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Mohammed Sadiki à cœur ouvert avec «Le Matin» (Grande interview)

Dans cette grande interview, accordée, en exclusivité, au journal «Le Matin», le ministre de l’Agriculture, Mohammed Sadiki, fait le point sur les différents chantiers de développement d’un secteur hautement stratégique pour l’économie du pays. Campagne agricole avec le détail des mesures prises pour son bon déroulement, bilan des 3 ans de Génération Green, état d’avancement du programme de l’entrepreneuriat des jeunes en agriculture, protection sociale des agriculteurs, mobilisation des terres collectives, résilience du modèle agricole marocain, innovation… le ministre dit tout sur les multiples projets qui devront révolutionner l’agriculture à l’horizon 2030.

Le Matin : Le département de l’Agriculture vient de lancer la campagne agricole 2023-2024. Quelle est la particularité de cette saison agricole et quelles sont les nouvelles mesures prises pour son bon déroulement, sachant qu’elle intervient dans un contexte marqué par l’inflation des intrants agricoles et les effets d’années successives de sécheresse ?

Mohammed Sadiki : Le lancement de la campagne agricole actuelle coïncide avec une circonstance très particulière caractérisée par la campagne agricole 2022-2023, laquelle a été marquée, notamment, par un déficit pluviométrique et une répartition temporelle irrégulière des précipitations. La situation est aussi aggravée par la succession des années de sécheresse sur les cinq dernières campagnes qui se traduit par des taux de remplissage des barrages alarmants. De même, cette campagne intervient dans une conjoncture caractérisée par un renchérissement des coûts des intrants suite à la pandémie de la Covid-19 et à la guerre russo-ukrainienne, en plus du tremblement de terre, du 8 septembre dernier, qui a frappé la région d’Al Haouz.



Face à des défis liés notamment à la rareté de l’eau et la cherté des intrants agricoles et dans le cadre des efforts déployés pour la mise en œuvre de la stratégie Génération Green 2020-2030 (GG), le ministère a pris une série de mesures et dispositions en matière notamment d’approvisionnement en facteurs de production (semences et engrais), de développement des filières agricoles, de gestion de l’eau d’irrigation, d’assurance agricole, de financement et d’accompagnement des agriculteurs afin de réussir l’actuelle campagne agricole. Pour les semences, je dois souligner la mobilisation d’environ 1,1 million de quintaux (qx) de semences sélectionnées des céréales à des prix incitatifs, à travers une subvention à l’utilisation des semences céréalières : soit 210 DH/quintal (q) pour le blé tendre, 290 DH/q pour le blé dur et 210 DH/q pour l’orge. À cela s’ajoute la commercialisation de semences céréalières à des prix de vente subventionnés maxima (catégorie R2) : blé tendre : 400 DH/quintal, blé dur : 620 DH/quintal et l’orge : 400 DH/quintal. Les mesures prises portent également sur le renforcement de la politique de proximité à travers la rationalisation du réseau de distribution

et le suivi quotidien des ventes et l’octroi d’une subvention pour l’acquisition des semences et des plants de tomate ronde, d’oignon et des semences de pomme de terre à hauteur de 50%. L’objectif étant de réduire le coût de production et d’assurer la production de ces produits maraîchers de forte consommation.

Et qu’en est-il particulièrement des engrais dans le cadre de ce dispositif de soutien ?

Concernant les engrais, les dispositions mises en place concernent l’approvisionnement du marché à hauteur de 600.000 tonnes d’engrais phosphatés, au même prix de la campagne précédente. Pour les engrais azotés, nous assurons l’approvisionnement du marché national en quantités suffisantes d’environ 5 millions de quintaux avec des prix subventionnés de 240 DH/q pour l’Ammonitrate d’azote (33%), de 330 DH/q pour l’urée (46%) et de 150 DH/q pour le sulfate d’ammonium (21%) à travers des centres de relais, et ce afin de maintenir leurs prix à des niveaux abordables pour les agriculteurs sur tout le territoire du Royaume. De même, l’octroi d’aides aux analyses de laboratoire (sols, eaux et plantes) sera maintenu pour une meilleure rationalisation de fertilisation.



