La haute saison s’annonce sous de bons auspices, surtout pour les destinations les plus fréquentées du Maroc, qui devraient encore réaliser un taux exceptionnel d’occupation hôtelière durant la saison estivale. Celles qui sont moins bien loties semblent aussi profiter un peu de l’embellie, mais ne sont pas très emballées pour autant. «Je reste optimiste pour 2024, même si la situation économique dans les pays émetteurs de touristes étrangers est un élément qui peut jeter de l’ombre sur les performances du secteur. Mais on peut dire aujourd’hui que la résilience du tourisme national est confirmée et qu’il évolue dans le bon sens», commente Zoubir Bouhoute, expert en tourisme. Les représentants du secteur, que ce soit dans les régions balnéaires ou à l’intérieur du pays, confirment que les perspectives sont plutôt positives, mais soutiennent aussi qu’il y a de l’ombre au tableau.
Toutefois, l’envers du décor n’est pas aussi ensoleillé. La saisonnalité reste toujours l’un des défis majeurs qui se posent pour l’essor du secteur, et ce pour l’ensemble des régions. «Reposez-moi la question en janvier quand la situation sera moins reluisante !», lance le professionnel. «Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est d’étaler ces “performances” sur toutes l’année et de casser la saisonnalité de la destination qui persiste toujours et qui ne dépend pas de nous», poursuit-il. Il déplore aussi un autre défi conjoncturel lié à l’impact de l’inflation qui affecte non seulement les dépenses des touristes, mais aussi le chiffre d’affaires des établissements. «L’inflation affecte sensiblement le rendement des établissements. Les professionnels doivent grignoter sur leurs marges de bénéfices pour ajuster les prix aux bourses des clients. Même une augmentation des tarifs ne permettrait pas de combler le gap et ne peut être proportionnelle à la hausse des prix des intrants», explique-t-il.
Autre préoccupation : les disparités entre les différentes provinces de la région et qui ont la peau dure. «À Tanger, le recul est de 9% par rapport à la saison dernière pour les 3 premiers mois de l’année. À Tétouan, la baisse est plus prononcée même si les chiffres ne sont pas encore disponibles. Alors qu’au niveau national, il y a une hausse tirée par deux régions principalement. Cela s’explique, en partie, par la qualité des vols. Ce sont des vols qui amènent une clientèle qui ne fait pas le choix des hôtels ou des MRE qui ont leurs propres résidences au Maroc. Les autres régions accueillent des touristes qui arrivent pour des séjours d’une semaine.
Cependant, tout comme son confrère de la région nordique, il pronostique un ralentissement de l’activité dès la fin de la période estivale. D’ailleurs, les performances des premiers mois de l’année confirment ces craintes. «L’évaluation en ce début d’année s’avère complexe, notamment en raison de notre statut de destination saisonnière, un défi que nous devons surmonter», relève le professionnel qui occupe également le poste de président du Conseil régional du tourisme (CRT) de l’Oriental. «Dans la région de l’Oriental, où nous comptons 130 établissements d’hébergement, le taux d’occupation dépasse rarement les 20%», signale-t-il, précisant que les hôtels de la station balnéaire de Saïdia, la destination la plus plébiscitée de la région, réalisent le plus gros de leur chiffre d’affaires lors de la saison estivale.
Cependant, modère-t-il, deux hôtels ont fait le choix de rester ouverts toute l’année malgré les contraintes, ce qui représente d’après lui un avantage pour la région. «D’autres établissements ont également opté pour une ouverture précoce, dans le cadre d’une stratégie visant à atténuer l’impact de la saisonnalité. Il est toutefois essentiel de ne pas oublier la majorité des hôtels de l’Oriental qui connaissent des difficultés tout au long de l’année», note le professionnel. Il fait savoir que la majorité de ces établissements n’ont pas bénéficié du soutien financier de l’État après la pandémie de la Covid-19, et ce en dépit de leurs efforts. «Sur les 130 hôtels recensés, seuls 16 ont reçu une aide financière», déplore-t-il.
