La poussée épidémique au Maroc a exercé une forte pression sur le marché des concentrateurs d'oxygène, si bien que les stocks des prestataires ont été quasiment épuisés en un temps record, sachant que faible disponibilité et augmentation des prix vont de pair.
"Il y a un manque alarmant des concentrateurs d'oxygène dans le marché marocain vu la forte demande liée à l'augmentation du nombre de cas Covid-19 au Maroc", ont alerté les acteurs du secteur.
Ces appareils, qui génèrent l'oxygène à partir de l'air ambiant, sont en effet un moyen important de traitement dans les milieux hospitalier et clinique pour les patients Covid souffrant d'une insuffisance respiratoire. Avec un coût intéressant, ils constituent une alternative aux bouteilles d'oxygène qui ont un débit limité et nécessitent un remplissage constant.
Contacté à ce sujet, Anouar Yadini, président de l'association marocaine des professionnels des dispositifs médicaux (AMPDM), a confirmé la faible disponibilité de ces dispositifs sur un marché national marqué par l'explosion de la demande.
"La totalité des stocks constitués par les entreprises avant le déclenchement de la nouvelle vague a été consommée en une semaine, celle de l'aïd", a-t-il déclaré au "Matin".
Des réserves qui, selon les professionnels, auraient pu être facilement reconstituées s'ils n'avaient pas à faire face à ce qu'ils ont qualifié de "lourdeur administrative".
A noter que les professionnels devraient disposer, à titre préventif, d'un stock qui couvre les besoins de 20% des cas en moyenne (10% des cas critiques).
Interrogé sur les prix des concentrateurs, le président de l'AMPDM a mis en avant plusieurs facteurs qui ont joué dans la hausse des tarifs, à commencer par la faible disponibilité du produit. "Actuellement, en fonction des marques et des débits, les prix se situent entre 8.000 DH (appareils 5 litres/minute) et 20.000 DH (10 litres/minute)", a indiqué le professionnel, soulignant que le tarif d'avant covid était 6.600 DH pour un appareil de 5L.
Il a également cité un autre facteur structurel, lié à la logistique, sachant que le marché marocain des concentrateurs est entièrement dépendant des importations. "En raison de la pandémie, l'importation des dispositifs ne se fait plus par voie maritime mais aérienne, un moyen qui est 15 fois plus cher", a-t-il signalé, expliquant le transport aérien a été privilégié en raison de l'urgence de la situation qui fait que les professionnels ne peuvent plus s'offrir le luxe de patienter 45 jours avant de réceptionner la marchandise.
"En 2020, il y avait un déficit mondial et nous avions eu des difficultés à nous procurer les concentrateurs auprès des fournisseurs étrangers. Mais aujourd'hui, ils sont disponibles et il ne reste que de pouvoir les importer", a-t-il indiqué.
Pour ce faire, les entreprises doivent impérativement passer par une procédure administrative d'enregistrement auprès de la Direction du médicament et de la Pharmacie qu'elles jugent longue et complexe, et qui ralentit considérablement l'approvisionnement en cette période de crise.
Le président de l'AMPDM a interpellé à ce sujet Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé, à travers un courrier envoyé mercredi dernier. Il y transmet la demande des professionnels d'être dispensés de l'autorisation en question.
Dans sa missive, le responsable a pointé la difficulté d'obtenir ces autorisations qui, bien que spécifiques et donc sensées être traitées dans les meilleurs délais, tardent trop à arriver et restent conditionnées par le dépôt physique du dossier définitif d'enregistrement, en plus du dépôt en ligne.
"Ces procédures sont l'enfer des entreprises en cette période de pandémie !", s'est-il écrié.
"Plusieurs sociétés sont toujours en attente depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour obtenir les autorisations dont les dossiers ont été déposés il y a plus de 120 jours, délai maximal accordé à l'administration en vertu de la loi 84-12", a-t-il signalé.
Pour l'instant, ces sollicitations, tout comme celles envoyées précédemment, sont restées sans réponse, nous a assuré M. Yadini.
"Malheureusement, on s'est habitué à ce silence", a-t-il déploré.
"Nous avons vécu la même situation aux mois de novembre et décembre 2020. Nous avons également envoyé à ce moment un courrier au ministère de la Santé pour demander un allègement des procédures administratives sans aucun retour de sa part", a-t-il fait savoir.
Le responsable dénombre pas moins de huit courriers adressés en 2020 au ministère pour différents types de produits (masques, toximètres, thermomètres...). "chaque fois qu'il y avait un besoin particulier, on envoyait une correspondance au ministère pour solliciter un allègement des procédures", a-t-il précisé.
L'indisponibilité des concentrateurs fait planer à nouveau le spectre d'une pénurie d'oxygène médical, élément indispensable pour la survie des patients atteints de formes graves du Covid-19.
Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, a lui même tiré la sonnette d'alarme à ce sujet à travers une circulaire adressée il y a quelques jours aux directeurs des hôpitaux et des CHU ainsi qu'aux directeurs régionaux de santé. Il y appelle les professionnels de la santé à optimiser l'utilisation de l'oxygène médical et leur fait part de plusieurs recommandations dans ce sens.
Le contenu de la circulaire laisse entrevoir l'inquiétude de la tutelle quant à la situation des réserves en cette ressource vitale, alors que le nombre des patients admis en réanimation va en croissant.