En matière d’assurance agricole, l’assurance multirisque climatique pour les céréales, les légumineuses et les cultures oléagineuses devrait couvrir une superficie d’environ 1,25 million de hectares avec la poursuite du programme d’assurance multirisques pour les arbres fruitiers qui devrait permettre d’assurer près de 50.000 ha. Par ailleurs, nous prévoyons la poursuite de l’encouragement de l’investissement dans le secteur agricole dans le cadre du Fonds de développement agricole (FDA) avec le maintien des incitations en vigueur, leur révision ou la mise en place de nouvelles aides pour la mise en œuvre de la stratégie GG. Par ailleurs, dans ce cadre du développement de l’agriculture résiliente aux changements climatiques, le programme national de semis direct se poursuivra, au titre de l’actuelle campagne agricole,

sur une superficie de 200.000 ha, avec l’objectif d’en atteindre 1 million à l’horizon 2030. Sans oublier l’acquisition et la distribution de 130 semoirs de semis direct au profit des coopératives agricoles avec le renforcement de la sensibilisation et de l’accompagnement des agriculteurs pour adopter cette technique. Parallèlement à ces dispositifs, des mesures ont été prises dans l’irrigation. Les plus importantes d’entre elles, au titre de la campagne agricole 2023-2024, portent sur la poursuite et l’achèvement des travaux de modernisation des réseaux d’irrigation collectifs et d’aménagement des exploitations agricoles, le suivi des travaux d’équipements hydro-agricoles pour valoriser les ressources mobilisées par les barrages et la poursuite des

travaux de préparation et de protection des petits et moyens périmètres hydrauliques. En plus de cela, nous lançons le programme de l’irrigation de complément à travers l’équipement d’un million d’hectares à l’horizon 2030. Suite aux Hautes Instructions Royales pour atténuer les effets de l’important déficit hydrique enregistré durant la campagne agricole en cours, le programme, mis en place par le gouvernement dans sa composante appui aux filières animales, consiste en la distribution d’orge et d’aliments composés pour les bovins à un prix de 2 DH/kg et 2,5 DH/kg respectivement pour

des quantités de l’ordre de 18 millions de qx pour l’orge et de 6 millions de qx pour les aliments composés pour bovins. Je tiens à souligner que les services du ministère restent mobilisés pour un suivi continu de l’évolution de la campagne agricole en coordination avec l’ensemble des parties concernées avec l’accompagnement des agriculteurs notamment à travers les actions de proximité de conseil agricole.

Je rappelle qu’en application des Hautes Instructions Royales, le gouvernement avait mis en œuvre, en 2022, un programme exceptionnel de réduction de l’impact du déficit pluviométrique, pour un coût global de 10 milliards de dirhams. Parallèlement à ces mesures conjoncturelles, le gouvernement s’activera sur le moyen terme pour rétablir progressivement les équilibres des différentes filières et restaurer la dynamique de tous les secteurs productifs affectés par la crise, tout en poursuivant les investissements structurants visant à renforcer la résilience de l’agriculture nationale, en prenant en considérations les différentes mutations, notamment climatiques.



Le monde agricole est confronté, depuis pratiquement deux ans, à une inflation importante qui touche les intrants. Ce qui impacte les prix à la consommation. Comment le département de l’Agriculture entend-il juguler cette inflation ?

