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Les chantiers prioritaires de Mohammed Abdeljalil pour réformer le transport routier de marchandises

Le déploiement de la stratégie logistique nationale, le développement des zones logistiques, la restructuration du secteur du transport routier de marchandises, la constitution d'une flotte nationale... autant de sujets abordés durant cet entretien accordé au journal «Le Matin» par Mohammed Abdeljalil, le ministre du Transport et de la logistique, en marge de la 11e édition du Salon Logismed qui se tient du 7 au 9 mai 2024 à Casablanca.

Ph. Sradni
Ph. Sradni
Le Matin : Quel est l’état d’avancement de la stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique ?
Mohammed Abdeljalil : La mise en œuvre de la stratégie logistique nationale a contribué aux progrès significatifs enregistrés dans le secteur de la logistique et de la supply chain au Maroc. Le marché de la logistique au Maroc a connu une diversification et une amélioration de la qualité des prestations logistiques, grâce à l’installation d’opérateurs internationaux de référence, et au développement des opérateurs nationaux vers plus d’intégration dans la chaîne. Dans le cadre du déploiement de la stratégie logistique nationale, une attention particulière est accordée à la PME marocaine. La première édition du programme pour la mise à niveau logistique des PME marocaines – PME Logis – a permis à plus de 200 entreprises nationales de bénéficier d’un accompagnement financier et technique de l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL).

Par ailleurs, les avancées importantes en termes de réalisation d’infrastructures de transport (portuaire, autoroutière et ferroviaire) ont ouvert le champ au développement d’une nouvelle génération de zones logistiques, qui a commencé par l’identification d’assiettes foncières publiques susceptibles de les accueillir dans les différentes régions du Royaume. Les efforts consentis par l’AMDL ont permis de développer un projet pilote de zone logistique au sud d’Agadir, qui s’étend sur une superficie de 45 ha, moyennant un investissement global d’environ 350 millions de DH et dont l’opération de commercialisation est prévue dans le courant de 2024. Enfin, en termes de développement des compétences dans le secteur, le déploiement de la stratégie logistique nationale a permis d’établir un socle d’ingénierie de formation spécifique avec la définition d’un plan de formation 2020-2024, résultat d’une concertation entre les professionnels et les acteurs publics. De même qu’un ensemble d’outils pour la planification et la gestion des emplois et des compétences a été constitué.

Où en est la mise en œuvre du programme national de développement des zones logistiques ?
Pour la mise en œuvre du programme de développement des zones logistiques, un travail de concertation a précédé la planification territoriale qui a abouti à l’élaboration des schémas logistiques régionaux en étroite collaboration avec les différentes parties prenantes. Ces schémas ont permis de qualifier une réserve foncière de l’ordre de 1.185 ha pour différentes vocations logistiques : distribution, conteneurs, produits agricoles, produits de matériaux de construction, etc. Afin d’accélérer la réalisation des zones logistiques, un programme prioritaire a été élaboré comprenant un portefeuille de dix projets, situés à proximité des nœuds géographiques de transport, qui s’étendront à l’horizon 2028 sur une surface globale d’environ 750 ha.

Le même programme prévoit le lancement de l’aménagements de trois premiers projets à Casablanca (70 ha), Kénitra (45 ha) et Fès (32 ha), pour un investissement de plus d’un milliard de dirhams, et ce dès cette année 2024, après la signature d’un mémorandum d’entente, en avril dernier, entre l’AMDL, CDG développement et MedZ visant à mutualiser les ressources techniques et financières pour réussir la réalisation du programme prioritaire.
Concernant le volet maritime, que prévoit votre département pour la constitution d’une flotte nationale ?
Suite au discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu le glorifie, à l'occasion de la célébration du 48e anniversaire de la Marche Verte, appelant à réfléchir à la constitution d'une flotte nationale de marine marchande forte et compétitive, le ministère a lancé une étude stratégique dont la phase de diagnostic est en cours. Cette étude permettra d’identifier les différentes options stratégiques pour le développement du transport maritime et de les évaluer en vue de retenir les plus pertinentes, puis de déployer les actions pragmatiques en vue de les réaliser.


Qu'en est-il de la restructuration du secteur du transport routier de marchandises ? Du nouveau par rapport au projet de loi relatif à l’indexation des prix du transport sur le carburant ?
Le transport routier de marchandises est indispensable au bon fonctionnement du commerce et du tissu productif marocain. Il rencontre encore de nombreux défis, qui se manifestent par l’inadéquation de l’offre et de la demande, le recours fréquent à la surcharge, la vétusté du parc, la fragilité des actions... Pour surmonter ces contraintes, nous avons défini, dans le cadre d’une approche participative, avec les différentes représentations professionnelles du secteur, des chantiers prioritaires qui pourraient remédier aux défaillances et rendre le marché du transport routier de marchandises plus transparent et plus efficace. En vue de professionnaliser davantage ce secteur, nous avons convenu de travailler sur les chantiers prioritaires suivants :

• La révision des conditions d'accès à la profession : un projet de texte d’amendement du décret n°2.03.169 a été publié sur le portail du Secrétariat général du gouvernement et fait actuellement l’objet d’une deuxième lecture avec les professionnels du secteur.

