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Voici les véritables «cauchemars» de la TPME au Maroc (Etude)

Bien qu’elle constitue l’essentiel du tissu économique national (93%), la TPME au Maroc se trouve constamment condamnée aux plus rudes épreuves. En dépit des avancées que ne cesse de prêcher l’Exécutif Akhannouch, cette catégorie d’entreprises doit encore subir le parcours infernal de «Sisyphe». Concurrence déloyale de l’informel, manque de ressources humaines, corruption, fiscalité peu séduisante, système bancaire hermétique… Bref, la TPME est encore et toujours embourbée dans une mare de difficultés. Pourtant, le salut de la résorption du chômage, de la stimulation de l’innovation et de la croissance vient essentiellement de ces structures. Voici une énième radioscopie des ce grand corps malade, signée par l’Association marocaine de sciences économiques.

Le NMD préconise de faire de l’entrepreneuriat un moteur de développement économique et d’amélioration de la compétitivité structurelle.
Le NMD préconise de faire de l’entrepreneuriat un moteur de développement économique et d’amélioration de la compétitivité structurelle.
C’est une énième analyse qui le confirme. En dépit des avancées enregistrées ces dernières années, l’entrepreneuriat au Maroc demeure une aventure peu séduisante. Les motifs : des contraintes administratives à la pelle, une fiscalité peu encourageante et un système de financement très hermétique. Dans un billet de décryptage publié par l’Association marocaine des sciences économiques, trois chercheurs (Hicham Goumrhar, Lamyaâ Riad et Hadbaa Hnaka), se sont prêtés à l’exercice de décortiquer les véritables embûches qui parsèment le parcours de l’entrepreneur au Maroc.

Selon l’analyse, les politiques publiques à l’égard des TPME, le secteur informel, le manque de ressources humaines et la corruption ont été reconnues comme les principales entraves à l’entrepreneuriat dans le pays. La législation fiscale est également considérée comme un obstacle à l’entrepreneuriat au Maroc. En effet, expliquent les chercheurs, la question de l’existence d’une politique fiscale suffisamment incitative mise au service des TPME demeure importante. D’où la nécessité, selon les analystes, d’instaurer des politiques de libéralisation fiscale incitatives au profit de cette catégorie d’entreprises et des porteurs de projet. Car cela pourrait être d’une grande utilité et contribuer à un meilleur environnement des affaires. À ces contraintes s’ajoutent également les difficultés d’accès aux financements des entreprises au Maroc, en particulier les TPME. De même, le système bancaire au Maroc, bien qu’en présence d’une progression significative, reste toujours entaché par une structure oligopolistique ne favorisant pas une vraie concurrence sur le coût des crédits. Les micros et les petites et moyennes entreprises éprouvent des difficultés financières et souffrent souvent d’une insuffisante participation aux nouveaux modes de financement comme le recours direct au marché financier.



Le fait est qu’au-delà des problèmes de coût du crédit et de structure de financement, le principal handicap des PME tient, aux yeux des trois chercheurs, aux «discriminations» qu’elles subissent en matière d’accès aux ressources financières. Force est de constater que les très petites et moyennes entreprises au Maroc ont un accès au financement externe beaucoup plus difficile que les grandes entreprises (69% des TPME sont confrontées à ce type de contrainte). Selon l’analyse, plusieurs raisons paraissent expliquer cette difficulté et entravent l’allocation efficiente des financements à long terme nécessaires à la promotion et au développement des TPME. Il s’agit, d’abord, d’un environnement financier national qui demeure peu favorable eu égard à l’exigence de garanties importantes et un coût de financement élevé.

Aux garanties, s’ajoutent des clauses restrictives dans les contrats de prêt limitant, en conséquence, la marge de manœuvre des entreprises. Autre raison invoquée par les analystes de l’association : le phénomène d’asymétrie de l’information entre les entreprises et les banques, qui réside dans la faible capacité à fournir l’information aux banques pour l’évaluation correcte de leurs projets. Un facteur qui contribue à l’avènement de situations de rationnement du crédit bancaire, en particulier pour les PME. Eu égard à ces défis, estiment les experts économiques, le développement et la promotion de l’entrepreneuriat au Maroc reposent fondamentalement sur les cadres institutionnel et environnemental tels que la fiscalité, la réglementation, le système bancaire et le marché financier dans lequel évoluent les entreprises. Il est aussi important de tenir compte de l’environnement et du contexte marocains dans le développement de l’entrepreneuriat, c’est «l’entrepreneuriat contextualisé». Certains travaux, d’ordre empirique, analysent les services offerts aux entrepreneurs et mettent en relief le rôle significatif de l’environnement dans le renforcement des capacités des entrepreneurs. Ainsi, l’adoption d’approches standardisées et/ou de modèles développés pour des contextes spécifiques pourrait constituer, selon les chercheurs, un enjeu important dans le développement des entreprises locales. À ce titre, la montée de pratiques propres et adaptées au contexte aussi bien national que régional du Royaume est également souhaitable pour la réussite entrepreneuriale.

