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Les grands chantiers de Bank Al-Maghrib (Abdellatif Jouahri)

Bank Al-Maghrib a du pain sur la planche. La dynamique que vit le Royaume sur plusieurs plans incite l’Institut d’émission à ouvrir et parachever des chantiers à la pelle. Ainsi, pour préparer une entrée souple du pays à l’ère des crypto-actifs, la Banque a d’ores et déjà concocté un cadre juridique dédié aux monnaies virtuelles. Ce dernier est actuellement dans les circuits d’adoption. L’enjeu derrière ce chantier étant de cadrer l’utilisation des crypto-actifs, sans pour autant freiner l’innovation qui peut émerger de cet écosystème. S’agissant du marché secondaire des créances en souffrance, le cadre réglementaire devant régir cette activité est également mis dans les circuits d’adoption. Son entrée en vigueur devrait permettre de fluidifier les bilans des institutions financières et améliorer leur capacité d’intervention. Pour la 2e phase de la flexibilisation du régime de change, la Banque centrale préfère encore la prudence estimant que toute décision dans ce sens devra être profondément étudiée avec les partenaires de ce chantier. Les détails.

Abdellatif Jouahri, Wali de BAM
Abdellatif Jouahri, Wali de BAM
Le Maroc franchit un nouveau pas dans le processus de réglementation des crypto-actifs. Le Royaume a ainsi concocté un cadre juridique dédié à cette monnaie virtuelle. Ce dernier est actuellement dans les circuits d’adoption. Son objectif, réguler cet écosystème tout en préservant l’innovation financière qui peut en découler. L’annonce a été faite par Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), le 17 décembre à Rabat, lors du point de presse organisé à l’issue de la tenue du dernier conseil de la Banque au titre de l’année en cours. «Nous avons voulu cadrer l’utilisation des crypto-actifs, sans pour autant freiner l’innovation qui peut émerger de cet écosystème», souligne le gouverneur de l’Institut d’émission. Selon lui, ce cadre juridique s’aligne sur les dernières recommandations du G20, tout en prenant en compte les risques inhérents à ces actifs financiers. Le texte a été élaboré avec l’appui technique du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, pour équilibrer deux impératifs majeurs, à savoir la garantie d’un environnement réglementé et sécurisé.



Ce processus, poursuit Jouahri, a fait l’objet d’une consultation élargie avec des institutions nationales et internationales ainsi qu’avec les acteurs économiques concernés. «Nous avons associé toutes les parties prenantes pour élaborer ce cadre. C’est une approche qui permet de garantir une adoption optimale et de minimiser les zones d’ombre», fait-il remarquer. Le Royaume se positionne du coup parmi les premiers pays en développement à offrir une réglementation claire et complète des crypto-actifs. Cette démarche permettra au pays de se préparer aux défis économiques et financiers posés par la digitalisation des systèmes monétaires.

Assouplissement monétaire : les banques jouent le jeu !

Abordant la décision du Conseil de la Banque de réduire à 2,5% le taux directeur, le gouverneur de l’Institut d’émission estime que tout assouplissement monétaire doit s’accompagner d’une détente sur les taux bancaires. «C’est d’ailleurs ce que nous demandons au secteur bancaire après chaque réduction du taux directeur. En revanche, lorsque nous avons procédé à un relèvement du taux directeur de 150 points de base, le secteur bancaire n’a pas impacté cette hausse de manière systématique sur les taux offerts aux clients, particuliers et entreprises. Nous avons adressé une lettre au secteur bancaire où nous leur avons souligné le fait que les dossiers de demande de crédits doivent être traités au cas par cas et que l’évaluation de ces demandes doit prendre en compte le coût des ressources bancaires», détaille Jouahri.



