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Covid-19: l'obligation du Pass vaccinal en entreprise fait débat

L’imposition, ou non, du pass vaccinal en entreprise est un sujet épineux qui fait débat. Juristes, médecins du travail, épidémiologistes et responsables RH ont des avis qui divergent. Entre ceux qui la jugent illégale et ceux qui y voient une nécessité pour préserver la santé des travailleurs, ou encore ceux qui préconisent de trouver un compromis, il est difficile de trancher.

Covid-19: l'obligation du Pass vaccinal en entreprise fait débat

L’employeur a-t-il le droit d’imposer le pass vaccinal à ses salariés pour accéder au lieu de travail ? Le débat, lancé depuis des mois dans les milieux de l'entreprise, revient en force avec l'allègement des mesures sanitaires et le retour en masse des employés aux bureaux.

Du point de vue juridique, la réponse est «non» : l’employeur n’a pas le droit de conditionner l’accès au lieu de travail à la présentation d’un pass vaccinal, affirme maître Nesrine Roudane, Managing Partner chez Roudane & Partners Law Firm et présidente de la Commission juridique et fiscale de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc. «Si, par principe, toute entreprise est libre de décider des conditions d'accès à ses locaux, l'exigence de présentation d’un pass sanitaire, à distinguer du pass vaccinal, sans l’existence d’une obligation légale sous-jacente, constitue une atteinte à la vie privée, que l’entreprise devrait au moins faire autoriser au préalable par la CNDP (Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel), puisque cela porte sur des données médicales considérées comme sensibles. Les entreprises pour lesquelles une telle approche peut être justifiée pourront obtenir l'autorisation». Dans l’intervalle, il convient, ajoute la juriste, de veiller au respect des gestes barrières et toutes les autres mesures édictées par les autorités, en attendant l’entrée en vigueur d’une obligation de présentation du pass sanitaire ou du pass vaccinal pour accéder à certains endroits, notamment le lieu de travail. Mais en l’absence d’une obligation légale en la matière, «le salarié peut refuser cette mesure et doit être informé, à l'avance, des conséquences de son acte. Il peut également faire valoir des exceptions à l'obligation vaccinale et, dans ce cas, l'employeur doit prévoir des alternatives», signale-t-elle. Par ailleurs, Me Roudane estime que l’imposition d’un pass vaccinal est conditionnée par une décision des autorités marocaines compétentes. D'un point de vue médical, l'obligation d'exiger un pass vaccinal est une évidence.

Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, est d'ailleurs très ferme sur la question : le pass vaccinal ou tout autre document attestant un parcours vaccinal complet est nécessaire en entreprise. «Il est temps de démarrer l’extension de l’usage du pass vaccinal, même si au départ le manque de moyens logistiques peut allourdir le processus de contrôle. Cette mesure incitera les retardataires à se faire vacciner pour se protéger et protéger leur entourage professionnel. Venir travailler c’est bien, mais sans présenter de risque pour les autres», a-t-il expliqué. Et d’ajouter «qu’un salarié ou un fonctionnaire n’a pas le droit de venir travailler et contaminer ses collègues en raison de son refus de prendre son vaccin anti-Covid. Les conséquences d’un manque d’engagement et de civisme sont fâcheuses non seulement pour la santé du non-vacciné et ses proches, mais également pour le système de santé tout entier». C’est dans cette perspective que «la prévention reste toujours de mise pour éviter tout risque d’encombrement au niveau des hôpitaux», a-t-il mis en garde. Toutefois, pour les non-vaccinés, l'expert indique qu'ils "peuvent continuer à travailler et à fréquenter les lieux publics en présentant des PCR négatifs de moins de 72 heures.  En d’autres termes, Un PCR tous les trois jours, c.-à-d. deux PCR par semaine. C’est aux non-vaccinés d’assumer les frais et les devoirs ». 

Dr Hamdi a par ailleurs rappelé que la situation sanitaire, qui a connu une évolution remarquable ces dernières semaines, a nécessité beaucoup d’efforts pour le Maroc. Ce qui rend nécessaire d’en tirer les leçons possibles et aller de l’avant. Le chercheur en politiques et systèmes de santé est partant pour toute mesure susceptible de rendre la situation beaucoup plus confortable.

Pour Mohammed Benouarrek, expert international en gestion des ressources humaines, «l’imposition ou non d’un passeport vaccinal professionnel reste un sujet complexe, car il convoque plusieurs registres, à savoir le légal, le déontologique et le sanitaire. L’entreprise a le devoir d’offrir un milieu de travail préservant la santé de ses salariés selon l’article 24 du Code du travail marocain. De ce fait, suivre les obligations sanitaires et les recommandations des autorités compétentes et veiller à leur application demeure une exigence. Cela dit, aller jusqu'à l’imposition de la vaccination pour accéder à ses locaux ne me semble pas adéquat, car il s’agit d’un choix personnel. Le directeur du Pôle stratégie, organisation et capital humain à Promamec recommande, par ailleurs, de créer et d’offrir des alternatives viables et fonctionnelles.

«Obliger le salarié à respecter les mesures sanitaires est un droit. Exiger qu’il soit vacciné me semble une violation de son droit de décision et de sa liberté personnelle. Certains employeurs, qui peuvent, de par la nature de leurs activités, offrir la possibilité de travailler à distance pour les salariés non vaccinés, pourraient éventuellement exiger le vaccin pour accéder à leurs locaux. Il s’agit là d’un choix ouvert pour les salariés et non d’un décision forcée pour une décision personnelle», relève-t-il. Dr Reda Benslim, médecin du travail, est plutôt favorable au renforcement des mesures préventives dans les locaux du travail, au lieu de l’imposition d’un dispositif de contrôle. Des mesures qui sont susceptibles de faire face aux effets de la pandémie, y compris le port du masque, le respect des gestes barrières, la distanciation physique, la mise en place d’équipements de protection au profit de toutes les parties prenantes. Sans oublier les campagnes d’information et de sensibilisation. «Ce sont les mêmes mesures que propose le gouvernement depuis plus d’un an et demi, tout en prenant en considération la logistique interne propre à chaque entreprise. Celle-ci devrait adapter ses mesures en gardant les lignes directrices des autorités sanitaires», recommande ce professionnel de la santé qui n’a pas manqué de rappeler le rôle central du Comité d'hygiène et de sécurité (CHS) au sein de chaque entreprise pour endiguer la propagation du virus. «Le salarié devra respecter les consignes et décision du CHS, qui compte sur son civisme. De même, les autorités devraient jouer leur rôle de contrôleur et sanctionner toute entreprise ne respectant pas les procédures mises en œuvre. Par contre, changer tout cela et le remplacer par un simple papier en croyant que ça va bloquer la Covid-19, ce serait inapproprié et une annulation franche de tout ce qu’on a acquis jusque-là !»

Par ailleurs, M. Benslim appelle à un renforcement du mode de travail à distance, en attendant l'immunité collective. À la question de savoir si un employeur peut licencier un salarié qui refuse de se faire vacciner, notre source indique que «le licenciement est la dernière étape du processus de sanctions disciplinaires prévues par le Code du travail et qu’il convient d’utiliser précautionneusement. En l’absence d’une obligation de présentation du pass sanitaire ou du pass vaccinal pour accéder au lieu de travail, le licenciement serait considéré comme abusif et exposerait l’entreprise au paiement des indemnités légales, notamment l’indemnité tenant lieu de préavis, l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts».

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