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Rencontre Lekjaâ-CGEM : les grandes annonces du gouvernement pour le patronat

La Confédération générale des entreprises a reçu, le 22 janvier, un invité spécial : Fouzi Lekjaâ, ministre en charge du Budget. Une rencontre stratégique à plus d’un titre, qui aurait pu revêtir beaucoup plus de sens si elle avait été programmée dans la foulée de la préparation de la loi de Finances 2025. Mais eu égard à la qualité et à la franchise des échanges lors de cette rencontre, le jeu en vaut, quand même, la chandelle. Il s’agit de l’une de ces rencontres qui se font de plus en plus rares dans un pays, pourtant, en mouvement avec des chantiers à la pelle. Tout au long de ce duel Exécutif-patronat, qui a duré plus de trois heures, l’architecte du Budget a multiplié les annonces, rassuré les patrons inquiets et montré les perspectives. Le récit d’une rencontre à haut niveau d’importance !

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C’est l’ennemi déclaré de l’Exécutif Akhannouch et de la Banque centrale : le cash. Après la mesure d’amnistie sur les avoirs détenus au Maroc et à l’étranger, qui s’est soldée par un succès, le département en charge du Budget et Bank Al-Maghrib mènent actuellement la réflexion afin de définir des solutions structurelles à la problématique du cash au Maroc. Fouzi Lekjaâ, qui était l’invité de la Confédération générale des entreprises (CGEM), le 22 janvier, déclare que l’idée derrière cette mobilisation est simple : il ne s’agit pas de réagir à ce phénomène par la sanction, mais plutôt ouvrir des parenthèses de légalisation en permettant ainsi aux uns et aux autres de réintégrer le tissu formel et d’investir les fonds détenus. «Je peux vous garantir que les consignes qui ont été données lors de l’amnistie sur les avoirs détenus insistaient sur le fait de garder l’anonymat dans ce processus déclaratif. De même, aucun dépositaire ne fera l’objet d’un contrôle fiscal en 2025, que l’on soit clair et net !», rassure le ministre qui rappelle que l’engouement des contribuables constaté lors des derniers jours pour bénéficier de l’amnistie montre qu’il y a encore plus de marge et de dépôts à légaliser. La preuve est que le flux constaté était très fort. «Le traitement de ce dossier nécessite à mon sens une réflexion», souligne l’architecte du Budget de l’État.

Devant les patrons, Lekjaâ a souligné que la CGEM a un rôle central à jouer dans ce processus complexe afin d’inciter les gens à aller vers le système bancaire et opter pour le formel en empruntant les circuits nécessaires d’investissement, loin de toute tentative de traque. Lekjaâ avertit tout de même du fait que l’administration fiscale dispose du cadre législatif requis qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble. D’ailleurs, c’est l’une des mesures «que l’on a actionnées» pour pousser l’informel à se formaliser. «L’on a levé un peu le pied pour vous parler franchement !», insiste le ministre qui ajoute qu’il s’agit d’une mesure que l’État a toujours à sa disposition pour inciter les acteurs non formels à régulariser leur situation fiscale. «Je le réitère encore une fois, l’objectif est de construire une relation de confiance et de transparence», assure-t-il. Cette volonté de lutter véritablement contre l’informel, Lekjaâ affirme vouloir la traduire par des actions concrètes à travers des rencontres et des tables rondes avec le patronat. «On ne demande pas la réciprocité, mais le SMIG de la volonté de l’autre partie», lance-t-il aux patrons.