D’abord, je dois rappeler que la nouvelle stratégie agricole (GG), lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, en février 2020, vient consolider, renforcer et pérenniser les acquis du Plan Maroc vert (PMV), en imprimant un nouvel élan de modernisation à l’agriculture du pays et englobe de nouveaux objectifs ambitieux notamment en matière d’encouragement à l’utilisation d’intrants agricoles pour leur rôle déterminant dans le processus de production en agriculture. Dans ce cadre, face à des défis liés notamment à la rareté de l’eau et la cherté des intrants agricoles et dans le cadre des efforts déployés pour la mise en œuvre de la stratégie GG, le ministère a pris une série de mesures et dispositions, en matière notamment d’approvisionnement en facteurs de production (semences et engrais). Ainsi, sur les semences, comme je l’ai souligné, l’État poursuivra, pour cette campagne 2023-2024, le soutien aux semences céréalières certifiées afin de garantir la pérennité de l’écosystème de semences sélectionnées et protéger le rendement de l’ensemble des intervenants (multiplicateurs, agriculteurs et semenciers). En outre, il sera procédé à la mise en place d’un soutien par l’État des prix des semences : pour le blé tendre et l’orge, ce soutien est de 210 dirhams le quintal et de 290 DH/q pour le blé dur. Le tout assorti de l’octroi d’une prime au stockage des semences céréalières de 5 dirhams par quintal et par mois, pendant une durée de neuf mois, dans la limite d’une quantité n’excédant pas 220.000 quintaux, au profit des entreprises agréées pour la commercialisation des semences. Ensemble, ces mesures doivent contribuer à la mobilisation d’environ 1,1 million de quintaux de semences certifiées des céréales à des prix incitatifs et de maintenir leurs prix à des niveaux abordables pour les agriculteurs sur l’ensemble du territoire du Royaume. Aussi, des efforts ont été déployés pour le renforcement de la politique de proximité à travers l’intensification et l’optimisation du réseau de distribution de l’Office national du conseil agricole (ONCA) et du développement continu du réseau privé dans un cadre contractuel avec des distributeurs privés. À noter également que dans le cadre du programme de réduction de l’impact du déficit pluviométrique, un programme de subventions a été mis en place pour réduire les coûts de production de certains légumes de base, à travers l’octroi d’une subvention à hauteur de 50% pour l’acquisition des semences et des plants de tomate ronde, d’oignon et des semences de pomme de terre, et ce, en vue d’assurer la production de ces produits maraîchers à coût raisonnable.

Trois ans après son opérationnalisation, quel bilan dressez-vous de la stratégie Génération Green (2020-2030), en termes d’emplois créés, de valeur ajoutée agricole, d’entrepreneuriat par les jeunes et d’offre exportable ?

Après pratiquement 3 ans de l’opérationnalisation de cette nouvelle feuille de route, je peux vous dire que les résultats sont globalement satisfaisants. Concrètement, l’emploi en agriculture constitue actuellement près de 30% de l’emploi total avec un SMAG (salaire minimal agricole, Ndlr) qui s’est amélioré de 15% entre 2020 et 2023, passant de 1.994,2 DH par mois en 2020 à 2.303,08 DH en 2023. De plus, la valeur ajoutée agricole s’est maintenue à ses niveaux entre les périodes 2019-2020 et 2021-2022, avec une légère augmentation de 2,3% entre ces deux périodes, et ce malgré les conditions climatiques défavorables et la succession des périodes de sécheresse, témoignant ainsi de la résilience du secteur agricole. Comme vous le savez, la stratégie GG fixe les grandes orientations et axes de développement du secteur agricole durant les 10 prochaines années, tout en consolidant les acquis du PMV et les nouvelles ambitions issues des changements du contexte économique national et international à travers deux principaux fondements : la priorisation de l’élément humain et la poursuite de la dynamique de développement du secteur agricole.

Dans son premier fondement relatif à la priorisation de l’élément humain, le ministère de l’Agriculture veille à faire émerger une nouvelle génération de classe moyenne agricole, de jeunes entrepreneurs et d’organisations agricoles et mettre en place une nouvelle génération de mécanismes d’accompagnement. Dans ce cadre, plusieurs mesures ont été entreprises. Ainsi, pour l’émergence d’une nouvelle génération de classe moyenne agricole, nous poursuivons les efforts d’investissement par la mise en place d’un système d’incitations ciblées. En effet, en plus du système incitatif actuel, des subventions pour la valorisation des terres collectives au profit des investisseurs, des ayants droit et des jeunes sont en cours d’instauration.