Dans le même sens, Youssef Zaki plaide pour la promotion de l’investissement touristique dans la région avec des projets qui permettraient de s’émanciper de la saisonnalité. «La décision d’une université privée d’ouvrir ses portes à Saïdia constitue une lueur d’espoir bienvenue. Cette nouvelle, pour l’instant relayée uniquement par la presse, est extrêmement positive», affirme-t-il. «En tant que CRT, nous avons toujours soutenu que pour garantir la pérennité de la station balnéaire de Saïdia, il est crucial d’encourager les professionnels et les entreprises à investir dans la région, afin de la libérer de sa dépendance à la saisonnalité. Espérons que cette nouvelle se concrétisera, car elle représente un pas dans la bonne direction», insiste M. Zaki.
À ce titre, la région attend avec impatience la fin des travaux de réhabilitation de la médina de Meknès et la réouverture des sites d’intérêt pour améliorer ses performances. Elle table aussi sur la mise en valeur des activités de plein air qui s’offrent dans l’arrière-pays et mise également sur certains projets tels que l’ouverture d’un parc d’attraction et le développement de l’Aquaparc.
Cela dit, le professionnel affirme que le début du second trimestre de 2024 s’annonce bien meilleur que le premier trimestre de l’année et du dernier trimestre de 2023. «Cela aussi est le résultat d’éléments factuels qui sont le Salon international de l’agriculture de Meknès (SIAM) et du Festival des musiques sacrées du monde de Fès. Ces deux éléments à eux seuls devraient permettre de cibler les problèmes de la région et d’y apporter les réponses», avance-t-il, ajoutant que ces deux événements confirment la capacité de la région à accueillir de grandes manifestations qu’il serait bénéfique de multiplier. «La région, et plus particulièrement la ville de Meknès, regorge de potentiel culturel, artisanal et cultuel qui ne demande qu’à être activé», insiste-t-il. «La richesse de l’arrière-pays de la région et ce patrimoine devront être transformés en produits d’animation par leurs mise en tourisme et la mise en place d’un plan marketing et de commercialisation», plaide Nidal Lahlou.
Globalement, la région n’attire pas beaucoup de touristes nationaux. Le professionnel fait savoir que les visiteurs étrangers constituent plus de 80% de la fréquentation. «Cette année, la région a enregistré moins de flux, notamment en provenance du marché israélien en raison de la guerre à Gaza, mais aussi d’autres marchés liés, tels que les marchés américain et britannique. À cela s’ajoute l’avènement du mois du Ramadan qui a coïncidé avec le début de la haute saison dans notre région», indique-t-il. «Tous ces facteurs ont entraîné une baisse estimée à 25% par rapport à la même période de l’année dernière. Le taux d’occupation moyen, qui est déjà faible et ne dépasse pas 20%, devrait se maintenir si on prend en compte les chiffres officiels. Ce taux pourrait atteindre au mieux 30% en moyenne si on se réfère à nos propres calculs», assure-t-il.
En effet, les chiffres officiels n’incluent pas l’activité informelle, ni l’activité de certaines structures formelles qui ne déclarent pas leurs chiffres pour une raison ou une autre. «La majorité des établissements d’hébergement touristiques de notre région sont de petites structures, généralement gérées par les propriétaires eux-mêmes et implantées dans des zones isolées, et ne déclarent pas souvent par manque de moyens», détaille Soufian Bachar. Le professionnel revient sur cette problématique de l’hébergement informel, qui sévit notamment dans la province d’Errachidia. «Nous avons dans la région des structures qui échappent aux radars, à savoir les bivouacs. Leur nombre dépasse les 300 à Errachidia. Ils constituent un secteur informel qui n’a aucune contribution et n’est pas pris en compte dans les statistiques», déplore le responsable. Il soutient que la prolifération incontrôlée de ces structures menace non seulement l’équilibre des écosystèmes naturels de la région, qui se caractérise déjà par une précarité écologique, mais ils représentent aussi un risque pour la sécurité nationale.
