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Nandini Sukumar : "Le marché à terme est désormais une réalité concrète pour la Bourse de Casablanca"

Le marché à terme de la Bourse de Casablanca a été officiellement lancé ce lundi 11 novembre 2024. La World Federation of Exchanges (Fédération mondiale des bourses) a soutenu ce chantier qui promet d'accroitre significativement l'attractivité de la place financière. Dans cet entretien, Nandini Sukumar, sa Directrice Générale, revient sur les défis relevés et ceux que doit encore surmonter la Bourse de Casablanca pour opérationnaliser son marché des dérivés. Pour elle, le marché à terme est désormais "une réalité concrète pour la Bourse de Casablanca".

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- Le Matin : Quel rôle a joué la WFE pour soutenir des bourses comme la Bourse de Casablanca dans le lancement de nouveaux produits tels que le marché des dérivés ?

- Nandini Sukumar :
La WFE joue d’abord un rôle d’expertise technique, en accompagnant nos membres dans la planification, la stratégie et la mise en œuvre de projets visant à développer leurs marchés.

Deuxièmement, nous fournissons un renforcement des capacités. Pour le Symposium du marché des dérivés de la Bourse de Casablanca, organisé le 16 octobre 2024, nous avons mobilisé notre équipe de direction, qui a expliqué l'importance du projet des dérivés et l’a replacé dans un contexte international. Nous avons également créé et animé des ateliers pour les participants locaux, les régulateurs et les représentants gouvernementaux, couvrant les domaines clés à considérer lors du lancement d’un nouveau marché de dérivés.

Troisièmement, nous pouvons mobiliser notre réseau mondial qui inclut des membres de la WFE tels que le CME Group et Eurex de Deutsche Börse, ainsi que d'autres acteurs de l'industrie. Cela permet à la bourse de bénéficier de connaissances de pointe et d’une expérience approfondie. Pour le symposium de la Bourse de Casablanca, nous avons invité d'autres membres de la WFE pour partager leurs perspectives sur les meilleures pratiques de gestion d'un marché de dérivés.

Quatrièmement, nous fournissons un soutien continu à la Bourse de Casablanca pour les aider à relever les défis, surmonter les obstacles et saisir les opportunités qui se présentent à mesure que leur marché des dérivés se développe. Nous mettons à disposition des ressources pour que la bourse puisse tirer parti de nos recherches et événements, ainsi que des retours d’expérience des autres membres de la WFE lors de nos réunions trimestrielles de groupe de travail. En tant que membre de la WFE, la Bourse de Casablanca peut capitaliser sur le savoir partagé, les meilleures pratiques et l’expérience collective des bourses du monde entier pour bâtir un marché résilient, transparent et orienté vers le succès à long terme. Par exemple, chaque année, la WFE organise un programme d’assistance technique d’une journée dans le cadre de sa conférence WFEClear. En tant que membre de la WFE, la Bourse de Casablanca peut en faire bénéficier son marché en accédant à l’enseignement de praticiens de marché.

- Quels sont, selon vous, les principaux défis que rencontre la Bourse de Casablanca dans la mise en œuvre de son marché des dérivés ?

- Lancer un nouveau marché est un défi considérable pour toute bourse, et le lancement officiel des dérivés par la Bourse de Casablanca ce lundi 11 novembre est un accomplissement remarquable, d’autant plus qu’il n’existe actuellement qu’un seul marché de ce type sur le continent africain.

La construction et le maintien d’un marché liquide constituent toujours le défi majeur pour assurer le bon fonctionnement de tout marché de dérivés. Il est essentiel d’attirer une base large de participants, incluant des investisseurs, des investisseurs institutionnels, et des investisseurs étrangers, pour garantir la profondeur et la liquidité du marché. L’éducation des investisseurs sera cruciale à cet égard, et la bourse réfléchira à la manière d'élargir la sensibilisation et la compréhension des investisseurs sur la manière dont les dérivés permettent de gérer les risques financiers, de faciliter les stratégies d’investissement et, en fin de compte, de contribuer à la liquidité et à la stabilité des marchés financiers.

L'adhésion des parties prenantes, y compris les participants, les régulateurs et le gouvernement, est également un défi. Cependant, la Bourse de Casablanca y parvient, comme en témoigne le succès du Symposium, qui a permis de renforcer la coordination des principaux acteurs du marché marocain. Il est particulièrement notable de souligner la manière collaborative dont l'Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), dirigée par Madame Nezha Hayat, travaille en soutien à la bourse. C’est une approche éclairée, essentielle pour la réussite du projet. Seule la collaboration entre le régulateur, le gouvernement et le marché avec la bourse peut garantir un véritable succès. L'approche actuelle pave la voie à la création d’un environnement réglementaire sain et transparent, crucial pour la confiance du marché.

