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Investissements touristiques en Afrique : l’intérêt est là, les défis aussi

L’Afrique est un territoire attractif pour les investissements touristiques. Mais pour les professionnels et les experts du domaine qui ont pris part à la deuxième édition du Forum africain du tourisme de Casablanca, cet intérêt de plus en plus grandissant met tout le continent face à ses contradictions et ses nombreux défis. Fort heureusement, son potentiel et les opportunités d’affaires qu’il offre augurent de bonnes perspectives pour le tourisme qui enregistre actuellement à peine 5% des arrivées et 1% des recettes mondiales.

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Le secteur du tourisme au Maroc, et en Afrique en général, attise l’appétit des investisseurs. Mais pour Zoubir Bouhoute, expert dans le domaine du tourisme, cette attractivité reste en deçà du potentiel réel qu’offre le marché africain. Il avance, chiffres à l’appui, que la capacité du continent à attirer l’investissement a grandement besoin d’être musclée. «L’Afrique attire à peine 3% des investissements directs étrangers (IDE) mondiaux. Et cette faible attractivité s’est traduite notamment par des résultats très faibles en matière de flux touristiques pour le continent», déclare-t-il au journal «Le Matin», en marge du deuxième Forum africain du tourisme de Casablanca, organisé jeudi dernier par le Centre régional du tourisme de Casablanca-Settat.



Invité à dresser l’état des lieux de l’investissement en Afrique pour l’occasion, l’expert a indiqué que l’Afrique a attiré 5% des arrivées mondiales en 2019, soit une part très dérisoire pour un continent vaste qui représente 23% de la superficie mondiale, avec tout ce que cela représente en termes de richesses naturelles et humaines. «Pis encore, ces 5% représentent à peine 1% des recettes mondiales !», regrette-t-il.

Comparés aux autres continents, les chiffres démontrent un écart flagrant. L’Europe par exemple, beaucoup moins vaste avec à peine 17% de la superficie mondiale, réalise 51% des arrivées et 40% des recettes touristiques mondiales. L’Asie, qui fait pratiquement la taille de l’Afrique (24% du territoire mondial), atteint les 24% en termes d’arrivées et 30% en recettes.

Autre indicateur qui, selon l’expert, atteste de la faiblesse de l’attractivité des investissements dans le secteur touristique africain : le déficit de la capacité hôtelière. «Sur les 17,5 millions de chambres disponibles dans le monde, l’Afrique n’en compte qu’un million à peu près, soit 5% de la capacité globale», note-t-il.

En matière de connectivité, le continent n’est pas non plus des plus performants. «L’Afrique ne dispose pas de grandes compagnies aériennes. La plus grande compagnie au monde dispose d’une flotte de 800 avions, fait 3.000 vols par jour et offre 169 millions de sièges. Au Maroc, avec tout l’effort qui sera mené par Royal Air Maroc (RAM) afin de quadrupler sa flotte, le pays arrivera à 200 appareils d’ici 2037», souligne l’expert.

Tous ces chiffres peuvent être décourageants pour l’investisseur et démontrent surtout l’immensité du travail qui reste à abattre pour booster l’investissement touristique dans le continent. «Pourtant, les potentialités sont énormes, même si elles font face à de sérieuses menaces», remarque l’expert.

Des potentialités qui augurent de bonnes perspectives pour le tourisme

En effet, la richesse et la diversité du potentiel dont jouit le continent ne font aucun doute, notamment en termes de ressources naturelles et de patrimoine culturel. Zoubir Bouhoute rappelle qu’une part importante des ressources de la planète se trouve dans le sol des pays d’Afrique. Il souligne que notre vaste continent abrite 8 des 34 foyers de biodiversité mondiaux et compte pas moins de 119 sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, comprenant 75 sites culturels, 38 naturels et 6 sites mixtes. Mais il rappelle aussi que cette biodiversité est menacée, notamment par les conflits et le développement, avec près de 40% des sites naturels qui sont actuellement en péril.

