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Les Chypriotes unis pour défendre l'âne sauvage

Partie intégrante de la culture et de l'histoire de l'île de Chypre, l'âne peut désormais compter sur un comité de sauvegarde réunissant Chypriotes turcs et grecs, déterminés à protéger cette espèce endémique des fermiers et des promoteurs immobiliers.

Les Chypriotes unis pour défendre l'âne sauvage
Des ânes de la péninsule de Karpas, dans le nord de Chypre. (Photo : fr.news.yahoo.com)
Plusieurs centaines de jeunes Chypriotes-turcs, et une poignée de Chypriotes-grecs, se sont mobilisés pour "Sauver l'âne de Chypre" après la découverte d'une dizaine d'animaux morts par balles fin mars dans la réserve naturelle du Karpas, dans le nord-est de l'île.

Le Comité de sauvegarde, créé sur le site de socialisation Facebook, a même organisé à la mi-avril une cérémonie d'enterrement près de Rizokarpas, un village de la péninsule, pour tenter de rallier les habitants à sa cause.

La procession s'est terminée sur une plage de sable fin de la réserve, devenue depuis une trentaine d'années un sanctuaire pour ânes sauvages.

"C'est trop injuste (...), nous avions l'habitude de venir ici pendant les vacances d'été, et nous entendions les ânes passer devant notre cabane pendant la nuit", se rappelle Aysun Yucel, étudiante en droit de 19 ans à Nicosie-nord.

Selon Deniz Direkci, 20 ans et employé dans une école primaire, les principaux suspects dans cette tuerie sont des fermiers dont les cultures ont été endommagées par les ânes. Mais les organisateurs montrent aussi du doigt les chasseurs et les promoteurs immobiliers, impatients de bétonner l'une des dernières régions protégées de l'île divisée depuis 1974.

Le phénomène existe aussi côté grec, où les plans de création d'un parc naturel dans la péninsule de l'Akamas (ouest) sont mis à mal par les promoteurs. Là-bas, les fermiers s'en prennent à l'autre espèce endémique de Chypre, le mouflon.

L'âne du Karpas, ironiquement, est un legs de l'invasion de l'armée turque du tiers-nord de l'île en 1974.

Les fermiers chypriote-grecs, fuyant l'avance des troupes turques, se sont réfugiés au sud de la "ligne verte", abandonnant leurs animaux. Ne sachant qu'en faire, à l'heure du tracteur et du pick-up, les autorités chypriotes-turques ont transféré les équidés dans le Karpas, où ils vivent depuis en liberté.

Présent sur l'île depuis des millénaires, l'âne a longtemps été célèbre dans tout le Moyen-Orient pour sa grande taille, sa force et son endurance. Il a aussi été un auxiliaire de l'armée britannique pendant les Guerres mondiales.

En 1943, l'armée britannique comptait 23.000 ânes de Chypre, et la bête était exportée en Egypte, au Soudan et en Syrie. L'âne servait aussi à créer de nouvelles espèces de mules issues de croisement avec des chevaux.

Mais, 60 ans plus tard, une étude ne dénombrait plus qu'environ 800 spécimens, dans un espace de vie menacé.

"Ils amènent des lignes à haute tension dans la région, ce contre quoi nous avons aussi manifesté. Ils veulent construire des +villas de luxe+ plutôt que créer un parc national. Pour eux, les ânes sont un obstacle au progrès", dénonce l'écrivain et poète chypriote-turc Jenan Selchuk.

Pour Tanju Nasir, un collectionneur d'antiquités de Nicosie, les autorités adoptent une politique à courte-vue alors que l'âne "est un symbole de l'île, et une attraction touristique" pour la République turque de Chypre Nord (RTCN), non reconnue internationalement.

Tony Angastiniotis, un documentariste grec controversé qui vit en RTCN, estime qu'un effort des deux communautés pour protéger l'âne de Chypre pourrait aider à la réunification de l'île, alors que le dialogue a été relancé par l'élection du nouveau président (grec) Demetris Christofias fin février.

"Les ânes mèneront peut-être à la paix, dit-il. Après tout, ce sont les seuls vrais Chypriotes".
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