• La régularisation de la situation des véhicules dont le poids total autorisé en charge est compris entre 3,5 et 19 tonnes : le ministère a lancé cette opération depuis le 14 juillet 2023 à travers une plateforme électronique pour permettre aux professionnels d’en bénéficier. Elle restera opérationnelle jusqu’au 31 décembre 2024.

• La révision et la numérisation du manifeste de fret : ce projet, mené en partenariat avec l’Agence de développement du digital (ADD), porte sur le développement d’une plateforme numérique du manifeste, qui est en phase d’expérimentation.

• Le lancement d’une étude sur les coûts de référence du transport de marchandises et leur publication périodiquement, conformément à la réglementation en vigueur et dont les prestations de la première phase ont démarré à la mi-février 2024.

• L’instauration d’un mécanisme d’indexation des prix du transport sur les prix du carburant : un projet de loi a été élaboré en 2023 et se trouve actuellement dans le circuit d’approbation.

• L’adoption d’un nouveau programme de renouvellement du parc pour une durée de trois ans (2024-2026).

• L’accélération du chantier de la digitalisation, de la simplification et de la dématérialisation des procédures administratives au profit des professionnels de transport routier (télé-services).

Par ailleurs, d’autres chantiers à caractère transverse, qui concernent également les autres branches d’activité du transport routier, sont en cours, comme le chantier relatif à la révision du Code de la route et la refonte des modalités de formation des conducteurs professionnels.


La mobilité durable est une opportunité pour booster les exportations marocaines, quels sont les scénarios envisageables pour la décarbonation des transports au Maroc ?
La mobilité durable est un élément central de toutes les stratégies ambitieuses adoptées par notre pays pour développer l’économie et la création d’emploi. Son développement impacte directement la production industrielle (surtout manufacturière), la logistique, ainsi que la mobilité des personnes, un élément clé de l’inclusivité et l’équité. Par conséquent, les infrastructures de transport n’ont cessé de se développer durant les 20 dernières années au Maroc pour répondre aux besoins croissants d’une mobilité durable.

Le secteur du transport absorbe 38% de la consommation énergétique finale et est responsable de près de 30% des émissions de GES. Il est appelé à jouer un rôle important pour réaliser les objectifs de la Stratégie nationale de développement durable et respecter les engagements pris par notre pays au niveau international. Nos politiques publiques doivent donc converger pour réaliser l’objectif commun qui vise à promouvoir un modèle de développement de mobilité écologiquement vertueux, socialement inclusif et créateur d’opportunités d’emploi.

Le ministère a initié quelques mesures visant à atténuer les externalités négatives du transport dans notre pays. À titre d’exemple, je citerais l’amélioration des performances des véhicules à travers la mise en place de normes antipollution, un système de contrôle des émissions lors des contrôles techniques, la limitation d’âge d’importation des véhicules d’occasion, le programme de renouvellement de la flotte de véhicules des professionnels et des mesures fiscales et douanières visant l’encouragement de la mobilité électrique et hybride.

D’autres mesures sont entreprises en termes de développement d’infrastructures de transport par rail (lignes LGV, lignes classiques ou tramway), et qui permettront ainsi de libérer de la capacité ferroviaire pour en faire l’épine dorsale d’une logistique durable, d’infrastructures routières telles que les autoroutes et les voies express et les infrastructures logistiques qui ont un impact fort en termes de massification des flux et donc de réduction de la consommation d’énergie. Par ailleurs, un système de mesure MRV du secteur du transport qui permettra de cibler les actions les plus pertinentes en termes d’impact sur les émissions GES a été finalisé.


Les investissements publics en infrastructures (chemins de fer et aéroports) montent en flèche. Peut-on avoir les perspectives de développement du programme infrastructurel d’avenir ?
L’Office national des chemins de fer (ONCF) dispose d’un schéma directeur de développement de l’infrastructure ferroviaire «Plan rail 2040». Ce schéma vise la réalisation de 1.300 km de ligne à grande vitesse et 3.800 km de lignes classiques. Pour les projets ferroviaires, trois conventions ont été signées durant les deux premières années du mandat du gouvernement portant sur le financement et la réalisation des études et des opérations d’expropriation de la ligne à grande vitesse desservant les villes de Marrakech et Agadir et la connectivité ferroviaire du port de Nador West Med ainsi que la suppression des passages à niveau et le développement d'une nouvelle offre de transport urbain et régional via ferroviaire (RER) au niveau de Casablanca-Settat, Salé-Kénitra et Marrakech-Benguérir. L'ONCF compte aussi acquérir 168 trains (150 trains pour assurer les services de transport entre les villes, des trains navettes à grande vitesse et des trains reliant les grandes villes, ainsi que 18 trains pour l'extension du réseau à grande vitesse).

Pour le secteur aéroportuaire, et afin d'accompagner l'évolution du trafic passagers dans les aéroports nationaux, au cours de la période 2024 à 2030, plusieurs projets seront lancés pour développer les aéroports nationaux et augmenter leur capacité, et qui concernent les aéroportsde Marrakech, d'Agadir et de Tanger, pour un coût total d’environ 5 milliards de dirhams. Ces projets témoignent de l'engagement de notre pays à n’épargner aucun effort pour doter l’ensemble des régions du pays en infrastructures de transport de qualité au service de la croissance et de l’inclusion économique et sociale.
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