Les sons des guembris, qraqebs et tambours ont résonné haut et fort le 20 novembre sur Place El Menzah à Essaouira ainsi que dans plusieurs espaces de la ville. Après deux ans de suspension du Festival Gnaoua et Musiques du monde à cause de la pandémie du Covid 19, les rythmes gnaoui ont fait de nouveau vibrer l’ancienne Mogador. Cette fois, l’événement célébré est plus qu’un festival mais une consécration d’un travail sincère et acharné de plusieurs années. Il s’agit de la célébration de l’inscription des Gnaoua au patrimoine culturel et immatériel de l’UNESCO. «Longtemps marginalisée, la culture Gnaoua est aujourd’hui reconnue comme un patrimoine universel et une composante majeure de notre identité nationale. La 23e édition du Festival Gnaoua et Musiques du monde devait donc revêtir une symbolique et une force toutes particulières en raison de cette reconnaissance mondiale, mais la crise du Covid-19 nous a contraints à l’annuler.
Aujourd’hui comme hier, nous refusons de baisser les bras et de voir se taire la voix des Gnaoua, même momentanément. Il est de notre devoir de soutenir ces artistes, surtout en ces temps difficiles. De résister par l’art et par la création. C’est pour toutes ces raisons que l’association Yerma Gnaoua et la SNRT ont décidé d’unir leurs forces pour produire une émission très spéciale, une véritable célébration de la culture gnaoua», affirme Neila Tazi, présidente déléguée et membre fondateur de l’Association Yerma Gnaoua, productrice du Festival Gnaoua et Musiques du monde. 73 maâlems de tout le Maroc se sont réunis pour attirer l’attention sur la richesse de cette culture. Neuf maâlmines du Nord, 22 représentant Casablanca et Rabat, 17 maîtres de Marrakech, 15 d’Essaouira, 5 Gnaoua du Sud, 4 de Safi ont participé à cette émission originale qui sera retransmise sur Al Oula en décembre. Ce concept permet non seulement de réunir les maâlems gnaoui mais d’aller à la rencontre de tous les amateurs de la Tagnaouite et la faire connaître aussi à de nouveaux publics à travers le monde. «Grâce à ce formidable concert, nous célébrons un rêve nourri depuis la création du festival Gnaoua et Musiques du monde.
On peut ainsi permettre à ces grands artistes détendeurs d’une tradition orale ancestrale d’être reconnus. La reconnaissance de cette culture et musique est très importante pour nous Marocains, car c’est une culture populaire, africaine issue de nos racines subsahariennes et qui a un vrai rayonnement international en lien avec plusieurs cultures dans le monde. Aujourd’hui, nous allons creuser ces liens et donner plus de force à notre patrimoine et à nos talents», souligne Neila Tazi. Même son de cloche auprès de maâlem Abdeslam Alikane, directeur artistique et parmi les initiateurs du Festival Gnaoua et Musiques du monde. «Cette reconnaissance est importante pour la culture Gnaoua. Les secteurs de tutelle gouvernementaux doivent collaborer pour encourager cet art». L’ambition de ce grand maâlem est de préserver les différentes écoles de la musique gnaoua et surtout de faire un musée qui préserve la forte charge historique de tagnaouite qui inspire des artistes internationaux. Cette émission représente aussi un coup de pouce pour le tourisme local qui compte sur l’aspect culturel de la ville.
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Rappel
La quatorzième session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco a officiellement accepté, en 2019 à Bogota, la requête du ministère de la Culture pour intégrer les Gnaoua à la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette inscription, historique pour le Maroc, a été le fruit d’efforts soutenus et d’un partenariat exemplaire entre les autorités publiques, les acteurs de la société civile et les communautés des Gnaoua dans toutes les régions du pays. En vertu de cette inscription, le Maroc s’engage désormais officiellement à définir, inventorier, promouvoir et préserver le patrimoine gnaoui, encourager la recherche dans le domaine et présenter des rapports périodiques au comité en charge du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Hommages aux maîtres Gnaoua
L’Association Yerma Gnaoua a saisi l’occasion de cette émission spéciale pour continuer à honorer les maîtres Gnaoua. Une série d’événements a animé la belle médina d’Essaouira sous le thème de la reconnaissance et du recueillement. Recueillement tout d’abord avec des soirées d’hommages aux maâlems qui nous ont quittés. Et reconnaissance ensuite lors de lilas qui fêteront les grands maâlems encore vivants détenteurs de la plus pure tagnaouite. Yerma Gnaoua a organisé une soirée d’hommage à trois grands maâlems qui nous ont quittés entre 2020 et 2021, à travers des témoignages et l’organisation de lilas. Il s’agit de feu Maâlem Mahjoub Khalmous (Marrakech), feu Maâlem Abdeltif Makhzoumi (Marrakech) et feu Maalem Saïd Oughassal (Casablanca). L’association a aussi organisé trois lilas, afin d’honorer huit grands maâlems qui n’ont cessé de croire et de transmettre ce patrimoine qui fait partie de notre identité culturelle commune. Elle a ainsi organisé des lilas rbatia, chamalia et marsaouia. Une autre lila a été dédiée à la Sebtiyine, variante de l’art gnaoua, développée à Fès et Meknès, qui s’adresse aux adaptes de confession juive.