S’agissant du développement d’une nouvelle génération d’organisations agricoles pour la création des coopératives, des projets d’agrégation avec de nouveaux modèles d’organisations ont été déclinés en vue d’atteindre un taux de regroupement de 25% des agriculteurs. Dans ce cadre, une convention relative au programme national de constitution des coopératives agricoles de nouvelle génération a été signée entre les ministères de l’Agriculture et du Tourisme. Son objectif, établir et mettre en œuvre le programme national de création de 18.000 coopératives agricoles et entrepreneuriales de nouvelle génération, en mobilisant environ 1.100 conseillers agricoles d’ici 2030. Ainsi, à fin août 2023, pas moins de 2.806 coopératives agricoles ont été créées au profit des agriculteurs, des femmes et des jeunes ruraux.

Pour ce qui est de la mise en place de nouveaux mécanismes d’accompagnement, je rappelle que GG prévoit le renforcement du conseil agricole, l’introduction des nouvelles technologies et le lancement de projets d’agriculture solidaire de nouvelle génération sur près de 350.000 à 400.000 ha au niveau des zones vulnérables. Pour l’agriculture solidaire, les principales réalisations consistent en l’approbation de 27 projets au niveau de 11 régions d’un coût total de 822 millions de dirhams au profit de 19.670 bénéficiaires (agriculteurs, jeunes et femmes rurales) répartis sur plusieurs régions et collectivités territoriales. De même, plus de 13 contrats de partenariats des projets d’agriculture solidaire ont été signés à ce jour, en plus de la poursuite de la mise en œuvre de 279 projets du deuxième pilier du Plan Maroc vert, au profit de 175.000 bénéficiaires, pour un coût d’investissement résiduel de 3,3 milliards de dirhams.

La stratégie GG accorde également une importance à la pérennité du développement du secteur en consolidant les filières agricoles. Comment évaluez-vous les réalisations sur ce volet ?

À travers son deuxième fondement relatif à la pérennité du développement agricole, GG vise, justement, la consolidation des filières agricoles par une intervention plus ciblée sur l’amont agricole et une réallocation des efforts sur l’aval, en vue du dédoublement des exportations (50 à 60 milliards de DH) et du PIB agricole pour atteindre 200 à 250 milliards de DH à l’horizon 2030. Dans ce cadre, 19 contrats-programmes de nouvelle génération pour le développement des filières agricoles ont été signés en concertation avec les interprofessions concernées en marge de la quinzième édition du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM). Je dois noter que les exportations agricoles ont augmenté de 167% entre 2008 et 2020 et de 9% entre 2021 et 2022. La particularité de cette nouvelle génération de cadres contractuels c‘est qu’elle cherche de la valeur ajoutée auprès des filières prometteuses telle que l’agriculture biologique qui répond non seulement aux enjeux économiques, mais également aux défis environnementaux et sociaux. De ce fait, la stratégie GG accorde une importance capitale au développement de l’agriculture biologique en visant à étendre davantage les superficies, pour atteindre les 100.000 ha à l’horizon 2030, tout en renforçant la production, l’export et la consommation intérieure.

Actuellement, cette superficie s’élève à près 18.530 ha. De même, un nouveau contrat-programme portant sur le développement des races équines barbe et arabe-barbe et l’appui à la filière Tbourida a été conclu entre le ministère de l’Agriculture, le ministère de l’Économie et des finances, d’une part, et la Fédération Royale marocaine des sports équestres (FRMSE), la Société Royale d’encouragement du cheval (Sorec), le Groupe Crédit Agricole

du Maroc, l’Association marocaine des chevaux barbes et arabes-barbes (AMCBAB) et l’Association nationale des arts équestres Tbourida (ANAET), d’autre part.

Et qu’en est-il de l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes exploitants ?

