Aujourd’hui le monde est obnubilé, ébranlé et frappé par une crise sanitaire extraordinaire. Un fléau aux conséquences fâcheuses, aussi diverses que diversifiées qui impacte inéluctablement le droit du marché au grand dam des consommateurs et incite certains professionnels a profité et user de cette situation de panique en utilisant certaines pratiques commerciales abusives et trompeuses de nature à induire en erreur le consommateur.
A cet effet, et après adoption au Maroc du décret n° 2.20.293 portant annonce de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour faire face à la propagation du Covid-19, une ruée vers les grandes surfaces et les commerces de proximité a été observée par crainte de fermeture des supermarchés, du commerce et épuisement du stock, ce qui a occasionné un approvisionnement en masse. D'où une augmentation des prix, notamment des produits alimentaires. Ainsi, nous avons remarqué une hausse des prix de certaines denrées de première nécessités parmi lesquelles des produits pharmaceutiques comme les gels hydro alcooliques, les gants, les masques de protection.
Le droit de la consommation, qui par essence se veut protecteur de l’intérêt des consommateurs qui sont fondamentalement dans une situation de vulnérabilité, dans leurs rapports avec les professionnels, a prévu des règles juridiques applicables dans ces situations de crise à travers la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur en garantissant une meilleure information du consommateur à travers la mise en place des mécanismes instaurant l’obligation de l’informer au préalable. La loi prévoit également le principe de la transparence des transactions et également un renforcement des droits du consommateur en lui permettant de déposer ses réclamations s’il remarque une hausse anormale des prix ou une pratique commerciale trompeuse de nature à l’induire en erreur, via le portail du consommateur Khidmate almoustahlik. Ces réclamations seront examinées et traitées par des enquêteurs chargés d’enquête et de la constatation des infractions relatives à la loi 31-08.
Ces enquêteurs, assermentés et menus d’une carte professionnel, mis en place par le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’économie vert et Numérique, sont habilités selon l’article 167 de la loi n°31-08 à l’établissement de procès-verbaux qui sont adressés au procureur du Roi compétent dans un délai qui ne dépasse pas 15 jours à compter de l’achèvement de l’enquête. En outre, d’autres enquêteurs représentant différents départements ministériels concernés par la protection du consommateur sont également qualifiés pour mener des enquêtes sur le terrain pour veiller au respect de l’application de la loi n°31-08.
A côté de la loi n° 31-08, le législateur marocain a mis en place une autre loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence par laquelle le Maroc a marqué un pas significatif dans le long processus de réformes visant à moderniser l’environnement juridique et institutionnel de l’économie marocain et afin de lui permettre de se mettre au niveau requis à l’internationale. Cette loi a pour objet principal de définir les dispositions régissant la liberté des prix et d’organiser la libre concurrence. Elle définit les règles de protection de la concurrence dans le but de stimuler l’efficience économique et d’améliorer le bien-être des consommateurs. Elle vise également à assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciales.
La problématique qui se pose est de savoir dans quelle mesure l’obligation d’information du consommateur par le fournisseur, mise en place par le législateur marocain dans les dispositions de la loi 31-08, est capable de protéger le consommateur face à l’augmentation des prix des produits et certaines pratiques commerciales abusives et déloyales causées par la pandémie ?
L’obligation générale d’information mise à la charge des professionnels reste l’une des disposions juridiques instaurée par le législateur marocain pour faire face à une augmentation de prix des produits et à toute pratique commerciale trompeuse de nature à induire en erreur le consommateur dans toutes les circonstances.
Dans ce sens, et selon l’article 3 de la loi, les fournisseurs doivent informer le consommateur, par tout moyen approprié, des caractéristiques essentielles du produit, du bien ou du service ainsi que son origine et la date de péremption, et le cas échéant, lui fournir les renseignements susceptibles de lui permettre de faire un choix rationnel compte tenu de ses besoins et de ses moyens[1].
La loi 31-08 prévoit à cet effet que tout fournisseur doit, notamment par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix des produits et biens et tarifs des services. Il doit également lui fournir le mode d'emploi et le manuel d'utilisation, la durée de garantie et ses conditions ainsi que les conditions particulières de la vente ou de la réalisation de la prestation et, le cas échéant, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle. Le législateur marocain a fixé le contenu de cette obligation et a précisé ses modalités par voie réglementaire.