Finances publiques : 150 milliards DH de recettes fiscales attendues pour 2025

S’agissant des finances publiques, l’architecte du Budget a indiqué que les résultats de fin d’année budgétaire sont plutôt rassurants. Concrètement, l’exercice 2024 s’est clôturé sur un déficit de 3,9%. L’objectif est de le ramener à 3%. «Je ne veux pas ouvrir le débat par rapport à cela. Je dirais seulement que c’est le taux du déficit qui permet de stabiliser la dette à des niveaux de croissance autour de 3,5%. Donc plus l’on fera de la croissance plus l’on se permettra d’élargir un peu le niveau de déficit. À l’inverse, moins l’on fait de croissance, plus l’on serait obligé de réduire davantage le déficit si l’on veut évidemment garder l’endettement à un niveau stable», souligne le ministre. Ceci étant, l’objectif affiché est de passer de 72% en 2022 à moins de 67% en en 2026. Et ce sera le cas, promet le ministre, puisque les chiffres qui sont là sont rassurants. Lekjaâ a annoncé que dans 10 jours, le «check» du Fonds monétaire international (FMI) par rapport à la ligne de crédit et à la résilience climatique, notamment, sera réalisé. «Je pense que les conditions sont propices pour une reconduction de la ligne de crédit. Ce qui constituera une affirmation de reconnaissance du bon comportement de notre économie et de nos finances», affirme l’architecte du Budget de l’État qui révèle qu’entre 2021 et 2024, les recettes fiscales (non ordinaires) ont grimpé à 100 milliards de dirhams. «Et c’est exactement le coût du chantier social», fait-il remarquer. Ce montant aura permis, selon lui, de financer toutes les actions sociales menées. «Cela veut dire que la soutenabilité de nos finances est garantie. L’on a toujours évoqué le potentiel fiscal que la Banque mondiale et le FMI estiment à 140 milliards de dirhams dans leurs rapports. Aujourd’hui, l’on a quand même pu avoir 100 milliards de DH et l’on serait déterminé à continuer les efforts pour atteindre les 140 milliards en 2026 et pourquoi pas cette année même déjà», se félicite Lekjaâ qui estime que dans l’équation de réduire le déficit de 4 points, cela représentera un gain budgétaire de 50 milliards de dirhams. De même, augmenter les recettes de 100 milliards de DH, cela veut dire que le gouvernement a pu offrir à l’État une marge budgétaire de 150 milliards de DH. Ce qui représente des marges d’actions importantes pour le pays.

Coupe du monde 2030 : la CGEM, un partenaire incontournable !

Répondant à une question de la CGEM au sujet de l’implication du secteur privé dans le processus de préparation du Royaume à l’organisation de la Coupe du monde, Lekjaâ a été on ne peut plus clair : «Il est inconcevable d’imaginer l’organisation d’un évènement d’envergure mondiale sans la mobilisation effective de la CGEM !» Le ministère délégué en charge du Budget a révélé dans ce sens qu’une Feuille de route a été mise en place et que le comité d’organisation est désormais finalisé. «Dans les prochains jours, votre rôle sera essentiel à tous les niveaux : que ce soit pour le lancement, l’exécution ou l’organisation», rassure le ministre qui précise au passage que le Maroc aura besoin de 40.000 volontaires, couvrant divers métiers, allant de l’accueil à l’aéroport jusqu’au départ des visiteurs, en passant par toutes les étapes de l’événement. Lekjaâ révèle, en outre, travailler, actuellement, en partenariat avec l’UM6P sur la conception d’un programme de formation dédié. Ce projet sera finalisé en collaboration avec la CGEM, ajoute le ministre tout en soulignant la nécessité d’une refonte globale du système de la formation professionnelle. Selon lui, il ne s’agit pas uniquement d’augmenter les effectifs, encore faut-il intégrer une dimension qualitative dans les formations, en particulier avec l’émergence de nouvelles professions et de nouveaux pôles urbains. «Il est impératif de privilégier la qualité plutôt que la quantité», martèle Lekjaâ. Dans le secteur du tourisme, par exemple, poursuit-il, la qualité du service est un facteur clé de différenciation et d’attractivité. Ainsi, conclut le ministre, sans une formation adéquate dans tous les segments et métiers, il sera quasiment difficile de répondre aux exigences du marché. Les événements de grande envergure, tels que la Coupe du monde, constitueront, à ses yeux, un véritable catalyseur pour approfondir le traitement de ces différentes problématiques.