D’ailleurs, poursuivent les analystes, c’est dans ce canevas que s’inscrit le nouveau modèle de développement (NMD), typiquement d’inspiration libérale, qui place la promotion de l’entrepreneuriat et l’acte d’entreprendre en priorité nationale pour aller vers un modèle de développement transformant. Rappelons que le NMD préconise de faire de l’entrepreneuriat un moteur de développement économique et d’amélioration de la compétitivité structurelle et une locomotive pour le secteur privé à travers notamment l’identification des potentialités locales qui pourraient être valorisées par la demande des marchés et un accompagnement technique et financier adapté à ces acteurs. Le NMD appelle aussi à une facilitation de m’accès aux financements et l’élaboration d’un plan de formation spécifique aux nouveaux métiers ainsi que le renforcement en termes de capacité de résilience et d’adaptation, particulièrement pour les TPME à portée locale. Pour les auteurs de l’analyse, la mise en œuvre d’une telle ambition ne peut que dépendre d’une programmation rigoureuse, impliquant un fort engagement administratif de l’Etat, en amont, pour aider les entrepreneurs et les porteurs de projet à amorcer ce processus et stimuler l’initiative privée et, en aval, pour maximiser les effets économiques et sociaux.

Entrepreneuriat féminin : les régions du Sud se distinguent

Les analystes se sont intéressés également à l’entrepreneuriat féminin le jugeant relativement jeune. Mais il prend de l’ampleur dans la société d’aujourd’hui. Ainsi, la part des femmes entrepreneures est passée de 16,2% en 2019 à 20,57% en 2022. D’où la tendance à la hausse du nombre de créations d’entreprises par les femmes. En termes de structure, l’entrepreneuriat féminin marocain se caractérise par une prédilection pour les TPME : on compte 18% de micro-entreprises dirigées par des femmes contre 15,1% pour les GE, 14,2% pour les TPE et 11,4% pour les PME, dont la majorité opère dans l’action sociale et la santé (40%), l’enseignement (30%) et les autres activités de services (31,7%). De même pour la catégorie des auto-entrepreneurs où les femmes représentent 23,6% en 2021.

Par ailleurs, désormais légèrement plus jeunes, plus diplômées aussi, les femmes entrepreneures s’avèrent cependant moins expérimentées, dans leur activité, que leurs pairs masculins. L’analyse révèle une tendance plutôt surprise : sur le plan régional, l’entrepreneuriat semble avoir le vent en poupe pour les femmes, particulièrement dans les régions du Sud. En effet, bien que le poids des porteurs de projet soit relativement faible dans ces régions, la création d’entreprises par les femmes sahraouies, par exemple, affiche des niveaux assez élevés, soit respectivement 28,2% et 26,8% pour la région Dakhla-Oued Eddahab et la région Laâyoune-Sakia El Hamra, suivies par la région Rabat-Salé-Kénitra (19,2%). Tandis que le taux le plus faible est enregistré dans la région Draâ-Tafilalet avec 6,8%. Il en va de même pour les femmes auto-entrepreneures qui marquent une prédominance notable dans les régions du Sud, dont la part s’élève à 39% pour la région Dakhla-Oued Eddahab, suivie de Laâyoune-Sakia El Hamra (29%). Porté par ce contexte général favorable, l’entrepreneuriat féminin au Maroc progresse. Néanmoins, nuancent les analystes, le chemin reste encore long et les obstacles sont réels. Les principaux accrocs recensés dans ce cadre par les économistes sont la difficulté d’accès aux marchés et aux financements, la discrimination de la part de créanciers ou de consommateurs, le manque de confiance en soi, de compétences, les stéréotypes, une éducation qui ne va pas dans le sens de l’aventure entrepreneuriale, la peur de la non-conciliation entre vie privée et vie professionnelle et le manque d’accompagnement et de soutien.

En outre, poursuit l’analyse, la nature patriarcale et sexiste de la société marocaine constitue également l’un des obstacles à l’entrepreneuriat féminin. Il en est de même des inégalités de genre qui affectent encore le milieu entrepreneurial dans certains domaines. Certains métiers sont considérés comme des «métiers d’homme». Ce constat peut être attribué, en partie, aux efforts déployés par les acteurs aussi bien publics que privés pour soutenir l’entrepreneuriat féminin au Maroc, y compris les régions du Sud. On peut citer, à ce titre, le forum de Laâyoune (Forum de la femme sahraouie, développement et démocratie) et la nouvelle section régionale de l’Association des femmes cheffes d’entreprise au Maroc (AFEM) créée dernièrement à Dakhla. Eu égard à ces défis et conscient du rôle moteur que peuvent jouer les femmes dans l’entrepreneuriat et, par conséquent, dans le processus de croissance et du développement économique du pays, le NMD appelle à une véritable renaissance de l’entrepreneuriat féminin au Maroc, en préconisant le renforcement de l’accompagnement des créatrices, la sensibilisation et le coaching, la démocratisation de l’accès aux financements tout en favorisant une éducation de qualité pour l’entrepreneuriat féminin.
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