Effectivement, la stratégie GG accorde une attention particulière à l’entrepreneuriat des jeunes dans le monde rural dans la perspective de faire émerger une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs agricoles notamment via l’émergence de 180.000 nouveaux jeunes exploitants à travers la valorisation des terres collectives et d’autres types de terres y compris le domaine privé de l’État, les terres privées, etc. Autre objectif, la création de 170.000 emplois dans les services agricoles, para-agricoles et la transformation à travers l’encouragement de la création des entreprises et des coopératives de service dans ces secteurs. Dans le cadre du soutien financier, nous prévoyons la mise en œuvre des incitations actuelles à l’investissement accordées dans le cadre du Fonds de développement agricole (FDA), en plus de incitations prévues pour les terres collectives au profit des ayants droit, des jeunes et des investisseurs. En outre, le Groupe Crédit Agricole du Maroc (GCAM) prévoit un accompagnement des jeunes entrepreneurs en agriculture à travers une nouvelle génération de produits innovants appelé «CAM-Génération Green», combinant incitations de l’État et crédit bancaire. Cette gamme comprend deux produits spécifiques : CAM-Génération Green Jeunes destiné aux jeunes agriculteurs et aux jeunes entreprises rurales de services liés à l’agriculture et CAM-Génération Green Melkisation, dédié aux ayants droit des terres collectives à titre individuel (personnes physiques) ou en groupement. Les jeunes entrepreneurs ont également la possibilité de bénéficier de prêts garantis par l’État dans le cadre de l’Initiative Royale «Intelaka». Les jeunes entrepreneurs agricoles peuvent aussi mettre à profit d’autres programmes de financement spécifiques tels que le dispositif «Forsa», l’accompagnement à travers l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), en plus des offres bancaires destinées aux jeunes à des taux encourageants.

La stratégie GG a également prévu parmi ses axes l’amélioration des conditions de commercialisation, de distribution et de la qualité des produits agricoles. Où en êtes-vous sur ce chantier ?

Effectivement, cet axe a pour objectif de maximiser la valeur captée par les agriculteurs et améliorer la qualité des produits vendus aux consommateurs à travers la modernisation de 12 marchés de gros régionaux de fruits et légumes (MDG), les abattoirs et la réhabilitation des souks. Dans ce cadre, les ministères de l’Agriculture, des Finances, de l’Intérieur et du Commerce avaient signé une convention-cadre en 2020 qui définit les engagements des

différentes parties prenantes afin de créer ou moderniser des marchés de gros de nouvelle génération. À date d’aujourd’hui, le marché de gros de Rabat est en cours de construction et 4 autres plateformes seront lancées à Meknès, Marrakech, Agadir et Berkane. GG prévoit aussi sur la promotion de la qualité, l’innovation et la Green-Tech, et ce afin d’adapter l’agriculture marocaine aux tendances agricoles et technologiques ainsi qu’aux nouveaux modes de consommation. Les actions programmées dans ce sens portent sur l’agrément de 120 abattoirs créés ou modernisés à l’horizon 2030. À ce jour, 16 abattoirs ont été agréés. Il est de même prévu le dédoublement du contrôle sanitaire des produits agricoles et l’identification de 100% du cheptel marocain. Dans ce cadre, et pour se conformer aux orientations stratégiques de GG, une feuille de route, qui aspire à renforcer la sécurité sanitaire des produits alimentaires et à répondre aux principaux défis du secteur, a été élaborée.

Pour le développement de l’innovation dans le secteur, nous tablons sur la multiplication par 1,5 à 2 des investissements dans la Recherche & Développement et l’inscription de 30 à 50 nouvelles variétés de semences au catalogue officiel à l’horizon 2030. À fin 2022, quelque 14 variétés ont été inscrites.

Le changement climatique figure parmi les défis auxquels fait face le développement agricole du pays. Comment le ministère de l’Agriculture aborde-t-il cette problématique qui présente des enjeux stratégiques liés à la durabilité des systèmes de production ?