De même, nous constatons également que l’article 4 de la loi 31-08 oblige le fournisseur a délivré une facture, quittance, ticket de caisse ou tout autre document en tenant lieu à tout consommateur ayant effectué une opération d'achat et ce, conformément aux dispositions fiscales en vigueur. En outre, tout produit ou bien mis en vente doit obligatoirement être accompagné d'une étiquette.[2]
Aussi, et selon l’article 12 de la même loi, dans tout contrat de vente, le fournisseur doit, lorsque le prix ou le tarif convenu excède un seuil fixé à 3000 DH et que la livraison des produits, biens ou l’exécution de la prestation n’est pas immédiate, préciser par écrit, la date limite à laquelle il s'engage à livrer les produits, les biens ou à exécuter la prestation au niveau du contrat, de la facture, du ticket de caisse, de la quittance ou de tout autre document délivré au consommateur.[3] A cet égard, le législateur marocain prévoit dans son article 173 de la loi 31-08 une amende de 2000 à 5000 dirhams pour les infractions aux dispositions du titre II de la même loi et ses textes d’application.
Le législateur marocain a prévu aussi dans son article 21 que toute publicité, quelle qu’en soit la forme, qui peut être reçue à travers un service de communication s’adressant au public, doit indiquer sa nature publicitaire de manière claire, sans ambiguïté et préciser le fournisseur pour lequel elle a été réalisée. Les offres promotionnelles, telles que les ventes en soldes, les primes et les loteries publicitaires, doivent particulièrement être explicites quant à leur nature.[4]
Sur le plan pénal, le législateur marocain a réprimé dans son article 174 de la loi 31-08 les infractions aux dispositions des articles 21 et 22 d’une amende de 50.000 à 250.000 dirhams. Si le contrevenant est une personne morale, il sera puni d’une amende de 50.000 à 1.000.000 dirhams.
De même, Pour l’application des dispositions de cet article, la juridiction peut demander tant aux parties qu’à l’annonceur la communication de tous documents utiles. En cas de refus, elle peut ordonner la saisie de ces documents ou toute mesure d’instruction appropriée. Elle peut en outre prononcer une astreinte de 10.000 dirhams par jour de retard à compter de la date qu’elle a retenue pour la production de ces documents.
En outre, nous remarquons que le législateur marocain a consacré dans l’article 29 un principe général de sanction de l’exploitation de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur afin de renforcer la protection des consommateurs les plus vulnérables[5].
L’abus de faiblesse ou d’ignorance est une pratique qui consiste à profiter de l’ignorance ou de la faiblesse, physique ou morale, provisoire ou permanente, d’une personne (enfants, personnes âgées, malades, etc.) pour l’inciter à s’engager dans un acte d’achat ou d’engagement. Il s'agit de personnes qui ne sont pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elles prennent, ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour les convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu’elles ont été soumises à une contrainte.
Sur le plan civil, l’engagement né d’un abus de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur est réputé nul et ne pourra produire d’effets et le consommateur conserve le droit de se faire rembourser les sommes payées et d’être dédommagé sur les préjudices subis. Sur le plan pénal, le professionnel risque un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de 1.200 à 50.000 de DH ou de l’une de ces deux peines seulement. Si le contrevenant est une personne morale, il sera puni d’une amende de 50.000 de DH à 1.000.000 de DH.
En conclusion, on peut dire que le Maroc possède aujourd’hui un arsenal juridique important en matière de la protection du consommateur capable d’assurer l’équilibre dans les relations contractuelles entre le fournisseur et le consommateur, d’instaurer les règles générales pour la protection du consommateur afin de préserver ses droits et d’assurer la transparence des transactions économiques avec le fournisseur dans toute les circonstances et surtout face à la pandémie Coronavirus ( Covide 19).
Il convient également de préciser, que le recours à la digitalisation des réclamations en matière de la protection du consommateur, via le portail www.khidmate-almostahlik.ma, est une mesure très importante réalisée par le Ministère de tutelle afin d’éviter aux consommateurs de se déplacer à l’administration pour déposer leurs réclamations et surtout dans cet état d’urgence sanitaire annoncé sur l’ensemble du territoire marocain pour faire face à la propagation du coronavirus (Covid-19).
Qu’en est-il de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence ?
Anas OUAFI
Doctorant en droit des affaires
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Textes Juridiques :
- Loi 31-08 édictant les mesures de protection du consommateur, publiée au Bulletin Officiel n°5932 du 7 avril 2011 ;
- Décret n°2.12.305 du 11 Septembre 2013 pris pour l’application de certaines dispositions de la loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, publié au bulletin officiel n°6192 du 3 Octobre 2013 (26 Kaada 1434) ;
- Arrêté du Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique n°06-14 du 02 Janvier 2014 fixant les mentions obligatoires, la forme et les modalités d’apposition de l’étiquette sur les biens et produits dans le secteur du commerce et de l’industrie, publié au bulletin officiel n° 6288 du 04 Septembre 2014.