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Les agences de voyages en déclin en plein boom du tourisme au Maroc !

Alors que les indicateurs touristiques montrent des signes prometteurs, les agences de voyages au Maroc peinent à retrouver des couleurs. Victimes d'une concurrence accrue et d'une nouvelle dynamique de marché qui les fragilise, elles s'interrogent aujourd’hui sur leur avenir face à des défis sans précédent.

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Bien que le tourisme national enregistre actuellement d'excellents résultats, cette reprise ne profite pas uniformément à toutes les branches du secteur. Les agences de voyages, par exemple, constatent une activité en berne et une baisse continue de leurs revenus, comme l'indiquent plusieurs professionnels que nous avons interrogés. «Les agents de voyage ne bénéficient pas nécessairement de cette reprise», souligne Mohamed Semlali, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM). Il rappelle qu'on est bien loin de l'âge d'or des années 1980-1990, une époque où ce segment jouait un rôle crucial dans le développement du tourisme marocain. «N'oublions pas que les agences de voyages, en collaboration avec l'Office national marocain du tourisme, ont grandement contribué à faire du Maroc une destination touristique à part entière», insiste le professionnel. «À l'époque, les agences DMC étaient fortement représentées dans les salons et autres événements internationaux de promotion. Les trois quarts des exposants étaient des agences de voyages. Aujourd'hui, la tendance s'est complètement inversée : seuls un quart des exposants sont des agents de voyages, tandis que les trois quarts sont des hôteliers. Nos chances de capter de nouveaux marchés s'amenuisent de plus en plus», déplore-t-il.

Une situation structurelle qui s’aggrave

Aujourd’hui, au-delà d'une simple crise conjoncturelle, cette situation tend à devenir structurelle, avec de plus en plus d'acteurs du secteur touristique qui «empiètent sur le territoire» des 2.000 agents de voyages que compte le secteur. En effet, outre les plateformes de réservation internationales, les compagnies aériennes et même les hôteliers se sont mués en concurrents directs des agences de voyages, grignotant des parts de marché cruciales.
Selon M. Semlali, ces acteurs devraient idéalement travailler en synergie, chacun se concentrant sur son cœur de métier. Il explique que les agents de voyages rencontrent énormément de problèmes avec certains hôteliers et maisons d'hôtes qui se substituent aux agents de voyages en proposant des services tels que les excursions, la location de voitures, la visite de la ville, les circuits, les transferts et bien d’autres prestations.

«Aujourd’hui, l'agent de voyages est attaqué de toutes parts. Il est confronté à la concurrence déloyale des plateformes étrangères et, plus inquiétant encore, à celle des compagnies aériennes. Il est même concurrencé par les bureaux de change sur la vente des billets d’avion ! Il pâtit également de la disparition du partenariat qui a toujours existé entre les agents de voyages et les hébergeurs. En conséquence, cet acteur clé de l'écosystème touristique se trouve pratiquement exclu de cette reprise et lutte tant bien que mal pour continuer à exister», regrette le président de la FNAVM. Il fait savoir que sa Fédération avait approché la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH) pour ressusciter le partenariat, mais que sa tentative n’avait pas abouti. «Il paraît clair aujourd’hui qu’ils n’ont plus besoin de ce partenaire jadis privilégié qui faisait vivre ces hôtels», lance-t-il avec amertume.

Les voyagistes amateurs, une préoccupation supplémentaire

Les organisateurs de voyages non professionnels, actifs sur les réseaux sociaux, ainsi que les pseudo-agences en ligne, posent aussi problème aux professionnels. «Aujourd'hui, n'importe qui, muni d'un ordinateur, peut se prétendre agent de voyages et opérer depuis son domicile, sa cuisine ou même sa chambre. Les arnaqueurs et autres parasites sont malheureusement nombreux, ternissant l'image des véritables agents de voyages», s’insurge Mohamed El Hitmi, président de l'Association régionale des agences de voyages de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (ARAVTTA). Il souligne que les touristes se mettent en danger en faisant confiance à des personnes souvent étrangères au métier, alors qu'ils devraient s'adresser à des agents reconnus, possédant une longue expérience dans le domaine.
Bien que le nord du Royaume soit une région attrayante pour les touristes, M. El Hitmi confirme que la situation est difficile pour les agences de voyages dans cette région, d'autant plus que le type de clientèle a changé, ce qui complique encore davantage les choses. «Même à Marrakech, malgré une affluence importante de visiteurs, on ne voit plus autant de bus transportant des groupes de touristes. Aujourd'hui, ce sont les voyageurs avec sac à dos, le low cost, et les séjours en Airbnb qui dominent», observe-t-il.

Un cadre légal qui laisse les agents de voyages sans protection

Mais le véritable problème, selon M. Semlali, réside dans le fait que ce métier n'est plus protégé. «L'État s'est concentré sur le développement du secteur hôtelier et a complètement négligé les agents de voyages», se plaint-t-il. Il rappelle qu'aucune loi ne protège actuellement cette profession, déplorant la disparition d'un ancien décret qui remonte à 1996. «Avant cette date, aucun tour opérateur étranger ne pouvait effectuer une réservation d’hôtel sans passer par un agent de voyages. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas», fait savoir le professionnel. «Aujourd’hui, les plateformes de réservation étrangères peuvent vendre un séjour à Agadir à un Marocain de Fès. C’est complètement insensé ! En plus, ces hôtels versent une commission minimale de 17% sur le prix, et ce en devises !», s’indigne-t-il.
«Et pour ne rien arranger, la loi actuelle permet à n'importe qui d'ouvrir une agence de voyages en 48 heures ! On en arrive à se demander si nous avons encore une place dans cet écosystème !», poursuit M. Semlali. Il rappelle qu'autrefois, l'ouverture d'une agence de voyages était soumise à l’approbation d'une commission présidée par le ministère du Tourisme. «Le futur agent de voyages devait justifier d’une formation spécifique et respecter un cahier des charges rigoureux», précise-t-il.



Face à cette situation, le président de la FNAVM explique avoir sollicité l'intervention des autorités compétentes à de nombreuses reprises, sans succès. «Nous avons écrit au ministère et à tous les responsables pour réclamer une solution, mais personne ne semble prêter attention à la détresse des agents de voyages. À l’évidence, le ministère du Tourisme a d’autres priorités», déplore-t-il. Il estime qu'il devient urgent de revoir le cadre réglementaire qui régit ce métier et le secteur dans son ensemble.

Un métier en voie de disparition ?

En dépit de l'embellie que connaît le secteur, les agences de voyages peinent à tirer leur épingle du jeu. Mohamed Semlali souligne qu'un nombre croissant d'agences se voient contraintes de mettre la clé sous la porte, tandis que d'autres sont menacées de suspension de leurs activités. «Le nombre d'agences qui disparaissent ne cesse d'augmenter. Et il s'agit souvent de grandes agences qui exercent ce métier depuis 20, 30, voire 40 ans, mais qui ne parviennent plus à couvrir leurs charges et à maintenir leurs activités», constate-t-il.

Pour lui, cette reprise du secteur touristique semble s'effectuer au détriment des agences de voyages, des acteurs essentiels qui peinent désormais à se faire une place dans un environnement hostile. «Il est urgent de tirer la sonnette d'alarme pour réévaluer ce segment essentiel qui a joué un rôle crucial dans le développement du tourisme national par le passé. Sa contribution demeure tout aussi importante aujourd'hui, et il est impératif de lui redonner la place qu'il mérite», plaide-t-il.
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