«Le plus grave avec ces bivouacs, c’est qu’ils s’installent souvent très près des frontières avec l’Algérie. Ils sont ainsi exposés à plusieurs risques. En cas de catastrophe, les touristes courent de graves dangers puisque ces structures ne sont pas sécurisées et échappent de ce fait à l’œil vigilant et à la protection des autorités. De plus, elles peuvent être à l’origine d’incidents qui peuvent même porter atteinte à la sécurité nationale (terrorisme)», prévient-il. «Même aujourd’hui, avec le récent cadre législatif mis en place, l’application fait toujours défaut. Ce genre de problème, s’il n’est pas pris à bras le corps, pourrait avoir des répercussions très néfastes non seulement sur la région, mais sur le tourisme national en général», insiste Soufian Bachar.
Cette problématique mise à part, il y a des éléments positifs qu’il conviendrait de signaler d’après le responsable. «Il y a eu tout de même des changements bénéfiques, notamment l’ouverture des canaux de communication entre les professionnels de la région et le ministère du Tourisme. Un regain de confiance est ressenti aujourd’hui par les professionnels. Auparavant, ces derniers se sentaient délaissés, le secteur était en mal de structuration et le ministère regardait ailleurs. Avec l’actuelle tutelle, c’est la première fois que les structures d’hébergement de la région ont eu accès au soutien financier de l’État», atteste-t-il.
Ces résultats sont le fruit du renforcement de l’infrastructure hôtelière et de la consolidation du positionnement de la région dans le tourisme d’affaires (Mice) qui gagne de plus en plus de terrain. Par contre, relève-t-il, le nombre de vols reste trop limité pour accompagner l’essor touristique de la région. «La compagnie nationale RAM doit augmenter le nombre de vols pour encourager le tourisme interne. En tant qu’unique transporteur aérien assurant la liaison entre Casablanca et Dakhla, et étant donné que la plupart des touristes arrivent dans la région via l’aéroport de Casablanca, le nombre réduit des vols constitue l’un des principaux freins au développent du tourisme dans la région», soutient le professionnel.
«C’est une doléance que nous avons émise à maintes reprises et qui est portée également par les responsables qui sont à la tête de la région», se plaint-il. «Je tiens à saluer les efforts du Conseil régional qui mène des efforts soutenus pour booster l’activité et qui apporte un soutien indéfectible aux professionnels», déclare-t-il, rappelant que le Conseil subventionne 50% du prix du billet d’avion. nLe tourisme national en meilleure santé, mais...
L’expert en tourisme Zoubir Bouhoute affirme que le tourisme au Maroc affiche une meilleure santé en ce début d’année. Il en veut pour preuve le nombre d’arrivées enregistrées à fin mars 2024, qui a atteint plus ou moins 3,3 millions. Soit une augmentation à deux chiffres qui s’élève à 13% par rapport à la même période de l’année 2023. «C’est un indicateur d’autant plus positif que la progression globale représente un gain de 3% par rapport à celle enregistrée en janvier 2024 et qui n’était qu’à 10%», souligne l’expert.
Mais l’élément le plus important selon lui, c’est que les arrivées des touristes étrangers de séjour (TES) ont connu une hausse de 15%, contre 9% des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Zoubir Bouhoute fait remarquer que cette amélioration n’était que de 11% en janvier 2024, ce qui représente un gain de 4% en deux mois. «En trois mois, on est passés d’une composition à 50/50 entre TES et MRE en janvier, à une composition à 53% de TES et 47% de MRE en février, puis à 55% de TES contre 43% en mars», note-t-il. «Si on arrive à maintenir ce rythme, et si on arrive à la fin de l’année avec 60% de TES contre 40% de MRE, nous arriverons à combler l’évolution qui a fait défaut en 2023», poursuit l’analyste. «Cet élément est important dans la mesure où plus la balance penche du côté des TES, plus elle se traduit en nuitées et en recettes», précise-t-il.