Génération Green (GG) place, effectivement, le développement d’une agriculture résiliente et éco-efficiente au cœur de ses priorités à travers le dédoublement de l’efficacité hydrique, la poursuite du Programme national d’approvisionnement en eau potable et en eau d’irrigation (PNAEPI 2020-2027) et la conservation des sols. Dans ce cadre, la stratégie agricole vise à poursuivre les programmes d’irrigation entrepris dans le cadre du PMV. Ainsi, GG prévoit l’équipement en irrigation localisée d’une superficie de près d’un million d’hectares à l’horizon 2030. Actuellement, près de 800.000 ha sont équipés en goutte à goutte. Autre objectif, l’extension de l’irrigation à l’aval des barrages sur 72.450 ha à l’horizon 2030. À date d’aujourd’hui, près de 38.100 ha font l’objet d’opérations d’aménagement. Autre chantier et non des moindres, la réhabilitation et la modernisation de 200.000 ha de périmètre de Petite et Moyenne hydraulique (PMH) d’ici 2030. Actuellement, plus de 60.000 ha sont réhabilités dans le cadre de ce programme. À cela s’ajoute le renforcement du Partenariat public-privé en irrigation autour des projets de sauvegarde de l’irrigation et de dessalement de l’eau de mer à travers notamment l’exploitation en cours du projet de dessalement de l’eau de mer de Chtouka sur 15.000 ha et la prévision de son extension en 2024, en plus du lancement du projet de dessalement de Dakhla sur une superficie de 5.000 ha combiné à l’utilisation de l’énergie éolienne ainsi que l’étude de faisabilité d’autres projets de dessalement de l’eau de mer notamment dans l’Oriental, à Laâyoune et Guelmim-Oued Noun.

La généralisation de la protection sociale au secteur agricole est un chantier stratégique qui a fait l’objet d’une Attention Royale particulière. Quel est l’état d’avancement ?

Dans le processus de généralisation du régime de la protection sociale aux agriculteurs et aux salariés agricoles, conformément aux Orientations Royales, je dois indiquer que le nombre total des agriculteurs identifiés est de 1,39 million, dont 1,23 million immatriculés dans le régime dédié aux travailleurs non salariés (TNS) et pas moins de 20.000 sont en cours d’immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). En plus de ces mesures, nous travaillons à l’extension de l’assurance agricole afin de pouvoir couvrir 2,5 millions d’hectares de terres agricoles à l’horizon 2030 contre près de 1,2 million d’ha actuellement. À cela viennent s’ajouter l’amélioration des conditions de travail des salariés et la réduction de l’écart entre le salaire minimum agricole et celui en vigueur dans les autres secteurs économiques à l’horizon 2030. Dans ce cadre, et conformément à l’accord social signé début mai 2022 avec les organisations syndicales du secteur, une augmentation du SMAG de 10% a été enregistrée à partir de septembre 2022. Une autre augmentation de 5% de ce SMAG est effective à compter de septembre 2023. Pour revenir au sujet de la protection sociale des agriculteurs, je dois rappeler qu’afin d’assurer le succès de ce chantier, initié par S.M le Roi Mohammed VI, le département de l’Agriculture a été désigné comme l’organe de liaison avec la CNSS, responsable de deux missions essentielles : la définition et la mise à jour des listes des agriculteurs bénéficiaires, ainsi que leur transmission à la CNSS en vue de leur immatriculation. Pour ce faire, un cadre réglementaire a été établi pour la création de structures opérant à différents niveaux. Il s’agit du décret n° 2.21.1036 relatif aux attributions et à l’organisation des directions centrales du département qui a été adopté en vue d’y apporter de nouvelles attributions, notamment celles relatives à l’activation, au suivi et à l’évaluation de la protection sociale au profit des agriculteurs, ainsi que la coordination de ce programme au niveau du secteur agricole. La mise en œuvre de cet important Projet Royal se poursuit en mobilisant le département de l’Agriculture avec toutes ses structures et en coordination avec les secteurs ministériels concernés et les partenaires institutionnels. Dans ce sens, quatre conventions de partenariat ont été signées avec les partenaires clés : la convention portant sur l’échange de données dans le cadre des régimes Assurance maladie obligatoire (AMO) et de la pension pour les agriculteurs entre la tutelle et la CNSS, la convention tripartite de partenariat sur le renforcement du dispositif de mise en œuvre de l’AMO au profit des agriculteurs signés entre la tutelle, la CNSS et le GCAM, la convention de coopération et de partenariat relative à l’échange des données agricoles entre la tutelle du secteur et le GCAM et la convention-cadre de partenariat relative à la mise à jour des données en lien avec le secteur agricole par les données foncières et cadastrales entre ce ministère et l’Agence nationale de la conservation foncière et du cadastre (ANCFCC). Je dois vous dire que la réussite de la généralisation de la couverture sociale des agriculteurs dans un premier temps, repose sur une base de données fiables sur les agriculteurs et leurs exploitations afin d’établir la liste des bénéficiaires avec les catégories de cotisation. Ces données sont fournies par le Registre national agricole (RNA) que nous avons établi.

