montage financier et à l’approvisionnement en gaz et à sa commercialisation.

Le projet est soutenu par l’ensemble des États traversés.

Un accord a été signé avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) représentant l’ensemble des États. Par ailleurs des accords ont été signés entre l’ONHYM, la NNPC et les sociétés nationales de tous les pays traversés confirmant ainsi leur engagement pour la réalisation du projet.

Un accord intergouvernemental IGA est en cours de négociation entre l’ensemble des États membres de la CEDAO, la Mauritanie et les États sponsors (Maroc-Nigeria).

En termes de gouvernance, l’année 2024 verra la mise en place de la société du projet (SPV) entre les parties marocaine et nigériane, qui sera en charge de la levée des financements, de la construction et des opérations sur le gazoduc.

Le financement et l’exploitation se feront par le biais de la SPV par Project Finance avec des fonds propres (30%), ouvert aux investisseurs fonds souverains, banques de développement, banques commerciales, IOC...
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