Sauf que cela n’a pas été le cas. «Le hic réside dans le fait que cette hausse ne s’est pas convertie totalement en nuitées, ni en recettes. «À fin février, le cumul des nuitées a représenté une hausse de seulement 6% (8% en janvier et 7% en février). De leur côté, les recettes touristiques ont marqué en janvier 2024 un recul de 12% par rapport à janvier 2023 contre une hausse de 10% des arrivées globales et de 11% de celles des TES en particulier. De même pour février où les arrivées ont évolué de 18%, alors que les recettes ont régressé de 2,7%», signale l’expert. D’ailleurs, précise-t-il, c’est un phénomène qui dure depuis juillet 2023 où les recettes ont reculé de 2,7%, puis de 11% en août et de 18% en septembre. «La baisse la plus spectaculaire a été enregistrée en décembre dernier, soit -25%», fait-il savoir.
Pour en revenir à la régression du nombre de nuitées, la situation pourrait s’expliquer par le recours à l’hébergement parallèle (Airbnb et hébergement non classé). «Nous avons un flux d’arrivées au niveau des aéroports qui ne se convertit pas dans un premier temps en nuitées dans les structures d’hébergement classées. Cela veut dire que les devises qui entrent au Maroc ne sont pas comptabilisés dans les recettes voyage», explique M. Bouhoute. «Mais ce n’est pas le plus alarmant ! Le plus grave, c’est quand les propriétaires d’établissements détiennent des comptes à l’étranger. Cela veut dire que les touristes arrivent, mais que la recette liée à l’hébergement reste à l’étranger», alerte l’analyste.
«Avec la régionalisation avancée et le nouveau modèle de développement qui ont renforcé le rôle des régions, les décideurs régionaux doivent accorder au secteur la place qui lui revient dans leurs PDR et surtout traduire cela en projets concrets», insiste l’expert.
Tanger-Tétouan-Al Hoceïma : les performances estivales se maintiennent, la saisonnalité aussi
Pour Ali El Kadiri, président de l’Association régionale de l’industrie hôtelière (ARIH) de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, la question de l’attractivité de la région lors de la saison estivale ne se pose pas. Selon lui, les professionnels sont confiants et se préparent actuellement à faire face à l’habituelle affluence estivale. «Comme chaque année, les perspectives sont bonnes pour Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Comme vous le savez, la saison estivale enregistre traditionnellement un afflux important de visiteurs, aussi bien nationaux qu’internationaux. Nous nous attendons au moins aux mêmes niveaux d’affluence que ceux enregistrés l’année dernière», affirme-t-il.Toutefois, l’envers du décor n’est pas aussi ensoleillé. La saisonnalité reste toujours l’un des défis majeurs qui se posent pour l’essor du secteur, et ce pour l’ensemble des régions. «Reposez-moi la question en janvier quand la situation sera moins reluisante !», lance le professionnel. «Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est d’étaler ces “performances” sur toutes l’année et de casser la saisonnalité de la destination qui persiste toujours et qui ne dépend pas de nous», poursuit-il. Il déplore aussi un autre défi conjoncturel lié à l’impact de l’inflation qui affecte non seulement les dépenses des touristes, mais aussi le chiffre d’affaires des établissements. «L’inflation affecte sensiblement le rendement des établissements. Les professionnels doivent grignoter sur leurs marges de bénéfices pour ajuster les prix aux bourses des clients. Même une augmentation des tarifs ne permettrait pas de combler le gap et ne peut être proportionnelle à la hausse des prix des intrants», explique-t-il.
Autre préoccupation : les disparités entre les différentes provinces de la région et qui ont la peau dure. «À Tanger, le recul est de 9% par rapport à la saison dernière pour les 3 premiers mois de l’année. À Tétouan, la baisse est plus prononcée même si les chiffres ne sont pas encore disponibles. Alors qu’au niveau national, il y a une hausse tirée par deux régions principalement. Cela s’explique, en partie, par la qualité des vols. Ce sont des vols qui amènent une clientèle qui ne fait pas le choix des hôtels ou des MRE qui ont leurs propres résidences au Maroc. Les autres régions accueillent des touristes qui arrivent pour des séjours d’une semaine.