Évoquant la réforme du régime de change, l’architecte du Budget affirme que l’objectif poursuivi à travers ce chantier est d’assouplir les procédures afin de faciliter les opérations des acteurs économiques. «Vous êtes invités à participer à cette réflexion en cours». Dans la continuité des propos du ministre du Budget, Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, qui était de la partie, estime qu’un cap a été tracé : celui de la Coupe du monde. Selon lui, tous les pays qui ont connu un développement significatif ont adopté une approche convergente, où l’ensemble des acteurs a travaillé dans la même direction. Il s’agit donc d’un objectif structurant, juge-t-il. En évoquant l’évolution des indicateurs de la fiscalité locale, le trésorier général indique que la taxe sur les services communaux a grimpé de 43% en 2024, celle d’habitation affiche une progression de 30% tandis que la taxe sur les terrains non bâtis a augmenté de 25%. Ces trois taxes, poursuit Bensouda, ont permis de générer un surplus de près de 2,4 milliards de dirhams. Ce montant a été déployé pour soutenir les différentes communes. S’agissant des dépenses, le trésorier général assure que celles-ci bénéficient directement au secteur privé, notamment aux entreprises, dont la capacité d’intervention doit être renforcée. «Prenons l’exemple de la commune de Casablanca, où nous constatons une transformation quotidienne sous l’impulsion du wali, que nous remercions. Le budget de la commune est passé de 4,2 milliards à 5 milliards de dirhams, soit une progression de 21,19% sur un an», révèle Bensouda. Par ailleurs, d’autres communes ont également connu une progression significative de leurs budgets. Ainsi, la commune de Rabat a vu son budget grimper à 1,71 milliard de dirhams contre 1,1 milliard un an auparavant, soit une hausse de 55,45%. Celui de Tanger a enregistré une montée de 30% tandis qu’Agadir a vu son budget s’apprécier de plus de 38,33%. Ces chiffres démontrent, selon lui, que le financement de l’économie repose sur des recettes ordinaires, ce qui réduit la dette et les emprunts, comme «l’a souhaité monsieur le Ministre !» Cette réduction limite également l’impact sur l’inflation, car le Trésor n’intervient pas pour perturber le financement de l’économie. Bensouda conclut son intervention en affirmant que plus chacun contribue à ces recettes, plus les dépenses publiques pourront être améliorées, tout en allégeant la charge financière de l’État. «Le Trésor agit uniquement comme un transformateur et un point de transit des ressources», fait-il remarquer.

Informel : Lekjaâ avertit les patrons contre les fournisseurs non réglo !

Abordant la problématique de l’informel, Lekjaâ estime que la lutte contre ce phénomène relève avant tout d’une volonté sociétale. Cependant, nuance-t-il, penser que la fiscalité à elle seule peut résoudre cette problématique ou que la CGEM ou encore d’autres parties prenantes peuvent y parvenir de manière isolée serait une erreur. Pour lui, il est essentiel que la Direction générale des impôts (DGI), le ministère ainsi que les autres parties prenantes collaborent pour élaborer une Feuille de route claire. Ses objectifs : évaluer les mesures déjà mises en place et questionner leurs résultats, identifier leurs impacts et leurs limites et partant déterminer les actions correctives à entreprendre. «Je tiens à préciser que j’ai personnellement été à l’origine du rejet de certaines mesures très strictes qui avaient été proposées. Ces mesures incluaient, par exemple, des retenues à la source sur les importations, ainsi que d’autres dispositifs fiscaux drastiques. Bien que la fiscalité locale joue un rôle important, elle ne constitue pas l’unique solution», explique Lekjaâ.



Concernant la réforme de la fiscalité locale, le ministre a révélé qu’une étude est actuellement en cours pour définir les contours de cette refonte. Selon le ministre, il s’agira ainsi d’uniformiser le cadre fiscal pour le rendre plus cohérent et équitable, modifier l’assiette fiscale afin d’élargir la base d’imposition et ajuster les taux d’imposition, pour mieux répondre aux réalités économiques. «Les détails de ce projet vous seront présentés afin de recueillir vos avis et suggestions. Je vous invite donc à examiner le projet en profondeur et à partager vos réactions, conformément aux discussions précédentes avec les parties concernées», lance le ministre aux patrons.

Pour approfondir le débat sur la problématique de l’informel, Monsieur Budget de l’Exécutif Akhannouch a invité Younes Idrissi Kaïtouni, DG des impôts, à exposé devant le patronat les principales lignes directrices de la stratégie de l’État dans la lutte contre ce fléau. Kaïtouni a ainsi rappelé qu’au cours des dernières années, l’État a entrepris d’importantes réformes fiscales avec une vision claire à l’horizon 2026. Ces réformes concernent principalement l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt sur le revenu (IR). L’objectif de ces réformes est de renforcer la compétitivité de l’économie marocaine. La preuve, assure-t-il, un taux de l’IS compétitif de 20% généralisé a été instauré en plus d’une neutralité maximale de la TVA. Selon le patron des impôts, l’enjeu majeur de ces réformes est l’intégration du secteur informel, qui constitue un défi collectif. Kaïtouni révèle, en outre, que plusieurs mesures ont été mises en place, notamment la retenue à la source, qui a permis de mobiliser, en seulement 5 mois, pas moins de 1,7 milliard de dirhams (elle a démarré en juillet 2024, Ndlr).

