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La facturation électronique bientôt en vigueur au Maroc : ce qu’il faut savoir

Le Maroc devra opérer bientôt une transition vers la facturation électronique. Instaurée par le Budget de 2018, cette transformation majeure attend toujours son décret d’application qui viendra définir les modalités d’application du nouveau système de facturation électronique. Mais l’on sait déjà que le Fisc a opté pour le mode dit «Clearance». Un choix qui représente, selon le cabinet d’expertise comptable, Andersen, une avancée significative vers la transparence des transactions commerciales. Mais si les avantages de ce système sont nombreux, notamment en termes d'efficacité, de réduction des coûts, et de lutte contre la fraude, de nombreux défis sont à relever pour fluidifier l’opérationnalisation de ce processus. L’analyse des experts d’Andersen.

Le cabinet d'expertise comptable, Andersen, recommande l’instauration d’un mécanisme de suivi et évaluation continue pour mesurer l'impact de la facturation électronique au Maroc et identifier les éventuels ajustements à apporter.
Le cabinet d'expertise comptable, Andersen, recommande l’instauration d’un mécanisme de suivi et évaluation continue pour mesurer l'impact de la facturation électronique au Maroc et identifier les éventuels ajustements à apporter.
Le Maroc s’apprête à opérer son passage vers la facturation électronique. Cette virée stratégique vers ce mode de facturation marquera une rupture «significative» dans les pratiques administratives marocaines, consolidant ainsi la dynamique de transformation digitale du pays.

Pour enclencher ce processus de transformation, la Direction générale des impôts (DGI) a d’ores et déjà opté pour le mode dit «Clearance» pour la facturation électronique. Une «décision qui revêt une importance stratégique pour la gestion des flux fiscaux au Maroc», juge d’emblée le cabinet d’expertise comptable Andersen dans une analyse sur les défis qui entourent l’adoption de la facturation électronique dans le Royaume.

Le document, signé conjointement par deux experts comptables, Mehdi El Attar et Manar Fadriq, indique qu’il est essentiel de bien comprendre ce mode et de le comparer à l'autre méthode courante, le «Post Audit», afin de saisir pleinement les implications de cette réforme. Pour rappel, le Budget de 2018 avait introduit l’obligation de se doter d’un système informatique de facturation répondant aux critères techniques qui seront déterminés par l’Administration fiscale (article 145‐IX du Code général des Impôts). L’entrée en vigueur de cette obligation demeure tributaire du décret d’application, non encore publié à ce jour, qui viendra définir les modalités d’application du nouveau système de facturation électronique.

Selon les experts comptables d’Andersen, dans le mode «Clearance» choisi par le Royaume, chaque facture émise par une entreprise devra être validée par l'administration fiscale avant d'être transmise au client. Ce système offre une transparence «totale» et permet à l'administration fiscale d'accéder en temps réel à un flux d'informations précieuses sur les transactions commerciales. «Cette approche renforce la lutte contre la fraude en garantissant l'authenticité et l'intégrité des factures émises, rendant ainsi toute tentative de falsification ou de modification plus difficile», explique-t-on dans l’analyse. Grâce à ce mode tripartite, impliquant à la fois le vendeur, l’acheteur et l’administration, cette dernière a connaissance en temps réel des montants de TVA collectée. Andersen rappelle, d’ailleurs, que ce modèle est déjà appliqué dans de nombreux pays d’Amérique latine, en Russie et en Chine.

En revanche, le mode «Post Audit» est un système où les factures électroniques sont émises et échangées entre les entreprises sans validation préalable par l'administration fiscale. L'audit des factures intervient après coup, lors de contrôles ponctuels ou réguliers. Notons que ce mode repose davantage sur la confiance envers les entreprises et sur des vérifications ultérieures pour assurer la conformité.

Des avantages à la pelle pour les entreprises et le Fisc

L’analyse d’Andersen énumère plusieurs avantages liés à l’adoption du mode «Clearance». Concrètement, ce mode permet une efficacité administrative et une réduction des coûts. En effet, l’un des avantages majeurs de la facturation électronique est l’amélioration de l’efficacité administrative. Le fait est que dans la configuration de ce mode de facturation, les entreprises n’ont plus besoin d’imprimer, d’envoyer, ni de stocker physiquement des factures. Les coûts liés au papier, à l’affranchissement et à l’archivage s’en trouvent significativement réduits. De plus, explique Andersen, le traitement des factures est plus rapide. Ce qui permet de raccourcir les délais de paiement et d’améliorer la gestion de la trésorerie.

De même, l’automatisation du traitement comptable libère du temps pour les collaborateurs, leur permettant de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Par ailleurs, la validation des factures électroniques par l’administration fiscale assure leur authenticité et empêche toute modification non autorisée. Ce qui réduit le besoin d’audits postérieurs et diminue le risque de litiges entre l’administration et les contribuables. Autre avantage : la facturation électronique permet aux administrations fiscales de surveiller en temps réel les transactions commerciales. Ce qui renforce la conformité fiscale. Les données récoltées facilitent la détection des irrégularités et des tentatives de fraude. L’option «Clearance» permet en effet une surveillance encore plus étroite des transactions limitant du coup la possibilité de dissimuler des revenus ou d’émettre des factures frauduleuses. Ce modèle est particulièrement efficace dans les pays où l’économie informelle est très répandue. Par ailleurs, la transition vers la facturation électronique permettra au Royaume de réduire l’empreinte écologique des entreprises en diminuant leur consommation de papier et les émissions liées au transport des documents physiques.