L’Oriental : bon an mal an, le taux d’occupation dépasse rarement les 20%
Autre région, même pronostic et mêmes soucis. «Les perspectives pour la saison à venir restent globalement similaires, avec un accent particulier mis sur les arrivées, principalement composées de Portugais, ainsi que d’une majorité de Marocains résidents et de la diaspora marocaine», affirme Youssef Zaki, président de l’Association régionale de l’industrie hôtelière (ARIH) de l’Oriental. «Je suis confiant que nous atteindrons un taux d’occupation de 80 à 90% pendant les trente jours d’été», précise-t-il.Cependant, tout comme son confrère de la région nordique, il pronostique un ralentissement de l’activité dès la fin de la période estivale. D’ailleurs, les performances des premiers mois de l’année confirment ces craintes. «L’évaluation en ce début d’année s’avère complexe, notamment en raison de notre statut de destination saisonnière, un défi que nous devons surmonter», relève le professionnel qui occupe également le poste de président du Conseil régional du tourisme (CRT) de l’Oriental. «Dans la région de l’Oriental, où nous comptons 130 établissements d’hébergement, le taux d’occupation dépasse rarement les 20%», signale-t-il, précisant que les hôtels de la station balnéaire de Saïdia, la destination la plus plébiscitée de la région, réalisent le plus gros de leur chiffre d’affaires lors de la saison estivale.
Cependant, modère-t-il, deux hôtels ont fait le choix de rester ouverts toute l’année malgré les contraintes, ce qui représente d’après lui un avantage pour la région. «D’autres établissements ont également opté pour une ouverture précoce, dans le cadre d’une stratégie visant à atténuer l’impact de la saisonnalité. Il est toutefois essentiel de ne pas oublier la majorité des hôtels de l’Oriental qui connaissent des difficultés tout au long de l’année», note le professionnel. Il fait savoir que la majorité de ces établissements n’ont pas bénéficié du soutien financier de l’État après la pandémie de la Covid-19, et ce en dépit de leurs efforts. «Sur les 130 hôtels recensés, seuls 16 ont reçu une aide financière», déplore-t-il.
Dans le même sens, Youssef Zaki plaide pour la promotion de l’investissement touristique dans la région avec des projets qui permettraient de s’émanciper de la saisonnalité. «La décision d’une université privée d’ouvrir ses portes à Saïdia constitue une lueur d’espoir bienvenue. Cette nouvelle, pour l’instant relayée uniquement par la presse, est extrêmement positive», affirme-t-il. «En tant que CRT, nous avons toujours soutenu que pour garantir la pérennité de la station balnéaire de Saïdia, il est crucial d’encourager les professionnels et les entreprises à investir dans la région, afin de la libérer de sa dépendance à la saisonnalité. Espérons que cette nouvelle se concrétisera, car elle représente un pas dans la bonne direction», insiste M. Zaki.
Fès-Meknès : des contre-performances et un optimisme très modéré
À Fès-Meknès, les pronostics sont plus incertains. Plus d’espoirs que de confiance. «Après un début d’année un peu plus difficile que prévu, nous espérons que le second semestre 2024 sera meilleur que celui de 2023», avance Nidal Lahlou, président de l’ARIF de Fès-Meknès. «Mais ce que nous espérons davantage, c’est susciter un peu plus d’intérêt pour notre région grâce à la tutelle, et plus particulièrement aux acteurs administratifs et politiques de la région, ainsi que l’ONMT, pour améliorer les résultats touristiques de la région», martèle-t-il. Le chef des hôteliers locaux soutient que la région, et plus particulièrement la ville de Meknès, ne semble pas profiter de l’embellie que connaît le secteur au Maroc. «Cette contre-performance est due à des éléments factuels, essentiellement le retard que connaît la réhabilitation des médinas et qui nécessite la fermeture de l’ensemble des sites historiques ainsi que le mois sacré du Ramadan», explique-t-il.À ce titre, la région attend avec impatience la fin des travaux de réhabilitation de la médina de Meknès et la réouverture des sites d’intérêt pour améliorer ses performances. Elle table aussi sur la mise en valeur des activités de plein air qui s’offrent dans l’arrière-pays et mise également sur certains projets tels que l’ouverture d’un parc d’attraction et le développement de l’Aquaparc.