Pour lui, l’autre enjeu derrière la réforme de la TVA est que cette taxe soit déductible et restituable, garantissant ainsi une meilleure transparence. Le DG des impôts a rappelé d’autres réformes jugées tout aussi stratégiques à l’instar de l’attestation de régularité fiscale et la retenue à la source pour les entreprises informelles. Ces actions, fait-il valoir, ont créé une dynamique positive. Concrètement, en une année seulement, la TVA a grimpé de 22% (10 milliards de DH), ce qui représente un gain équivalent à celui réalisé en dix ans auparavant. Pour Kaitouni, l’intégration de l’informel est une responsabilité partagée. Un clin d’œil pour les patrons. Le responsable a été, d’ailleurs, on ne peut plus clair face aux opérateurs économiques : «les entreprises doivent veiller à choisir des fournisseurs réglo avec le Fisc, afin de pouvoir lutter contre la concurrence déloyale et réduire les risques fiscaux». Kaïtouni a profité de l’occasion pour montrer aux patrons ce dont le Fisc est capable : «avec les outils de data actuels, nous avons la possibilité de suivre en temps réel les chaînes d’approvisionnement et encourager les bonnes pratiques». S’agissant de la fiscalité locale, Kaïtouni affirme que la réforme de la taxe professionnelle est actuellement en discussion avec le département de l’Intérieur, la Trésorerie générale et la DGI, avec des avancées attendues dans les prochains jours. Parmi les priorités de la DGI pour 2025, Kaïtouni cite la traque des niches de fraudes fiscales. «Il s’agit de comprendre ces niches et les casser à la source. Le paradigme que nous devons promouvons aujourd’hui c’est que la lutte contre le phénomène de fraude fiscale est une responsabilité de nous tous, pas uniquement celle du Fisc», dixit le patron des impôts. Réagissant à une question sur l’encouragement des startups technologiques via un cadre fiscal incitatif, le DG des impôts a rappelé que ces structures jouent un rôle crucial dans le développement économique. Selon ses données, depuis l’introduction en 2018 d’une mesure incitant les entreprises à les financer, seuls 65 projets ont été soutenus en six ans. Il est donc essentiel, d’après lui, d’exploiter pleinement les dispositifs existants à l’instar des stock-options, qui sont prévues par le Code général des impôts, mais qui demeurent encore sous-utilisées. «Nous sommes prêts à travailler ensemble pour optimiser ces mesures et encourager davantage les startups et les PME à tirer parti des opportunités fiscales disponibles, promet-il.

La TIC sera reconvertie en taxe carbone d’ici la fin d’année

Concernant le projet d’instauration d’une taxe carbone, Lekjaâ assure qu’il s’agit d’un engagement inscrit dans la loi-cadre portant réforme de la fiscalité et qui constitue un véritable défi à relever. L’objectif, selon lui, est de trouver un équilibre délicat entre plusieurs exigences. En effet, détaille le ministre, il s’agira de respecter les engagements internationaux, en s’alignant sur les évolutions mondiales en matière de transition écologique et en même temps éviter une surcharge fiscale qui pourrait pénaliser le secteur privé et certaines entreprises au niveau national. Pour atteindre cet équilibre, souligne Lekjaâ, la stratégie adoptée repose sur le principe de progressivité, avec des propositions étalées sur une période de 10 ans. L’idée, selon lui, est de ne pas introduire de nouvelles taxes tant que des solutions alternatives n’auront pas été mises en place, permettant aux entreprises de s’adapter progressivement.



