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Boughafer entre exercice de mémoire et penchant vers l'avenir

Depuis le 24 mars 1933, Boughafer n'est plus uniquement un toponyme. Le mont qui surplombe les hameaux des tribus Aït Atta, a prêté son nom à toute une épopée. Une bataille qui a marqué les annales de l'histoire de la résistance contre l'occupant. Après quarante jours de guérilla sans merci, Assou Oubaslam sortit enfin de ses cavernes. Du Saghro, il prit le chemin d'Ikniouen. Objectif : négocier dignement un accord de paix avec les Français.

Boughafer entre exercice de mémoire et penchant vers l'avenir
Boughafer n'est plus uniquement un toponyme, mais une bataille qui a marqué les annales de l'histoire de la résistance contre l'occupant. (Photo : flickr.com)
Le Général Huré, qui voulait une reddition pure et simple, lui serra la main, en cachant mal son admiration et son respect. Bien que son armée fût l'une des plus puissantes de l'époque, Huré savait que la négociation était la seule voie possible. Ces Imazighens du sud-est marocain lui ont appris la sémantique d'une guerre juste. Avec de simples fusils, ils ont impacté la stratégie coloniale sur le terrain. Ils ont aggravé la donne d'une France en crise. Boughafer eut l'effet d'Anoual.

Les Français voulurent éviter l'humiliation. Ils surent son impact sur le moral des troupes. Mais aussi sur le déroulement des discussions politiques à Paris. L'influence de ce qui se passait aux «périphéries» est vite ressentie dans les soubresauts des acteurs politiques. Sur le terrain, ces guerriers, accompagnés de leurs familles, ne dépassèrent pas, dans les meilleurs des cas, 4 à 5 milles personnes.

En face, une armée de 83.000 hommes composée de légionnaires, spahis algériens, goumiers marocains et hommes au service du Glaoui. L'image d'un autre Mohamed Benabdelkerim El Khattabi et d'une seconde Anoual hantèrent les Français. Mais comment les Marocains, mal armés, avaient-ils gagné ces deux batailles ? Il n'y a absolument pas de secret.

La stratégie fut de mettre à profit les effectifs et les matériels réduits, par une organisation draconienne. Et bien évidemment les données géographiques ne sont qu'un facteur adjuvent naturel. Le tout est bien évidemment mêlé à un patriotisme intact et une bravoure inégalée. En fait, ils étaient juste quelques milliers à s'être retranchés dans les grottes et cavernes du Saghro dès le 13 février 1933. Ils fuirent l'atrocité d'un certain Henry de Bournazel, venu au secours d'un Glaoui mal aimé dans toute la région, à cause de son système féodal et ses «harkas» iniques.

La volonté des Aït Atta de rester libres était intraitable. Agé seulement de 35 ans, le capitaine Bournazel, dit le «diable rouge», allusion faite à son habituelle tunique rouge, s'était déjà bâti un nom parmi les officiers les plus en vue.

Ses carnages au Tafilalt faisaient beaucoup parler de lui dans les salons parisiens. Les martyrs marocains n'étaient ainsi que des barreaux d'une échelle censée le transporter en haut de la pyramide militaire et politique française. Ses ambitions furent excessives. Il fallait s'y attendre. Les durs combattants des tribus d'Aït Atta allèrent mettre fin à ses rêves. Et éclore de grands horizons aux épris de la liberté.

Le maître des opérations françaises sur le terrain, Bournazel, fut blessé, puis mort. Le moral de ses troupes baissa à son niveau le plus bas. L'on poussa les légionnaires à être de plus en plus offensifs. Mais, sans âme, ni conviction, leurs pertes en matière humaine se multipliaient au fur et à mesure. Certes, l'inégalité militaire est manifeste, mais la résistance n'en devint que plus farouche.

Les écrits des missionnaires, tel Gorge Spilmann, ne pouvaient venir en aide. Ils avaient certainement omis des caractéristiques intrinsèques aux populations locales.

Leur capacité à se transformer d'éleveurs et de nomades en guerriers impitoyables. Le décompte des victimes le démontrera amplement. Si les Aït Atta avaient perdu 1.300 personnes dont beaucoup de femmes et d'enfants, l'ennemi, lui, avait perdu 3.500 militaires dont 10 officiers supérieurs. Mais, un résistant n'étant point un jusqu'au-boutiste, il fallait qu'il sache aussi quand est-ce qu'on doit arrêter.

Ce fut la sagesse de l'Amghar. Assou Oubaslam qui fut nommé par feu S.M. Mohammed V, caïd sur la région d'Ikniouen avant de décéder en 1960, préserva ainsi la dignité des siens. Il écarta ainsi l'influence Glaouie et appris à d'autres résistants comment contraindre l'occupant à s'interroger sur sa légitimité.
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