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Quel impact économique et social du COVID-19 sur le Maroc

Quel impact économique et social du COVID-19 sur le Maroc

Par ​Said BRIBICH, Professeur Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Centre Universitaire Guelmim, Université Ibn Zohr, Agadir

 

La pandémie du COVID-19 coûtera cher à l'économie mondiale. L'économie nationale n'échapperait guère à ses répercussions désastreuses tant économiques que sociales.

À eux seuls, les chiffres du mois de mars avancés par les institutions internationales révèlent l'acheminement de l'économie mondiale vers une crise sans précédent, en raison des conséquences néfastes du COVID-19. A quel coût l’économie marocaine parviendra-t-elle à sortir de cette crise ? Quelles solutions proposées et quels plans à mettre en place pour remotiver les secteurs sévèrement atteints et redonner un nouvel essor à notre économie ?

Depuis l'annonce du premier cas du nouveau coronavirus diagnostiqué à Wuhan, en Chine, l'épidémie de COVID-19, s'est propagée à une vitesse vertigineuse.  En trois mois seulement, l'épidémie a regagné 210 pays, illustrant ainsi la globalisation dans sa facette la plus sombre. Ce qui a amené l'OMS à déclarer la pandémie mondiale et à recommander aux États de prendre des mesures de lutte et de prévention nécessaires. Or, ces mesures plus au moins drastiques d'un pays à l'autre, et qui comprennent notamment la fermeture des frontières, le confinement de la population et la cessation de plusieurs activités industrielles, commerciales ou encore touristiques, culturelles et sportives, ont porté un coup dur, jamais enregistré, à l'économie mondiale.

Aussi, sans négliger les milliers de morts déplorés quotidiennement, la pandémie précipite l'économie mondiale dans une récession inédite. À ce titre, selon les estimations des experts, le taux de croissance économique mondiale chuterait jusqu'à 2,3% par mois au cas où ce rythme de propagation persisterait. De même, les échanges commerciaux baisseraient de 13% à 32%, voire davantage, si les avions cargos restent cloués à terre, les paquebots amarrés et les transporteurs routiers à l’arrêt.

Les mesures de confinement et de fermeture prises par la plupart des gouvernements, dans leurs efforts à juguler ce fléau, ont donné un coup de frein sec à la production et à la distribution de certains produits et services, excepté quelques activités jugées indispensables.

Par ailleurs, le flou quant à la possibilité de fabriquer un vaccin efficient, le débat de la communauté scientifique et la polémique portant sur les spécificités de ce virus et sur le protocole de traitement mis en place, ne sont pas de nature à rassurer le marché mondial et les places boursières. Les pronostics quant à une prochaine embellie s'en trouvent pessimistes. L'économie mondiale doit se résigner à vivre la pire crise de son histoire. Ce climat d'incertitude a poussé le Fonds Monétaire International a simulé des scénarios pouvant être cauchemardesques, prévoyant une chute de la croissance mondiale de 2,4%. Comme les observateurs prévoient des conséquences désastreuses de cette pandémie sur l'Afrique, où elle sévirait dans les mois à venir, ils en déduisent que le taux de croissance mondiale, pris dans sa globalité, sera presque nul au dernier trimestre de cette année. Une perspective que les instances économiques n'espèrent pas vivre.

L'économie marocaine frappée par le nouveau Coronavirus

Notre économie qui commence à donner des signes de bonne santé et à miser sur le développement durable, les nouvelles énergies, l'attrait des capitaux étrangers, l'augmentation des échanges, l'assainissement du climat des affaires résistera difficilement aux retombées de cette crise sanitaire. En effet, basée sur les secteurs primaire et tertiaire, sans omettre le textile, l'industrie automobile et les nouvelles technologies, l'économie marocaine s'attend à vivre sa pire crise depuis trois décennies.

Les acteurs économiques et le gouvernement marocains doivent revoir leurs ambitions de croissance à la baisse. Ayant tablé sur un taux de croissance de 3,5 % en 2020, un rééquilibrage de la balance commerciale, notamment en vertu de la chute du prix du pétrole, et une réduction de la dette tant intérieure qu'extérieure, ils doivent se résigner à gérer un ralentissement aux coûts financiers et sociaux élevés. Selon le HCP, le Maroc est confronté au taux de croissance le plus bas jamais enregistré depuis 1999. En effet, les prévisions ont été revues à la baisse 2,3% contre 3,5 initialement prévu.

Ajouté à cela le secteur de l’agriculture qui fait face depuis des semaines à la sécheresse. Le secteur qui représente 1/3 des actifs accuse un déficit pluviométrique de 44%. Un autre secteur semble durement pâtir de la pandémie : le tourisme, un secteur vital de l’économie nationale.

Vu l'acuité du virus et les choix politiques du Maroc, au demeurant louables tant notre pays a préféré la santé du peuple à celle des affaires, recommandant le confinement de la population, décrétant l'état d’urgence et mobilisant l'armée pour contenir l'épidémie, l'activité économique s'en trouve presque à l'arrêt.

En conséquence, les chantiers de travaux immobiliers sont freinés, les manufactures et les usines désertées, l'activité des ports et aéroports très réduite, les routes et autoroutes vidées, les écoles, les universités et les mosquées fermées, les cafés, restaurants et hôtels abandonnés.  Du jamais vu.