Comment se déclinent les grilles de cotisation pour le secteur agricole ?

S’agissant des grilles de cotisation pour l’ensemble des sous-catégories d’agriculteurs, ce département a mené une étude basée sur les données du Recensement général de l’agriculture et de terrain (revenus, tailles des exploitations et les activités agricoles selon les zones agro écologiques, etc.). Ce travail a abouti à l’élaboration d’une grille de cotisation constituée de 9 classes de revenus forfaitaires indexés sur le salaire minimum. Ainsi, les données collectées et actualisées périodiquement à travers le RNA permettent d’assurer l’identification des agriculteurs, de procéder à leur catégorisation et par conséquent de faciliter leur accès aux services de protection sociale conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur. Sur le plan opérationnel, le processus d’identification et de mise à jour des données utilisées dans l’immatriculation des agriculteurs au niveau de l’AMO englobe trois opérations de base : la demande d’inscription à l’AMO des agriculteurs, la demande de mise à jour de données déjà communiquées et la demande de radiation en cas d’arrêt de l’activité agricole. Le dépôt des demandes peut être effectué auprès des services déconcentrés du département de l’Agriculture le plus proche. Un reçu de dépôt de la demande est délivré à l’intéressé pour chaque demande. En plus, notre département, en étroite collaboration avec les partenaires institutionnels et les professionnels du secteur agricole, a mis en place un dispositif de communication dédié visant l’accompagnement à la mise en œuvre du chantier de la protection sociale dans les meilleures conditions.

Votre département a instauré dernièrement des restrictions à l’exportation pour certains produits, dont ceux dérivés de l’olive. Quels sont les objectifs d’une telle disposition ? D’autres produits seront-ils soumis à ces restrictions ?

La filière oléicole occupe une place stratégique dans le tissu agricole national, compte tenu de sa position en tant que principale filière fruitière cultivée, représentant 68% de la superficie arboricole nationale. Elle constitue une source importante d’emplois, procurant plus de 50 millions de journées de travail par an, l’équivalent de plus de 200.000 emplois permanents, dont plus de 25% au profit des femmes. Au titre de l’automne 2023, la production nationale prévisionnelle d’olives est estimée à 1,07 million de tonnes, similaire à celle de la campagne précédente, malgré un déficit hydrique sévère et persistant. Cette production est en baisse de 44% par rapport à son niveau de l’automne 2021, qui avait enregistré 1,9 million de tonnes. À l’échelle internationale, la production prévisionnelle de l’huile d’olive est fortement impactée par des conditions climatiques extrêmes, notamment, chez les pays méditerranéens. Cette situation prévalant sur le marché mondial n’est pas en faveur d’un développement harmonieux de la commercialisation de l’huile d’olive au niveau national. Tenant compte de ces considérations, et dans l’objectif de valoriser localement la production nationale, d’assurer l’approvisionnement normal et régulier du marché domestique, de stabiliser les prix à la consommation à des niveaux normaux, d’assurer la viabilité et la pérennité de la filière oléicole et de contribuer à la sécurité alimentaire du citoyen marocain, le gouvernement a décidé de soumettre à licence l’exportation des olives à l’état frais ou réfrigéré, les olives transformées et l’huile d’olive, conformément aux dispositions de la loi 13-89 sur le commerce extérieur. Il est essentiel de noter que cette mesure, prise en concertation avec la profession, est mise en place en conformité avec les règles du commerce international pour éviter des impacts négatifs sur le commerce extérieur de l’huile d’olive et des olives en conserves. Cette mesure qui régule l’export, par une licence, est temporaire et restera valable jusqu’au 31 décembre 2024.