De même, développe Lekjaâ, cette taxe carbone ne doit pas être perçue comme une simple taxe supplémentaire, mais plutôt comme un levier incitatif pour orienter les entreprises vers le choix d’une énergie plus propre. Le cadre général de cette réforme est en cours de discussion, notamment avec le FMI. L’approche repose sur une philosophie de progressivité, avec une attention particulière aux spécificités des secteurs les plus impactés. Un dialogue permanent est prévu avec les parties prenantes concernées afin d’adapter les mesures aux réalités économiques du pays. Enfin, il est important de souligner que l’organisation de la Coupe du Monde constitue un cap stratégique pour le développement du pays. L’expérience des nations ayant réussi leur transformation économique montre l’importance d’une convergence des efforts entre tous les acteurs économiques et institutionnels, pour atteindre cet objectif en commun.

Notons que l’Administration des douanes et des impôts indirects (ADII) a engagé le processus de construction du futur système de la taxe carbone qui devra être fin prêt d’ici la fin de l’année. Selon les premières indiscrétions autour de ce projet, le modèle que va adopter le Royaume sera probablement fondé sur le principe du grand pollueur-payeur. La CGEM aura d’ailleurs un droit de regard et de proposition par rapport à ce projet stratégique. Pour Lekjaâ, l’enjeu au Maroc consistera à convertir les TIC actuelles en taxes carbone à l’instar de ce qui a été fait par d’autres pays.

Réglementation des changes : la nouvelle instruction pour 2026

L’annonce est de Driss Benchikh, DG de l’Office des changes, qui accompagnait Fouzi Lekjaâ à sa rencontre avec le patronat. Une grande réforme de la réglementation des changes est en gestation e partenariat avec la CGEM et le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). Ses objectifs : assouplir, simplifier et faciliter les opérations de change pour les entreprises marocaines. Ce processus devrait aboutir à la mise en place d’une nouvelle instruction générale des opérations de change, répondant aux besoins des opérateurs et renforçant la compétitivité des entreprises. Son entrée en vigueur sera actée début 2026. «Une équipe dédiée travaille en collaboration avec la CGEM et le GPBM, ainsi qu’avec les fédérations professionnelles, sur ce projet», indique Benchikh. Rebondissant par rapport à la problématique des investissements des startups marocaines à l’international, le responsable a rappelé qu’en 2019, l’Office des Changes avait mis en place une mesure permettant à ces structures de réaliser plus facilement des opérations à l’étranger. «Elles disposent d’une carte de paiement avec un plafond de 1 million de dirhams. Cette mesure répond aux besoins des startups travaillant avec des géants du web (Google, Facebook, Amazon, etc.) qui exigent souvent des paiements par cartes de commerce électronique», souligne le patron de l’Office. S’agissant des investissements à l’international, Benchikh assure qu’actuellement, les entreprises marocaines ont la possibilité d’investir à l’étranger sous trois conditions : 3 ans d’existence, investissement dans le même secteur d’activité et un plafond de 200 millions de dirhams par an. Or, nuance-t-il, les startups, par leur nature, ne peuvent pas attendre 3 ans. En guise de solution à ce défi, Benchikh révèle concocter actuellement un régime particulier pour les startups en concertation avec leur Fédération. L’objectif est d’alléger les conditions d’investissement à l’étranger (notamment la condition d’ancienneté), tout en fixant un plafond d’investissement adapté, qui sera négocié avec la Fédération (inférieur à 200 millions de dirhams).

Au sujet du label ADD (Agence de développement digital), Benchikh soutient que l’Office des Changes a été le premier organisme à proposer d’augmenter la durée de validité de ce label, qui permet aux startups de bénéficier d’avantages, notamment fiscaux. Initialement de 5 ans, la durée de validité du label a été portée à 8 ans, suite à des négociations. De même, rappelle-t-il, le département de la Transition numérique et l’ADD se sont associés pour faciliter l’obtention de ce label dont bénéficient actuellement quelque 300 entreprises innovantes.

De l’ordre à mettre dans le médicament !

Fouzi Lekjaâ a été vivement interpellé par les membres de la CGEM par rapport à la problématique de la cherté des médicaments au Maroc. Selon lui, la réforme du secteur du médicament est, aujourd’hui, une urgence. Le médicament représente, d’après le ministre, un poids important pour la sécurité sociale. L’enjeu de toute réforme du médicament est d’éviter des déficits similaires à ceux rencontrés par les systèmes de sécurité sociale français et espagnol (3-4 points du PIB, soit environ 40 milliards pour le Maroc). L’architecte du Budget rappelle qu’une réforme du médicament était déjà en cours, mais a été mise en stand-by en attendant l’opérationnalisation de l’Agence nationale des médicaments, promettant que celle-ci devra être reprise prochainement avec des objectifs clairs.