Cela dit, le professionnel affirme que le début du second trimestre de 2024 s’annonce bien meilleur que le premier trimestre de l’année et du dernier trimestre de 2023. «Cela aussi est le résultat d’éléments factuels qui sont le Salon international de l’agriculture de Meknès (SIAM) et du Festival des musiques sacrées du monde de Fès. Ces deux éléments à eux seuls devraient permettre de cibler les problèmes de la région et d’y apporter les réponses», avance-t-il, ajoutant que ces deux événements confirment la capacité de la région à accueillir de grandes manifestations qu’il serait bénéfique de multiplier. «La région, et plus particulièrement la ville de Meknès, regorge de potentiel culturel, artisanal et cultuel qui ne demande qu’à être activé», insiste-t-il. «La richesse de l’arrière-pays de la région et ce patrimoine devront être transformés en produits d’animation par leurs mise en tourisme et la mise en place d’un plan marketing et de commercialisation», plaide Nidal Lahlou.
Draâ-Tafilalet : une baisse estimée à 25% et des bivouacs hors des radars
À Draâ-Tafilalet, la haute saison, qui se situe entre mars et mai, bat déjà son plein. Les perspectives n’en sont pas moins incertaines. «La saison estivale est une basse saison pour le tourisme dans la région, principalement en raison des températures élevées. Les visiteurs se font rares et sont principalement des férus de bains de sable. La reprise ne se fait qu’au mois de septembre et s’étend jusqu’à novembre», explique Soufian Bachar, président de l’ARIH de Draâ-Tafilalet.Globalement, la région n’attire pas beaucoup de touristes nationaux. Le professionnel fait savoir que les visiteurs étrangers constituent plus de 80% de la fréquentation. «Cette année, la région a enregistré moins de flux, notamment en provenance du marché israélien en raison de la guerre à Gaza, mais aussi d’autres marchés liés, tels que les marchés américain et britannique. À cela s’ajoute l’avènement du mois du Ramadan qui a coïncidé avec le début de la haute saison dans notre région», indique-t-il. «Tous ces facteurs ont entraîné une baisse estimée à 25% par rapport à la même période de l’année dernière. Le taux d’occupation moyen, qui est déjà faible et ne dépasse pas 20%, devrait se maintenir si on prend en compte les chiffres officiels. Ce taux pourrait atteindre au mieux 30% en moyenne si on se réfère à nos propres calculs», assure-t-il.
En effet, les chiffres officiels n’incluent pas l’activité informelle, ni l’activité de certaines structures formelles qui ne déclarent pas leurs chiffres pour une raison ou une autre. «La majorité des établissements d’hébergement touristiques de notre région sont de petites structures, généralement gérées par les propriétaires eux-mêmes et implantées dans des zones isolées, et ne déclarent pas souvent par manque de moyens», détaille Soufian Bachar. Le professionnel revient sur cette problématique de l’hébergement informel, qui sévit notamment dans la province d’Errachidia. «Nous avons dans la région des structures qui échappent aux radars, à savoir les bivouacs. Leur nombre dépasse les 300 à Errachidia. Ils constituent un secteur informel qui n’a aucune contribution et n’est pas pris en compte dans les statistiques», déplore le responsable. Il soutient que la prolifération incontrôlée de ces structures menace non seulement l’équilibre des écosystèmes naturels de la région, qui se caractérise déjà par une précarité écologique, mais ils représentent aussi un risque pour la sécurité nationale.