Les contraintes qui entourent le déploiement du système

Le passage vers le mode de facturation «Clearance» n’est pas exempt de contraintes. Selon le cabinet Andersen, l’une des principales contraintes est liée aux coûts de mise en œuvre. En effet, bien que la facturation électronique permette de réaliser des économies dans le long terme, les entreprises doivent au départ investir dans des systèmes informatiques et des logiciels de gestion adaptés. Le mode «Clearance» peut ainsi générer des charges supplémentaires liées à l’intégration des systèmes d’entreprise avec les plateformes de l’administration fiscale ainsi qu’à l’adaptation des processus pour se conformer aux exigences en temps réel.

De même, détaillent les experts d’Andersen, l’intégration de la facturation électronique peut s’avérer complexe, en particulier pour les structures qui ne disposent pas déjà d’un système d’information de type ERP ou au moins d’un module de gestion commerciale. Le fait est que l’adoption de ce système peut nécessiter une refonte des processus internes ainsi qu’une formation spécifique afin de garantir une utilisation correcte. Dans le cadre du mode «Clearance», cette complexité est plus élevée, car les entreprises doivent s’assurer que chaque facture est validée par le système de l’administration fiscale avant d’être envoyée. En outre, la numérisation des factures posera des défis en termes de sécurité des données. En effet, la transmission continue des données à l’administration fiscale nécessite des mesures de protection supplémentaires pour prévenir les fuites de données ou les accès non autorisés.

Andersen juge ainsi important de mettre en place une infrastructure sécurisée, comprenant des systèmes de chiffrement avancés et des protocoles de sécurité stricts. Il convient également de sécuriser le système d’information de la DGI afin d’éviter les accès et/ou la récupération non autorisée des données par des tiers. Aussi, le Fisc devrait veiller à ne prendre que les données strictement nécessaires à ses traitements. La transition vers la facturation électronique peut rencontrer des résistances, tant au sein des entreprises qu’auprès des clients.

Certaines entreprises, habituées aux processus papier, peuvent être réticentes à adopter de nouvelles technologies. En effet, l'obligation de passer par le mode Clearance pourrait renforcer cette résistance, notamment chez les entreprises qui perçoivent cette procédure comme une surveillance excessive ou une intrusion dans leurs opérations commerciales. Andersen recommande ainsi une adoption progressive avec un accompagnement des entreprises en parallèle. Pour assurer une adoption réussie de la facturation électronique au Maroc, Andersen estime «judicieux» de suivre une approche progressive similaire à celle adoptée par le Mexique ou bien à celle adoptée par le Royaume à l’occasion de la mise en place du système de télédéclaration au niveau de la plateforme «SIMPL» (application progressive par paliers décroissants de chiffre d’affaires).

L’adoption progressive permet de minimiser les perturbations pour les entreprises, en particulier les PME, et de garantir une transition en douceur. De même, l'accompagnement des entreprises par des actions de sensibilisation et des guides pratiques sera essentiel pour réussir cette transition. Pour les experts d’Andersen, la standardisation des formats de factures électroniques et l'interopérabilité entre différents systèmes seront des facteurs clés de succès de la transition vers la facturation électronique. Le Maroc pourrait ainsi s'inspirer de l'expérience de l'Espagne pour harmoniser les pratiques et assurer que tous les acteurs, y compris les partenaires commerciaux internationaux, puissent facilement échanger des factures électroniques. Il s’agira, par ailleurs, d’intégrer les spécificités de facturation sectorielles. Un élément clé à prendre en considération puisque les modes de facturation peuvent être spécifiques pour certains secteurs ou professions. Par exemple, la facturation dans le secteur du BTP se fait par avancement en appliquant différentes retenues (garantie, finition, etc.). On y trouve également l’amortissement des avances ainsi que les prélèvements pour compte prorata. Il est tout aussi important de prendre en considération la facturation chez les professionnels qui avancent des débours pour le compte de leurs clients (transitaires, notaires, experts‐comptables, etc.).

Pour Andersen, la sécurité des données devra être une priorité pour éviter les risques de cyberattaques. La transmission continue de données sensibles à l'administration fiscale dans le cadre du mode «Clearance» implique des défis spécifiques en matière de protection des informations. Le cabinet recommande, dans ce sens, de mettre en place des infrastructures informatiques sécurisées et de former les employés sur les meilleures pratiques en matière de sécurité des données.

Enfin, un mécanisme de suivi et d'évaluation continue devrait être mis en place pour mesurer l'impact de la facturation électronique et identifier les éventuels ajustements à apporter. Cela permettrait, d’après les experts d’Andersen, de s'assurer que les objectifs de modernisation, de conformité fiscale et de réduction de la fraude sont atteints. Pour rappel, la DGI avait lancé en juin dernier un appel d’offres international pour la mise en place d’un système de facturation électronique.
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