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Le Collectif "Maroc des Emergences" dévoile les résultats de ses travaux de recherche sur les émergences au Maroc

Le Collectif "Maroc des Emergences" a bouclé un travail de recherche-action novateur scrutant à la loupe un ensemble d’initiatives locales ayant émergé en réponse à des besoins d’une communauté ou d’un territoire, appelées «émergences», l’idée étant d’apporter un nouveau regard et de proposer de nouvelles solutions pour un développement inclusif et durable au Maroc.

Derrière ce travail, dont l'aboutissement aura nécessité 3 années d’efforts, se tient un comité de pilotage mis en place en 2017, regroupant le centre de recherche de HEM «Economia», l’Association «Les Citoyens», la Fondation Friedrich Ebert et l’ONG internationale Oxfam. Ce collectif, constitué de chercheurs et de citoyens, a accueilli au fur et à mesure de nombreux acteurs associatifs venus apporter leur pierre à l’édifice.

Les travaux de recherche et d’analyse ont fait l’objet d’un Policy Paper dont les principaux éléments ont été dévoilés, jeudi, à l’occasion d’une conférence en ligne tenue en présence des représentants du Collectif.

Intitulé «Pour un Maroc des émergences, à la recherche d’une société inclusive et durable», le Policy Paper est, selon ses initiateurs, l’histoire d’une démarche de recherche-action dont l’objectif est de comprendre les freins au développement pour proposer des issues innovantes dans une approche d’analyse systémique qui se confronte à la complexité avec la volonté de jeter un pont entre ceux qui décident et ceux qui agissent.

«Nous ne prétendons pas présenter un cahier de charge ou des outils ou encore des facteurs-clés du développement économique et social au Maroc pour plus d’inclusion et de durabilité, mais on fournit plutôt un cadre d’analyse qui n’est que le point de départ pour d’autres projets-actions qui pourraient se pencher de manières plus pointue sur certaines émergences afin de les documenter», a expliqué Manal El Abboubi, enseignante-chercheuse à l’Université Mohammed V de Rabat, également chercheuse associée à Economia-HEM où elle coordonne la Chaire ‘’Innovation sociale des entreprises’’.

«En fait, l’objectif de ce travail de collaboration est de documenter ces formes d’émergence, non pas dans la logique de proposer un modèle de développement, mais dans la logique de mettre en lumière les différents champs de potentialités qui sont restés jusque-là non-documentés et non-considérés par les institutions dites traditionnelles», a-t-elle précisé.

«Ce travail n’a pas pour vocation de se présenter comme une solution globale à l’ensemble de la problématique du développement», a confirmé de son côté Driss Khrouz, professeur en sciences économiques, membre du comité de pilotage et coordonnateur du projet ‘’Maroc des Emergences’’. Selon lui, il s’agit plutôt de mettre en lumière un champ de potentialités laissées en friche par les politiques traditionnelles de développement où apparaissent des acteurs, des dynamiques, des ressources et des créations de valeurs économiques et sociales ayant la capacité de répondre à bon nombre d’enjeux et de défis qui se présentent à notre pays.

«La méthodologie suivie a été une recherche-action. D’ailleurs, cela fait partie de l’ADN d’Economia en tant que Centre de recherche dans la mesure où nous partons de la mobilisation du cadre de référence scientifique/académique qui existe déjà pour la compréhension des phénomènes ou des contextes que nous sommes en train d’étudier. Ceci a été le point de départ : mettre la littérature académique et les apports conceptuels, qui sont souvent indigestes, à la disposition des acteurs du terrain soit pour la compréhension ou pour l’action sur le terrain », raconte Manal El Abboubi. «Après la compréhension des phénomènes étudiés, on est passé à l’action sur le terrain à travers une équipe multidisciplinaire avec l’idée était de faire d’abord un arrêt sur l’analyse des diagnostics. Ensuite, les chercheurs impliqués se sont intéressés à des initiatives qui émergeaient dans des terrains qui, à priori, étaient très hostiles, non documentées et qui n’ont pas été l’objet d’intérêt des instances ‘’traditionnelles’’, l’objectif étant de comprendre comment ces émergences ont pris naissance, déterminer les enjeux qui les ont fait émerger et connaitre aussi la dynamique des acteurs qui ont gravité autour de ces initiatives», a-t-elle détaillé.