Le marché dépendra également de l'infrastructure de marché qui assure le bon déroulement des opérations de compensation, de règlement et de gestion des risques, pierre angulaire de toutes les bourses. Avec ces exigences fondamentales en place, le marché des dérivés de la Bourse de Casablanca sera prêt à réussir, jouant un rôle clé dans notre système financier et répondant aux besoins croissants des participants qui recherchent des outils pour couvrir leurs risques et améliorer leurs rendements.

- Comment la WFE évalue-t-elle les perspectives de succès du marché des dérivés à Casablanca, notamment en ce qui concerne son intégration avec d'autres marchés régionaux et internationaux ?

- Le marché à terme bénéficiera d’un déploiement progressif, en commençant par les contrats à terme sur l’indice MASI20. La signature des protocoles lors de la réunion du Comité du Marché des Capitaux (CMC) avec le Ministère de l’Economie et des Finances, Bank Al-Maghrib et l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux a été une étape marquante, tout comme le Symposium qui a réuni les acteurs clés de l’écosystème financier marocain. Le marché à terme est désormais une réalité concrète pour la Bourse de Casablanca, et bénéficie de l’adhésion et de l’engagement de toutes les parties prenantes.

Le lancement de ce marché représente un moment transformateur pour la Bourse de Casablanca, pour la place financière marocaine et pour le continent africain. Ce n’est pas seulement une étape technique, mais un jalon important dans l’ambition plus large du Maroc de se positionner comme un hub financier, un leader en Afrique, et un acteur de plus en plus influent dans les marchés financiers internationaux.

Pour la WFE, qui regroupe plus de 250 fournisseurs d'infrastructures de marché dans le monde, le marché à terme s’est révélé être un catalyseur de croissance et d’innovation, ouvrant la voie pour les secteurs financiers à mieux gérer les risques et à approfondir la liquidité des marchés sous-jacents. Le marché à terme a également favorisé l'internationalisation d'une économie, attirant les investissements étrangers et offrant aux investisseurs nationaux la possibilité de négocier des actifs internationaux dans un environnement fiable et sécurisé.

Le lancement d’un marché à terme ne consiste pas seulement à ajouter une ligne de produit à la bourse, mais à créer de nouvelles opportunités de croissance économique, de diversification et de gestion des risques, en donnant aux entreprises, institutions financières et investisseurs marocains la possibilité de tirer parti des opportunités tant sur les marchés domestiques que globaux.

- Quelles leçons la WFE a-t-elle tirées des autres marchés de dérivés lancés par des bourses dans des économies émergentes, et comment ces expériences pourraient-elles être appliquées au contexte marocain ?

- Nos membres sont à l’avant-garde de la création de marchés de dérivés dynamiques. Leur expérience montre l'importance d'adapter les produits dérivés aux besoins spécifiques et aux caractéristiques particulières de l'économie locale. Par exemple, le Johannesburg Stock Exchange (JSE) a développé des contrats à terme agricoles pour fournir aux producteurs sud-africains des outils de couverture essentiels et les aider à gérer la volatilité des prix sur des cultures clés telles que le maïs et le blé. De même, B3 au Brésil a introduit des contrats à terme sur les taux d’intérêt, un outil essentiel dans une économie fortement exposée aux fluctuations macroéconomiques.

Les expériences de ces bourses mettent en évidence l'importance d'établir des marchés qui répondent aux besoins économiques immédiats, tout en construisant l'infrastructure et les cadres réglementaires nécessaires pour une croissance durable et pour attirer les investisseurs internationaux - un modèle que la Bourse de Casablanca peut suivre dans le développement du marché à terme au Maroc.

Sur le continent africain, de plus en plus de bourses prennent conscience du potentiel des marchés à terme et progressent dans l’introduction de produits adaptés aux besoins économiques locaux, comme c’est le cas au Nigeria et au Kenya, notamment dans les secteurs des matières premières et des devises.

En s’inspirant des succès et des défis d’autres marchés et en se connectant et collaborant avec d’autres bourses, la Bourse de Casablanca mettra en place un marché à terme qui favorisera le développement économique, répondra aux besoins des investisseurs nationaux et internationaux, et renforcera la liquidité ainsi que l’offre de titres "investissables". Le rôle de leadership de la Bourse de Casablanca est crucial pour positionner le Maroc en tant que porte d’entrée pour les investisseurs souhaitant accéder à des marchés plus vastes dans la région.
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