À l’en croire, ces recommandations de la Banque centrale ont été appliquées. La preuve, argue Jouahri, c’est que les 150 points de base de hausses cumulées n’ont pas été répercutés totalement sur les taux aux clients. Les données montrent, selon lui, que seulement 122 points de base sur les 150 auront été appliqués par le secteur bancaire. Pour cette nouvelle baisse du taux directeur, elle devra s’inscrire dans cette même configuration, c’est-à-dire que les banques doivent opérer une baisse quasi-générale sur les taux offerts aux clients, qu’ils soient particuliers ou entreprises. Ce qui aura la vertu de donner un réel coup de fouet aux investissements et partant à la croissance. Interrogé sur la possibilité d’une potentielle réduction du taux directeur en 2025, Jouahri a précisé que ce genre de décision relève du Conseil de la Banque qui analyse et évalue de manière régulière les données liées à l’inflation et fondent ses décisions sur cette base. Ainsi, estime Jouahri, il est difficile de prédire de telles décisions, tant que celles-ci sont intimement liées à l’évolution de plusieurs indicateurs, dont la croissance économique, les crédits bancaires, l’inflation, les finances publiques... Bref, toutes les données qui pèsent sur les équilibres macro-économiques. Si la tendance constatée dicte un assouplissement du taux directeur, le Conseil procède à cet assouplissement. Mais la crainte du gouverneur de BAM, c’est que l’inflation reparte à la hausse. «Par exemple, la nouvelle administration américaine arbore une seule devise : America first. De même, cette administration entend revoir à la hausse la taxation des produits chinois sur le marché américain. Et une même décision est envisagée pour les produits européens. Toutes ces donnes ont un impact sur nous, c’est sûr !», alerte Jouahri.

Directive de l’UE sur l’activité relai des banques étrangères : Le Maroc défend ses MRE

Le Wali a rappelé, par ailleurs, que ses services travaillent depuis plusieurs mois sur la nouvelle directive de l’Union européenne sur l’activité relai des banques marocaines en Europe. «C’est une réelle problématique !», dixit Jouahri qui affirme que des négociations sont menées avec différentes banques centrales des pays de l’UE, notamment celles de l’Espagne et la France, de façon à ce que les mouvements financiers des MRE ne soient pas touchés par la directive ou par son interprétation. Autre exemple cité par le gouverneur de BAM, les tensions en Syrie. «Qui croyait que les problèmes politiques en Syrie ressurgissent de nouveau ? Maintenant, c’est un fait établi dans un contexte international infecte d’incertitudes et marqué par une redistribution des équilibres au niveau mondial», lance Jouahri.

Prévisions économiques : BAM révise modèles

En abordant le sujet des écarts des prévisions de croissance pour 2025 entre l’Exécutif et la Banque centrale, le Wali de la Banque centrale estime que les pronostics du gouvernement, de même que ceux de l’Institut d’émission, se basent sur des hypothèses. À ses yeux, cette logique est nécessaire. «Les hypothèses construites sont faites pour être révisées en cours de route. Par exemple, pour les prévisions de la récolte agricole, l’hypothèse du gouvernement est construite autour des prévisions fournies par le département de l’Agriculture qui peut tabler sur une compagne agricole moyenne, certes, mais si le ciel s’avère par la suite plus clément, les donnes changent et les décisions sont réajustées en conséquence», développe le gouverneur de la Banque centrale qui précise au passage que l’établissement des prévisions ne constitue pas un exercice scientifique pur et dur même si ce processus est basé sur des modèles de calculs. Ces derniers, ajoute Jouahri, font d’ailleurs l’objet d’un travail d’actualisation entrepris par la Banque centrale à la lumière des crises vécues par le Royaume depuis 2008. L’objectif étant d’affiner au mieux les prévisions de la Banque dans le futur.

Régime de change : Les réunions de travail appelées à s’intensifier

Au sujet de la réforme du régime de change, Jouahri prêche encore une fois «prudence !», tout en affirmant avoir sensibilisé les différentes institutions partenaires de ce chantier, notamment le FMI, au fait d’intensifier le rythme des réunions conjointes de travail dans la perspective d’être très au fait de «leurs chiffres» et surtout les changements de leurs données sur le Maroc. «Ce qui est de nature de nous permettre de mieux comprendre leurs analyses et prendre les décisions les plus adaptées en conséquence», soutient le gouverneur de la Banque. Le feedback de ces institutions aura été positif à en croire le Wali, puisqu’un bon nombre de ces institutions a réagi favorablement à cette requête de la Banque centrale. Ainsi, révèle Jouahri, un planning des réunions est en cours d’élaboration sur la base de ces enjeux. Le gouverneur de BAM assure, par ailleurs, que toute nouvelle décision dans le processus de réforme du régime de change devra être dûment étudiée et analysée sur la base de données précises et affinées avec l’ensemble des partenaires de ce chantier stratégique.