Formation agricole : Près de 2.000 cadres supérieurs formés sur la période 2020-2023

Afin de doter le marché du travail d’une main-d’œuvre qualifiée et disposant de compétences élevées capables de contribuer au développement économique et social du secteur agricole, une feuille de route dédiée a été élaborée. Celle-ci prévoit la formation de 150.000 diplômés, dont 10.000 dans l’enseignement supérieur et 140.000 dans la formation professionnelle et par apprentissage. Selon Mohammed Sadiki, l’effectif prévisionnel cumulé des lauréats de l’enseignement supérieur sur la période 2020-2023 s’élève ainsi à près de 1.986 lauréats, tandis que le nombre de lauréats des établissements de la formation professionnelle agricole a atteint 6.578. En outre, la période 2020-2023 a connu la construction et l’équipement de 3 établissements de formation professionnelle agricole (sur un objectif de 9 centres à l’horizon 2030) ainsi que deux centres d’excellence de la formation, à savoir l’Institut de formation des métiers de la boulangerie et la pâtisserie (IFMBP) de Casablanca et l’Institut de formation dans les métiers de l’élevage (IFME) de Bellouta.

Entrepreneuriat en agriculture : Plus de 616 business plans portés par les jeunes validés par les commissions de sélection

L’accompagnement technique figure parmi les besoins exprimés par les jeunes entrepreneurs en agriculture. Selon le ministre de l’Agriculture, dans le cadre du soutien technique, des Centres régionaux des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires (CRJEA) ont été mis en place pour assurer l’accompagnement technique des jeunes entrepreneurs durant tout le processus de montage de leurs projets. Ces plateformes sont des structures publiques créées au niveau des régions dédiées à l’accompagnement des jeunes à travers des programmes adaptés. De même, assure Sadiki, des commissions de sélection des projets ont été institutionnalisées au niveau de ces CRJEA pour examiner/approuver les business plans des projets des jeunes. D’ailleurs, le GCAM siège au niveau de ces commissions, en tant qu’institution bancaire, pour examiner l’admissibilité des plans d’affaires présentés. À date d’aujourd’hui, plus de 616 plans d’affaires portés par les jeunes ont été validés par les commissions de sélection à l’échelle nationale.

À cela, s’ajoute la sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat. Ainsi, à fin août 2023, près de 29.384 jeunes ont été sensibilisés et informés à travers l’organisation de 892 actions de communication et de vulgarisation sur l’entrepreneuriat rural. Afin d’opérationnaliser le programme de mobilisation et de valorisation des terres collectives au profit des investisseurs, des ayants droit et des jeunes, le ministre rappelle qu’une Circulaire conjointe (n° 1062 du 4 février 2021) a été signée entre les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture, en vue de mobiliser l’ensemble des intervenants aux niveaux territorial et central autour de ce programme et de créer les synergies et les convergences requises pour la concrétisation des objectifs fixés. Notons que, dans le cadre de ce chantier, le département de l’Agriculture affirme œuvrer à mobiliser et à valoriser près d’un million d’hectares de terres collectives. Selon le ministre, à fin août 2023, près de 794.923 ha de terres collectives ont été identifiés dont 71% ouvertes à la Melkisation (Bour et irrigué) et 29% identifiées dans le cadre de la location (en Bour). La superficie des terres collectives ouverte à la Melkisation en Bour et en irrigué s’élève à près de 562.182 ha dont 67% en Bour et 33% en irrigué. Quant à celle attribuée, elle avoisine les 137.205 ha.
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