Aux yeux de Lekjaâ, des principes clairs doivent présider la future réforme du médicament. Il s’agit d’abord de clarifier les activités et les rôles des acteurs dans ce secteur. En effet, explique-t-il, il faudra opérer une distinction claire entre producteurs et importateurs. Un producteur national doit rester producteur et ne pas se transformer opportunément en importateur. De même, un importateur doit se comporter comme tel, avec une marge bénéficiaire raisonnable (exemple : 10% après déduction des frais). Autre principe, lutter contre les marges excessives. Le fait que l’écart entre les déclarations en Douane et les prix affichés en pharmacie (jusqu’à 300%) est inadmissible. Une transparence totale devra ainsi être exigée. Par ailleurs, lance Lekjaâ, un dialogue constructif avec les professionnels du secteur doit être engagé. Les discussions avec les opérateurs, qui avaient été interrompues, vont être relancées prochainement, promet le ministre. Selon lui, parmi les priorités de la réforme du médicament, figure la protection de la production nationale. En effet, développe-t-il, la préférence nationale pour la production de médicaments doit être érigée en priorité. Dans cette configuration, l’importation doit être un recours et non une pratique systématique. Autre priorité, la simplification du remboursement. Ainsi, les procédures de remboursement doivent être simplifiées.

À cela s’ajoute l’allègement de la fiscalité. Pour Lekjaâ, l’objectif n’est pas de générer des revenus fiscaux à partir des médicaments reconnaissant que des difficultés persistent à ce niveau. Sur le marché des génériques, le ministre souligne la complexité de ce segment qui se manifeste à travers des blocages entre les différents producteurs de génériques. Un ordre doit être mis en place pour éviter que le médicament ne devienne une niche pour des marges excessives (30-40%). Dans ce tableau, ajoute Lekjaâ, l’État doit définir clairement sa politique en matière de médicament tout en évitant toute fiscalité excessive sur ces produits. «L’objectif n’est pas d’alourdir le coût des médicaments par la fiscalité», rassure le ministre.

Le responsable a, par ailleurs, abordé une autre problématique : le circuit du patient et le séjour hospitalier. Sa recommandation, l’opérationnalisation du circuit patient numérisé que le ministre juge primordiale. «Il faut maîtriser les séjours hospitaliers. Des exemples concrets (accouchement en France vs. Maroc) illustrent la nécessité d’optimiser les séjours et de privilégier les soins à domicile lorsque cela est possible. La non-prise en compte des coûts réels de l’hospitalisation (amortissement, charges courantes, etc.) contribue à alourdir les dépenses», alerte le ministre qui précise au passage que la réforme du médicament, l’acte médical et la durée des séjours hospitaliers sont liés et doivent du coup être abordés de manière globale. Selon le ministre, le système actuel de fixation des prix de référence des médicaments, basé sur un benchmark de 8 pays (France, Belgique, Espagne, Portugal, Turquie, Arabie saoudite, entre autres), doit être remise en question. Son explication : ces pays n’ont pas le même niveau de vie, la même taille de production, etc. Ce qui rend la comparaison peu pertinente. Des objectifs de production de génériques au niveau national et une comparaison avec des pays plus comparables doivent être repensés dans le cadre de la future réforme du médicament.

Domaine privé de l’État : Lekjaâ appelle à plus de transparence !

Le ministre en charge du Budget s’est longuement attardé sur la problématique d’accès au foncier privé de l’État. Selon lui, toute réforme de ce chantier devra aller au-delà de l’aspect institutionnel accorder une importance à l’opérationnel. Il souligne ainsi la nécessité de la transparence et de l’équité dans le traitement des demandes des investisseurs en ce qui concerne le domaine privé de l’État, rejetant l’idée d’une gestion basée sur la rente. «Il est important d’afficher clairement le patrimoine foncier relevant du domaine privé de l’État pour permettre aux opérateurs d’évaluer les capacités disponibles et de présenter leurs offres».