Montée du chômage : la croissance, une panacée inéluctable !

Réagissant aux chiffres sur la montée du taux de chômage au Maroc fournis tout récemment par le Haut-Commissaire au Plan, Chakib Benmoussa, suite au recensement général de la population qui ont révélé que ce taux a atteint 21,3% contre 16,2% en 2014, Jouahri indique que BAM se base essentiellement sur les chiffres du HCP en ce qui concerne le chômage et que, à ce titre, la Banque centrale n’a pas d’autres données pour procéder à une comparaison. Le gouverneur a, toutefois, souligné qu’il n’y a pas 36 mille solutions à la problématique du chômage. Selon lui, pour pouvoir adresser véritablement cette problématique, il faudra aller vers une croissance économique plus solide, assortie d’une bonne répartition de la richesse. «Nous n’avons pas le choix. Les secteurs public et privé doivent réellement centrer leurs efforts sur le développement», résume Jouahri. Ceci dit, nuance-t-il, les secteurs non agricoles montrent des signes positifs en ce sens qu’ils renouent avec la croissance en empruntant des trajectoires oscillantes entre 4 et 5%. Et c’est de là que viendra la solution à la problématique de l’emploi, insiste le patron de la Banque centrale.

Marché secondaire des créances en souffrance : Les investisseurs salivent déjà !

Abordant le sujet du marché secondaire des créances en souffrance, le Wali de BAM a fait état de l’existence d’un fort appétit pour le marché secondaire des créances en souffrance, suite à la première opération de titrisation réussie de 400 millions de dirhams, réalisée par une banque marocaine. Pour Jouahri, cette dynamique devrait permettre de structurer et de dynamiser le marché des créances non performantes, grâce à un cadre juridique désormais finalisé. Ce dernier, actuellement dans les circuits d’adoption, passera par plusieurs étapes avant d’entrer en vigueur, avec une consultation publique et un processus d’adoption gouvernementale et parlementaire. «Le marché secondaire des créances en souffrance représente un levier majeur pour renforcer la solvabilité des banques et soutenir l’économie nationale. En permettant une gestion active des créances non performantes, ce marché contribuera à fluidifier les bilans des institutions financières et à améliorer leur capacité d’intervention», conclut Jouahri.

Sortie du Trésor à l’international : le Maroc réajuste son calendrier

Interrogé sur le calendrier de la prochaine sortie du Maroc sur les marchés financiers internationaux, le Wali de BAM a jugé qu’elle devrait intervenir au cours du premier trimestre 2025. Cette opération, initialement prévue en fin d’année 2024, a été reportée afin de garantir des conditions plus favorables. Aux yeux de Jouahri, le bon timing est essentiel, non seulement pour assurer des conditions de taux optimales mais aussi pour préserver la réputation du Maroc auprès des investisseurs étrangers. «Il faut s’assurer d’une souscription optimale et déterminer si l’on peut opter pour des maturités longues ou moyennes», précise le gouverneur de la Banque centrale qui indique que la décision finale appartient au ministère de l’Économie et des finances, avec qui la Banque collabore étroitement, et repose sur une analyse approfondie de l’évolution des marchés internationaux.
Encadré

Croissance : ce que prévoit BAM pour 2025 et 2026

La Banque centrale table sur croissance économique se limitant à 2,6% cette année, après 3,4% en 2023, mais s’accélèrerait à 3,9% au cours des deux prochaines années, selon ses projections. Dans le détail, l’Institut d’émission pronostique une quasi-stabilité de la croissance non agricole autour de 3,5% en 2024, avant une amélioration à 3,6% en 2025 et à 3,9% en 2026. Pour sa part, la valeur ajoutée agricole, pâtissant des conditions climatiques défavorables ayant prévalu lors de la précédente campagne, accuserait un repli de 4,6% en 2024, avant d’afficher, sous l’hypothèse de récoltes céréalières de 50 millions de quintaux équivalant à la moyenne des 5 dernières années, des progressions de 5,7% en 2025 et de 3,6% en 2026.
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