«Le plus grave avec ces bivouacs, c’est qu’ils s’installent souvent très près des frontières avec l’Algérie. Ils sont ainsi exposés à plusieurs risques. En cas de catastrophe, les touristes courent de graves dangers puisque ces structures ne sont pas sécurisées et échappent de ce fait à l’œil vigilant et à la protection des autorités. De plus, elles peuvent être à l’origine d’incidents qui peuvent même porter atteinte à la sécurité nationale (terrorisme)», prévient-il. «Même aujourd’hui, avec le récent cadre législatif mis en place, l’application fait toujours défaut. Ce genre de problème, s’il n’est pas pris à bras le corps, pourrait avoir des répercussions très néfastes non seulement sur la région, mais sur le tourisme national en général», insiste Soufian Bachar.
Cette problématique mise à part, il y a des éléments positifs qu’il conviendrait de signaler d’après le responsable. «Il y a eu tout de même des changements bénéfiques, notamment l’ouverture des canaux de communication entre les professionnels de la région et le ministère du Tourisme. Un regain de confiance est ressenti aujourd’hui par les professionnels. Auparavant, ces derniers se sentaient délaissés, le secteur était en mal de structuration et le ministère regardait ailleurs. Avec l’actuelle tutelle, c’est la première fois que les structures d’hébergement de la région ont eu accès au soutien financier de l’État», atteste-t-il.
Dakhla-Oued-Eddahab : un bon cru attendu, mais les professionnels veulent plus de vols
À la porte du Sud, les prémices d’une bonne saison semblent se profiler. «Nous sommes déjà dans la haute saison (de mars à octobre). Les indicateurs augurent d’une récolte positive d’après les réservations. On s’attend à une meilleure saison que celle de l’année passée», pronostique Otmane Amar, président de l’ARIH de Dakhla-Oued Eddahab. «Le taux d’occupation moyen ne dépasse pas en général les 30%. Mais cette année, on pourrait atteindre 40%», ajoute-t-il.Ces résultats sont le fruit du renforcement de l’infrastructure hôtelière et de la consolidation du positionnement de la région dans le tourisme d’affaires (Mice) qui gagne de plus en plus de terrain. Par contre, relève-t-il, le nombre de vols reste trop limité pour accompagner l’essor touristique de la région. «La compagnie nationale RAM doit augmenter le nombre de vols pour encourager le tourisme interne. En tant qu’unique transporteur aérien assurant la liaison entre Casablanca et Dakhla, et étant donné que la plupart des touristes arrivent dans la région via l’aéroport de Casablanca, le nombre réduit des vols constitue l’un des principaux freins au développent du tourisme dans la région», soutient le professionnel.
«C’est une doléance que nous avons émise à maintes reprises et qui est portée également par les responsables qui sont à la tête de la région», se plaint-il. «Je tiens à saluer les efforts du Conseil régional qui mène des efforts soutenus pour booster l’activité et qui apporte un soutien indéfectible aux professionnels», déclare-t-il, rappelant que le Conseil subventionne 50% du prix du billet d’avion. nLe tourisme national en meilleure santé, mais...
L’expert en tourisme Zoubir Bouhoute affirme que le tourisme au Maroc affiche une meilleure santé en ce début d’année. Il en veut pour preuve le nombre d’arrivées enregistrées à fin mars 2024, qui a atteint plus ou moins 3,3 millions. Soit une augmentation à deux chiffres qui s’élève à 13% par rapport à la même période de l’année 2023. «C’est un indicateur d’autant plus positif que la progression globale représente un gain de 3% par rapport à celle enregistrée en janvier 2024 et qui n’était qu’à 10%», souligne l’expert.
Mais l’élément le plus important selon lui, c’est que les arrivées des touristes étrangers de séjour (TES) ont connu une hausse de 15%, contre 9% des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Zoubir Bouhoute fait remarquer que cette amélioration n’était que de 11% en janvier 2024, ce qui représente un gain de 4% en deux mois. «En trois mois, on est passés d’une composition à 50/50 entre TES et MRE en janvier, à une composition à 53% de TES et 47% de MRE en février, puis à 55% de TES contre 43% en mars», note-t-il. «Si on arrive à maintenir ce rythme, et si on arrive à la fin de l’année avec 60% de TES contre 40% de MRE, nous arriverons à combler l’évolution qui a fait défaut en 2023», poursuit l’analyste. «Cet élément est important dans la mesure où plus la balance penche du côté des TES, plus elle se traduit en nuitées et en recettes», précise-t-il.