Les potentialités économiques ne font pas non plus défaut au continent. L’Afrique possède, en effet, environ 30% des réserves mondiales de ressources minières et le secteur minier représente 70% des exportations africaines et 28% du PIB. Le continent dispose également d’abondantes ressources énergétiques fossiles (pétrole, gaz) et renouvelables (solaire, hydroélectrique, éolienne, géothermique). Cependant, leur valorisation reste limitée et la consommation énergétique par habitant demeure faible, précise l’expert.

En dépit des défis, les potentialités augurent de bonnes perspectives pour le tourisme en Afrique. C’est en tout cas le pronostic fait par les différents intervenants qui ont pris part à ce forum, dont Adil Rzal, vice-président de l’Association marocaine des investisseurs touristiques (AMIT). «Le secteur du tourisme intéresse beaucoup les investisseurs, car il est fortement capitalistique et offre un rendement sur le long terme recherché par les bailleurs de fonds tels que les caisses de retraite et les assurances», note le professionnel qui est également directeur du Fonds d’investissement «Alhif», qui développe et gère des unités hôtelières. Il rappelle qu’à l’échelle nationale, le Maroc s’est lancé dans des engagements qu’il sera contraint de remplir, étant acculé par deux échéances sportives majeures, en plus des objectifs tracés dans le cadre de la feuille de route nationale pour le tourisme.

«Aujourd’hui, je crois que les conditions nécessaires sont réunies pour relever le défi : le potentiel est là, l’action a été entreprise et la réaction est en train d’être mobilisée», déclare-t-il avec optimisme. «Toutefois, il va falloir faire oublier les mauvais souvenirs à ces banquiers qui ont accompagné le déploiement du plan “Azur”. Mais je pense qu’ils seront réceptifs parce qu’ils n’ont pas le choix», affirme-t-il.

Le Maroc pèse 21 milliards de dollars d’investissements à fin 2022

Afin de souligner l’importance de l’investissement touristique et les retombées économiques générées par tout l’écosystème, Zoubir Bouhoute a livré des données établies dans le cadre d’un guide élaboré pour le compte de la Confédération nationale du tourisme (CNT), ayant pour objectif de mesurer la taille du secteur au Maroc.

«Nous avons essayé d’appréhender le portefeuille d’investissements qui a donné ce volume d’hôtels, de restaurants, de transporteurs touristiques, de voyagistes... Il s’agit de quantifier l’importance de l’investissement qui fait bouger tout cet écosystème, lequel regroupe quelque 20.000 entreprises», explique l’expert, précisant qu’il s’agit d’une estimation qui est en cours de validation.Les calculs de l’analyste font état de plus ou moins 21 milliards de dollars d’investissements mobilisés pour le secteur à fin 2022, auxquels s’ajouteront les 2,7 milliards de dollars à mobiliser par l’État entre 2023 et 2025. En termes d’emplois, l’ensemble de l’écosystème a permis de créer 550.000 emplois directs, ce qui représente une contribution d’environ 5% à la population active. Le tourisme fait ainsi vivre environ 2,5 millions de familles en comptant aussi les emplois indirects. Cette contribution à la création d’emploi est appelée à augmenter avec les 200.000 emplois prévus à l’horizon 2026 dans le cadre de la Feuille de route nationale pour le tourisme.

Le secteur est aussi un important pourvoyeur de devises. Il a généré près de 9 milliards de dollars de recettes en 2022, soit 91,3 milliards de DH (10 milliards attendus en 2023). À cela s’ajoute une consommation intérieure qui s’élève à 138,3 milliards de DH en 2019, soit près de 7% de contribution au PIB.

«Mais le plus important reste la distribution des revenus. La masse salariale dans le secteur avoisine les 23 milliards de DH, en plus d’une contribution importante aux recettes de l’État à travers l’IS, la patente, la TVA et les taxes locales, estimée à 22 milliards de DH», fait savoir Zoubir Bouhoute.
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