Les sanctions américaines menacent sa "survie" mais Huawei poursuit son expansion, à l'image de son siège social de Shenzhen (sud) dont le faux village européen accueille les futurs ingénieurs du géant chinois des télécoms.
Dans le viseur depuis un an et demi de l'administration Trump, qui le soupçonne d'espionnage au profit de Pékin, le numéro deux mondial du téléphone portable continue à accroître son chiffre d'affaires et ses effectifs.
Washington a tiré une nouvelle salve la semaine dernière en annonçant une série de mesures destinées à empêcher Huawei de mettre au point des semi-conducteurs à l'étranger grâce à de la technologie américaine.
Le groupe chinois a dénoncé lundi une décision "arbitraire" et "pernicieuse" de Washington, tout en se disant désormais en mode "survie".
Mais à en croire dirigeants et employés, l'ambition du numéro un mondial des équipements 5G, la cinquième génération de l'internet mobile, est intacte.
La pression américaine "suscite naturellement des inquiétudes", reconnaît Ryan Liu, directeur adjoint de "l'Université Huawei", où sont formés les employés du groupe.
"Mais je travaille pour Huawei depuis de nombreuses années et je suis sûr que l'entreprise nous guidera sur la bonne voie", affirme-t-il à l'AFP.
Depuis que Huawei est devenu fin 2018 la victime indirecte de la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis contre leur grand concurrent chinois, les effectifs mondiaux ont crû de 180.000 à 194.000, selon la direction.
Et le chiffre d'affaires mondial a augmenté de 19% l'an dernier.
Mais les dernières sanctions américaines "auront un impact majeur sur Huawei" si elle sont effectivement appliquées, pronostique Kelsey Broderick, analyste du cabinet de consultants Eurasia Group.
Privé de puces américaines, le groupe va peiner à trouver des matériaux de remplacement en Chine, prévoit-elle.
Par le passé, Washington a, à plusieurs reprises, accordé des délais dans l'application de ses sanctions afin de ne pas pénaliser les fournisseurs américains de Huawei.
Dans ce contexte, "la question est de savoir si la mise en oeuvre des sanctions sera vraiment stricte", observe Mme Broderick.
Mais la pression risque d'être durable.
Guo Ping, président en exercice du groupe, a déclaré cette semaine que Washington redoutait de perdre son avance technologique au profit des entreprises chinoises.
Sur le campus "européen" où Huawei héberge quelque 25.000 employés, le personnel veut croire que l'animosité de Donald Trump ne fait que renforcer le groupe, fondé par un ancien ingénieur de l'armée chinoise.
Privé du système d'exploitation Android de Google, Huawei est contraint d'accélérer le développement de son propre système, HarmonyOS, dévoilé l'an dernier.
Quant aux puces, Huawei accroît ses efforts pour les faire produire par sa filiale HiSilicon.
"Ce défi (des Etats-Unis) va nous plonger dans une atmosphère de crise mais notre réponse est de bien faire notre travail, en sachant qu'il finira par payer", espère M. Liu.
Son "université" prodigue des cours de gestion ou de technologie, mais aussi une formation de 15 jours pour les nouvelles recrues, avec gym et musculation obligatoires le matin.
Plus récemment, des cours de psychologie abordent les moyens de gérer la pression induite par l'hostilité de l'Oncle Sam.
"Le monde est rempli d'incertitude et nous devons ajuster notre mode de pensée", observe M. Liu.
Les sanctions d'outre-Pacifique ont donné à Huawei un statut de héros national en Chine, mais son campus se décline en une série de "villages européens" baptisés "Paris", "Bologne" ou encore "Heidelberg", dotés d'une architecture correspondante.
Onze villages, reliés entre eux par des trains oranges et rouges, sont achevés et un douzième est en construction.
Un nouvel arrivant, Zhu Anran, 36 ans, assure que la vindicte américaine est dans toutes les têtes mais qu'il ne s'inquiète pas pour autant de la pérennité de son employeur.
"En tant que Chinois, je suis fier de rejoindre une entreprise comme Huawei".