La question de la mobilisation du domaine privé de l’État a été approfondie par Mohammed El Kharmoudi, directeur des domaines de l’État, qui était de la partie. Le responsable estime que la vision de sa direction est centrée sur la facilitation des procédures de mobilisation du foncier pour des projets porteurs de valeur ajoutée, en tenant compte de la rareté des terrains disponibles. Kharmoudi précise devant les patrons que le foncier privé de l’État est mobilisé pour les équipements publics et les projets d’investissement.

20.000 hectares du foncier de l’État mobilisés en 2024

Ainsi, en 2024, quelque 20.000 hectares ont été mobilisés pour des projets d’investissement et plus de 10.000 hectares pour des projets agricoles. Précision importante : ces chiffres excluent les projets liés à l’offre «Maroc Hydrogène vert». Kharmoudi souligne, par ailleurs, que deux leviers sont activés pour optimiser l’utilisation du foncier. Il s’agit de la résolution des contentieux et la régularisation des situations avec la Direction des domaines, avec un appel au secteur privé à collaborer sur ce chantier. Dans ce cadre, 800 hectares ont été récupérés en 2024 pour motif de «projets non réalisés». Autre levier, la reconstitution de la réserve foncière. Dans ce cadre, pratiquement 1 million d’hectares ont été ajoutés en 2024, avec un objectif de 1,5 million d’hectares en 2025. Dans l’accompagnement des grands projets, Kharmoudi annonce la mise en place d’un plan d’action avec les régions concernées pour mobiliser le foncier nécessaire aux grands projets programmés dans le cadre de la préparation de la Coupe d’Afrique des Nations et la Coupe du Monde 2030. De même, une nouvelle loi sur l’expropriation est en cours d’élaboration pour assouplir cette procédure, la rendre plus juste et éviter les recours en cascade.

TVA et IR : 2025 une année d’évaluation

L’année 2025 sera un exercice d’évaluation des réformes opérées sur la TVA et l’IR. Selon le ministre en charge du Budget, il s’agira de relever les erreurs, de les analyser avec toute la franchise et la sincérité nécessaires et d’opérer les réajustements adéquats pour l’exercice budgétaire de 2026. C’est dans ce cadre que le ministre invite la CGEM à ouvrir un débat autour de la fiscalité des groupes. L’objectif, selon lui, est clair : favoriser la montée de champions nationaux capables de défendre la compétitivité du pays à l’international. Lors de la rencontre avec les membres de la CGEM, la question des remboursements de la TVA a été encore une fois abordée. Ainsi, assure le DG des impôts, Idrissi Kaitouni, contrairement à certaines craintes, il n’y a pas de problème généralisé de retard de remboursement.

Des témoignages, y compris de grands groupes internationaux, attestent des remboursements dans un délai maximal de 3 mois, y compris pour des sommes importantes en centaines de millions de dirhams. Le patron de la DGI a révélé que la procédure de remboursement sera accélérée (Fast Track) avec l’arrivée d’un décret qui permettra de fluidifier le remboursement sans communication des factures, mais sous réserve d’un accompagnement par un commissaire aux comptes certifiant la déclaration. Kaitouni fait remarquer, par ailleurs, que les difficultés sont constatées surtout pour les premières demandes de remboursement qui peuvent être plus complexes en raison d’un apprentissage nécessaire et de la nécessité d’un accompagnement par des professionnels. S’agissant de l’évolution des remboursements, le patron du Fisc affirme que les chiffres montrent une nette amélioration. En effet, en 2021, 13 milliards de dirhams avaient été remboursés pour liquider le stock.

Pour 2024, pas moins de 22 milliards de dirhams ont été remboursés, soit presque le triple des montants remboursés avant la pandémie de la Covid-19. Selon le responsable, l’augmentation des recettes de TVA (21-22%) a un impact positif sur les remboursements, qui augmentent proportionnellement (30% en un an, presque trois fois plus par rapport à 2019). Au sujet de la consolidation fiscale, qui permettrait de compenser les résultats déficitaires d’une filiale avec les résultats bénéficiaires d’une autre, Kaitouni assure que celle-ci n’est pas rendue obligatoire précisant que cette procédure demeure optionnelle pour les groupes. L’interlocuteur explique que le fait de rendre la consolidation obligatoire entraînerait un taux d’imposition unique de 35% pour tous les groupes. Ce qui pourrait ne pas être avantageux pour certains.
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