Le mot ‘’émergences’’ évoque une image qui convient bien à tous ces acteurs pleins de bonne volonté qui agissent avec dynamisme pour le développement de leurs communautés ou leurs territoires. «Les émergences sont tous ces acteurs qui agissent sur le terrain pour trouver des solutions là où il y a beaucoup de contraintes», a souligné Amine Belemlih, consultant et chercheur, également secrétaire général de l’association «Les citoyens» et cofondateur de Transilience Institute.

«Au départ d’une émergence, il y a un manque, un besoin, un interstice ou un espace blanc qu’une communauté cherche à combler, soit directement ou au travers les aides de l’Etat, ou encore au travers le travail d’associations. Ce besoin va générer très souvent une détresse de cette population et un délitement social. Mais dans le processus d’émergence, c’est exactement l’inverse qui se produit. Au lieu du délitement social, la communauté va se reconfigurer pour pouvoir agir face à ce besoin-là. A ce titre, l’émergence n’est rien d’autre que ce processus par lequel la communauté elle-même va prendre en charge son propre besoin et son propre destin», développe Ahmed Benabadji, consultant en stratégie, co-fondateur du Transilience Institute et co-fondateur de l’association Open Village et Open Schools.

Pour qu’une initiative aboutisse à une émergence, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : la co-construction. En effet, l’analyse effectuée dans le cadre du travail du Collectif a relevé que les émergences nécessitent une construction collective impliquant un certain nombre d’acteurs incontournables, à savoir : les leaders, les catalyseurs et les facilitateurs.

«Le processus de co-construction nécessite l’intervention de plusieurs acteurs, dont des personnes ou des institutions locales qui feront œuvre de leadership», a fait savoir Ahmed Benabadji. «Les catalyseurs sont également des acteurs essentiels dans ce processus. Ce sont souvent des individus, mais peuvent aussi être des institutions, qui arrivent dans la communauté en question et lui font découvrir un nouveau possible», a-t-il ajouté. Ces catalyseurs inspirent, apportent un regard externe et font découvrir à la communauté ses ressources et ses capacités. Quant aux facilitateurs, poursuit l’expert, ce sont toutes ces institutions locales qui vont soit financer, soit apporter des capacités parce qu’elles y ont intérêt ou dans un souci d’ordre sociétal, ou encore parce que cela s’inscrit dans leurs missions de développement d’un territoire ou d’une région.

«L’essentiel dans ces processus, c’est la co-construction qui se fait au sein de la communauté et c’est la coagulation des énergies qui se met en place et qui permet à cette communauté d’aboutir à un résultat», a-t-il conclut.

L’importance cruciale de cette dimension collaborative a également été signalée par Amine Belemlih. «On prêche en faveur de développement d’alliances entre le public, le privé, la société civile et le secteur académique car chaque acteur possède une perspective dans la problématique et peut apporter des éléments de solutions ou d’actions», a-t-il déclaré. «La difficulté réside dans le fait que ces parties viennent de logiques différentes et de mondes différents et ne savent pas très bien communiquer entre elles. C’est là l’intérêt, à l’échelle meso, de développer des espaces de dialogue et de pousser ces acteurs à se mettre ensemble, à s’engager dans l’action collective», a-t-il ajouté. Pour ce faire, a-t-il ajouté, un accompagnement s’impose : «pouvoir coordonner ces collaborations pour faire converger les intérêts, les points de vue et les approches, développer la capacité des acteurs terrain, favoriser les échanges des bonnes pratiques…, nécessite l’existence d’un maillon intermédiaire (une association, une collectivité, des clusters…) qui est très important à l’échelle meso pour favoriser ce dialogue ascendant et descendant.»

La réussite de ces émergences et tout le potentiel qu’elles représentent pour le développement du Maroc démontrent que l’enjeu, aujourd’hui, est de passer de l'échelle micro à la dimension macro pour proposer des solutions reproductibles de transformation systémique.

«Aujourd’hui, on assiste à des émergences qui sont ponctuelles, localisées, contextualisées, qui apportent beaucoup de choses aux bénéficiaires et aux acteurs. Mais l’idée est de ne pas rester dans ce panorama très éclaté d’émergences mais de pouvoir, à un moment donné, co-construire avec les acteurs dans une logique meso et de les faire dialoguer pour prendre en considération les particularités territoriales, contextuelles, voire même individuelles, des population fragilisées qui font l’objet de ces émergences, pour les faire par la suite monter en puissance», a relevé dans ce sens Manal El Abboubi.

A noter que qu’un séminaire de restitution du Policy Paper sera organisé par le Collectif «Maroc des Emergences» à destination de l’ensemble des acteurs de l’écosystème de l’entrepreneuriat social, et ce le 17 décembre courant.

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