Sauf que cela n’a pas été le cas. «Le hic réside dans le fait que cette hausse ne s’est pas convertie totalement en nuitées, ni en recettes. «À fin février, le cumul des nuitées a représenté une hausse de seulement 6% (8% en janvier et 7% en février). De leur côté, les recettes touristiques ont marqué en janvier 2024 un recul de 12% par rapport à janvier 2023 contre une hausse de 10% des arrivées globales et de 11% de celles des TES en particulier. De même pour février où les arrivées ont évolué de 18%, alors que les recettes ont régressé de 2,7%», signale l’expert. D’ailleurs, précise-t-il, c’est un phénomène qui dure depuis juillet 2023 où les recettes ont reculé de 2,7%, puis de 11% en août et de 18% en septembre. «La baisse la plus spectaculaire a été enregistrée en décembre dernier, soit -25%», fait-il savoir.
Recettes voyage et nombre d’arrivées : les raisons d’un décalage
Selon notre expert, cette situation peut s’expliquer par le fait que les touristes ont toujours cette envie de voyager, mais en dépensant moins, et ce en raison des conditions économiques. La hausse du taux de change est aussi une explication plausible. Mais cela n’empêche pas de se réjouir de l’amélioration des marchés émetteurs de touristes internationaux, tels que la France (+11%) et l’Espagne (+11%) ainsi que d’autres marchés où il y avait eu des problèmes, notamment les marchés allemand (+46%) et britannique (+26). «Mais le plus important est la progression du marché chinois qui est stratégique. Même si les chiffres restent modestes, l’évolution est prometteuse», avance-t-il. «Pour prendre les choses du bon côté, on peut dire que le Maroc est de plus en plus attractif puisque les arrivées évoluent positivement et qu’à défaut d’engranger plus de recettes, on est en train de fidéliser une clientèle qui sera plus encline à dépenser davantage une fois la crise passée», lance-t-il avec positivité.Pour en revenir à la régression du nombre de nuitées, la situation pourrait s’expliquer par le recours à l’hébergement parallèle (Airbnb et hébergement non classé). «Nous avons un flux d’arrivées au niveau des aéroports qui ne se convertit pas dans un premier temps en nuitées dans les structures d’hébergement classées. Cela veut dire que les devises qui entrent au Maroc ne sont pas comptabilisés dans les recettes voyage», explique M. Bouhoute. «Mais ce n’est pas le plus alarmant ! Le plus grave, c’est quand les propriétaires d’établissements détiennent des comptes à l’étranger. Cela veut dire que les touristes arrivent, mais que la recette liée à l’hébergement reste à l’étranger», alerte l’analyste.
La question de l’équité territoriale toujours pas réglée
Zoubir Bouhoute fait remarquer que l’embellie profite toujours plus aux destinations classiques. Les données attestent qu’un gap en matière de performances sépare toujours les différentes régions et même les territoires d’une même région. «Draâ-Tafilalet et Fès-Meknès sont les régions les plus mal loties. Rabat-Salé-Kénitra commence quant à elle à récupérer grâce aux efforts des acteurs du secteur», assure-t-il. «Le développement du secteur est un rôle qui incombe aux régions. Il faut que les territoires bougent ! Ils ne peuvent pas se reposer en tout sur le soutien de l’État. Le ministère fait de son mieux, mais il ne peut pas tout faire !», s’indigne-t-il.«Avec la régionalisation avancée et le nouveau modèle de développement qui ont renforcé le rôle des régions, les décideurs régionaux doivent accorder au secteur la place qui lui revient dans leurs PDR et surtout traduire cela en projets concrets», insiste l’expert.