Du coup, les rentrées fiscales seront quasiment nulles. Pareillement, les rentrées de devises générées par le tourisme et les envois des travailleurs marocains à l'étranger feront défaut.

Tous les acteurs économiques en pâtiront. Si les Multinationales n'ont que les yeux pour pleurer leurs pertes, qu'en est-il de nos entreprises, notamment PME, souffrant déjà de problèmes structurels ?

Face à ces défis sans précédent, le pays qui tente de juguler la pandémie, devrait trouver l'équilibre entre son action pour atténuer les effets sociaux et économiques de la pandémie tout en veillant à ce que l’économie soit relancée après.

De ce fait, à en croire un scénario de référence, le PIB réel reculerait de 1,5% en 2020. Sur le plan budgétaire, la pandémie aura un impact négatif sur le rythme de l’assainissement budgétaire et, à son tour, sur les besoins de financement brut et la dette. Le déficit budgétaire global devrait atteindre plus de 6% du PIB en 2020. Lequel déficit serait notamment dû à l’augmentation des dépenses sociales et économiques liées au Covid-19 et à la baisse des recettes fiscales, en particulier de l’impôt sur les sociétés. La dette de l’administration centrale pourrait, en conséquence, culminer à 73% du PIB en 2020. Le solde du compte courant devrait s’élargir à environ 7% du PIB cette année. Un net ralentissement des exportations, des recettes touristiques et des envois de fonds est prévu, car la pandémie perturbe le commerce et les chaînes de valeur mondiales.

N'épargnant aucun secteur, cette pandémie risque de reporter la relance économique sine die. L'ampleur de cette crise aura certainement et subséquemment des répercussions sociales peu réjouissantes.

Les retombées sociales du coronavirus

Si la première décennie du 21ème siècle a vu le Maroc réduire significativement de la pauvreté, les prévisions basées sur le PIB par habitant indiquent en revanche que le taux de pauvreté (en utilisant un seuil de pauvreté de 3,2 USD PPA) augmentera d’au moins environ 1 point de pourcentage ; autrement dit, environ 300 000 Marocains devraient sombrer dans la pauvreté.

Les centaines de milliers de salariés dont les entreprises mettraient du temps à redémarrer seront condamnés au chômage. L'informel et les emplois indirects, estimés à 5 millions de personnes dont l'activité dépend des entreprises structurées et rentables, désormais en difficulté, augmenteraient au pire les rangs des pauvres et au mieux affecteraient le bien-être de ceux dont les dépenses de consommation sont juste au-dessus du seuil de pauvreté. Un petit choc négatif peut ramener ce groupe dans la pauvreté.

Le pourcentage de la population « vulnérable » à la pauvreté varie en fonction des dépenses des ménages retenus comme seuil. En utilisant un seuil de dépenses de 5,5 dollars, le nombre de pauvres et de non pauvres mais vulnérables à la pauvreté est étonnamment élevé : environ 25% en 2019 et devrait augmenter à 27% en 2020. Par conséquent, en raison de la crise économique, près de 10 millions de Marocains peuvent devenir pauvres ou risquent de tomber dans la pauvreté.

Sortir de la crise, relancer l'économie et poursuivre le développement durable

Ceci n'est pas une recette mais en guise de conclusion, nous estimons que le gouvernement marocain se doit d'abord de mettre en place une politique économique et sociale de cohabitation avec cette épidémie qui risque, à Dieu ne plaise, de durer et ensuite de prévoir une sortie de crise, et pourquoi pas une nouvelle relance de l'économie nationale.

À cet égard, comme l'issue de la crise sanitaire n'est pas en vue dans l'immédiat, la stratégie de lutte contre le coronavirus gagnerait à préconiser un confinement assoupli, mais appliqué avec rigueur. Tout en multipliant les tests de dépistage et les rendre obligatoires pour tous les personnels de la santé, pour tous les agents d'autorité, pour tous les membres des comités de vigilance ainsi que pour tous les routiers, et autres salariés et commerçants bénéficiant de dérogation, il faudrait encourager les médecins, pharmacologues et scientifiques qui recherchent un traitement, comprimés notamment, à même de contenir le COVID_19.

Tout en maintenant, une distance sociale, avec le port obligatoire du masque et les mesures d'hygiène et stérilisation, certaines activités économiques devraient reprendre. Un comportement social de cohabitation avec le virus devrait être adopté.

Concernant la relance économique, il faudrait accompagner financièrement, administrativement et juridiquement les PME, seules garantes de la création des emplois. Ceci doit se faire loin des mauvais comportements, qui nous ont coûté cher, comme la bureaucratie, le népotisme, le clientélisme, la gabegie et l'incompétence ou encore la fraude et l'impunité des fraudeurs. Seule une gestion rationnelle et un contrôle rigoureux et l'application de la loi, loin de toute malversation, mèneraient notre économie et partant notre société à bon port. Avec la volonté politique et la primauté de l'intérêt général, qui rompraient avec les calculs mesquins les ressources humaines et matérielles dont dispose notre pays, nous permettront sûrement de sortir du tunnel et de poursuivre notre développement.

 

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