Avons-nous échoué à communiquer autour de la vaccination anti-covid et à persuader les non vaccinés de l’utilité de cet acte ? C’est la question que se pose Azzedine Ibrahimi, directeur du Laboratoire de Biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, après son plaidoyer pour le droit à la levée des restrictions pour les personnes vaccinées.
Tout en se félicitant de la réussite de la campagne nationale de vaccination anti-covid, Dr Ibrahimi évoque la frange de la population qui n’a pas adhéré à l’appel des autorités sanitaires. Ce sont en effet des milliers de Marocains qui, à ce jour, n’ont reçu aucune dose de vaccin anti-covid, ou n’ont pas complété le processus de vaccination. Les raisons peuvent être multiples, mais l’expert s’interroge si ce n’est pas le résultat d’une erreur de communication de la part des parties concernées. « D'entrée de jeu, je dois admettre que les non-vaccinés ne sont ni des ignorants ni des égoïstes, mais ils ont plutôt une certaine réticence à prendre la décision médicale qui s’impose compte tenu de la complexité de ce choix », explique Dr. Ibrahimi.
Pour lui, la majorité des non-vaccinés ne le font pas pour des raisons politiques, mais plutôt scientifiques. « La grande majorité des personnes qui hésitent à se faire vacciner n’agissent pas selon un agenda politique caché ou par complotisme, ils ont tout simplement du mal à prendre la décision », estime l’expert. Il reconnait par ailleurs que la complexité de la situation épidémiologique, l’urgence de gérer les risques de la maladie et l’impact de tout cela sur la psychologie des citoyens et des responsables, font qu’il est difficile de communiquer avec fluidité et travailler dans le sens de convaincre les hésitants à se faire vacciner.
Alors quelles sont les raisons de cet échec de communication ?
Pour répondre à cette question, Dr. Ibrahimi évoque le concept de communication sanitaire. Un volet très complexe selon lui, car il s’agit de santé publique et d’une pédagogie spéciale et adaptée. « La pédagogie de la communication sur la santé est considérée comme l'une des pédagogies les plus difficiles adressées à la population. En effet, vous pouvez discuter plus facilement de sujets de sport, politique, culture, etc. mais la communication devient difficile et sensible lorsqu'il s'agit de santé et de médecine », explique-t-il. « Cela dépend de nombreuses données scientifiques notamment. Dans ce genre de communication, la confiance joue un grand rôle entre les parties concernées, car nous parlons de la santé humaine et de son existence en tant qu'être humain », poursuit Dr. Ibrahimi. C’est en effet une nouvelle culture à construire et qui doit se baser sur une simplification des données et un dialogue direct et compréhensible de la part des spécialistes. C’est la meilleure manière de parler au grand public et de faire adhérer le citoyen ordinaire à des décisions scientifiques certes, mais qui concernent la santé publique. « Malheureusement, cette sensibilité du marketing social requiert des compétences que tous les spécialistes et responsables du secteur de la santé n’ont pas forcément », avoue Dr. Ibrahimi. Il reconnait dans la foulée que la communication institutionnelle était faible dans la sensibilisation à la vaccination. « On ne peut convaincre la population qu’en ouvrant des canaux de discussion et en utilisant des méthodes de communication efficaces. On ne peut pas se contenter des communiqués officiels du ministère de tutelle, cela ouvre souvent la porte à des interprétations multiples et contradictoires, d'autant plus que certains voient le vaccin comme une contrainte et on sait que l'individu déteste la coercition », note l’expert. Dans ces cas, la transparence sur les chiffres et les données scientifiques disponibles est exigée. « Une communication ambiguë risque de nous faire perdre notre crédibilité auprès des citoyens », alerte Dr. Ibrahimi.