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Militia, un groupe de rap libanais qui chante en arabe à la gloire de Dieu

"Du tréfonds de l'enfer, le Seigneur a traversé les ténèbres" : dans une région qui ne tolère aucune provocation religieuse, "Militia", un groupe de rap formé par deux jeunes Libanais chrétiens, danse et chante en arabe à la gloire de Dieu.

Militia, un groupe de rap libanais qui chante en arabe à la gloire de Dieu
Le gens pensent que c'est la manière de prier des Noirs américains, mais c'est ainsi que l'on doit rendre gloire à Dieu. (Photos : asbh.free.fr)
Pantalons "baggy", casquettes, boucles d'oreille et colliers en métal, Charles Makriss, 27 ans, et Maroun Adolph, 23 ans, sont des rappeurs mais ils chantent en arabe et leurs chants sont des prières.

"Nous sommes les premiers à avoir lancé le ‘hip-hop chrétien' en arabe", affirme Charles, compositeur et chorégraphe de break-dance, qui a récemment sorti, avec Maroun, le premier CD de leur groupe "Militia" (milice).

"Au départ, quand nous faisions des concerts avec ce genre de chansons, les gens, et surtout la vieille génération, étaient très hostiles. C'était un choc", raconte-t-il.

"Puis un jour, alors que nous chantions près d'une église, j'ai vu un prêtre en train d'applaudir avec enthousiasme", se souvient ce jeune artiste au regard intense.

Le hip-hop en tant que tel n'est pas un phénomène nouveau dans le monde arabe. Du Maroc jusqu'en Palestine, beaucoup de groupes de rap arabe ont vu le jour au cours des dernières années. Mais le hip-hop religieux est moins connu.

"Ici, en Orient, chanter les textes sacrés n'est pas vu d'un bon oeil", déplore Maroun.

En islam, chanter le Coran est d'ailleurs totalement proscrit, bien que l'appel à la prière du muezzin soit lui-même une forme de chant appelée "tajwid".

En 1999, des dignitaires religieux décrètent une fatwa contre le chanteur-compositeur libanais Marcel Khalifé pour "Ana Youssef, ya Abi" (Oh mon père, je suis Joseph), une chanson contenant des paroles tirées d'un verset du Coran.

Charles et Maroun, eux, ne voient rien de mal à chanter les psaumes dans le style hip-hop.

"Le gens pensent que c'est la manière de prier des Noirs américains, mais c'est ainsi que l'on doit rendre gloire à Dieu", estime Charles, membre d'une chorale jusqu'en 2004.

La preuve, selon lui, se trouve dans un des chapitres du livre des Psaumes, intitulé "Louez l'Eternel", et qui est d'ailleurs interprété par le duo.

"Il figure dans l'ancien Testament : +Louez-le au son de la trompette ! Louez-le avec le luth et la harpe! Louez-le avec le tambourin et avec des danses!+ Que voulez-vous de plus explicite?", insiste-il.

L'Eglise maronite, la plus puissante du Liban, semble elle-même ouverte à cette nouvelle vague.

"Si les jeunes veulent chanter l'Evangile de cette façon à l'extérieur de l'église, nous n'avons aucun problème", affirme à l'AFP Youssef Tannous, prêtre maronite et ancien doyen de la Faculté de musique à l'université Saint-Esprit de Kaslik.

"Il est possible que le rap soit un moyen de rapprocher les jeunes de Dieu", affirme-t-il, "mais les nouveaux talents doivent être guidés par l'Eglise".

Toutefois, même parmi les jeunes censés être attirés par ce "remake", certains réprouvent.

"Je préfère le style traditionnel", commente Roula Nehmé, une chrétienne de 28 ans. "Le hip-hop, c'est trop extrême comme musique pour l'Evangile. Il nuit au caractère sacré du texte".

"Au contraire, c'est très beau", affirme pour sa part Catherine Yaghi, 24 ans. "Le hip-hop communique le message de manière beaucoup plus forte et dynamique", assure-t-elle.

Même dans les autres chansons du répertoire de "Militia", Dieu est toujours présent.

"Quand un homme tue son frère, échappera-t-il à la colère du Tout-puissant?/Seigneur, sauve Beyrouth!", chantent-ils dans "Loubnan, waynak?" (Liban, où es-tu?), après des affrontements intercommunautaires sanglants au Liban début 2007.

Pourquoi "Militia"? "Parce que nous sommes une milice d'amour, dans ce monde plein de violence", lance Charles.
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