La décarbonation est un enjeu majeur pour l’avenir du Maroc comme elle l’est pour le reste du monde. C’est l’un des défis de taille qui se posent aujourd’hui à notre économie et à nos décideurs, mais elle n’en est pas moins un terreau d’opportunités.
Intervenant à l’occasion d’un débat organisé, mercredi 1er décembre, par le Policy Center For The New South (PCNS) et la Banque Mondiale (BM), celui-ci a expliqué que ces opportunités sont d’ordre social et environnemental, mais elles sont avant tout d’ordre commercial en raison des enjeux de compétitivité et d’accès aux marchés qu’elles impliquent pour le Maroc, notamment après la mise en place par ses partenaires commerciaux de certaines règles à caractère environnemental à l’exemple de la taxe carbone. «Cette volonté politique est confirmée par la stratégie nationale de développement durable qui vise à assurer une transition progressive vers l’économie verte à l’horizon 2030, mais aussi par le plan climat 2020-2030 qui constitue un cadre de convergence des politiques sectorielles pour le développement d’une politique climatique à moyen et long termes», ajoute-t-il.
La décarbonation de l’économie passe par la décarbonation du secteur électrique comme l’a assuré Fatima Hamdouch, directrice Pilotage stratégique à MASEN. Le Maroc s’est d’ailleurs inscrit dans cette conviction et a choisi de miser fort sur le développement des énergies vertes. «Le complexe Noor Ouarzazate, par exemple, permet d’éviter plus d’un million de tonnes CO2 par an, et c’est dans cette dynamique que nous inscrivons pour continuer à développer les projets d’énergies renouvelables», affirme-t-elle. «Toutefois, le secteur électrique seul, qui représente 20% de notre consommation énergétique, ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs in fine et d’accompagner notre transition énergétique», signale-t-elle, précisant qu’il faudra diriger les efforts vers d’autres secteurs énergivores tels que le transport et l’industrie.
À ce sujet, Karim Benamara, chef de service de la mobilité durable et de l’innovation au ministère du Transport et de la Logistique, fait savoir que le secteur du transport représente 38% de la consommation énergétique du pays et émet environ 20% des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du Royaume. Pour lui, toute politique de décarbonation du transport doit respecter trois principes fondamentaux, à savoir : la réduction de la demande de transport, le basculement vers un mode de transport plus propre et l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules. «Nous sommes conscients que l’avenir du transport est électrique. Il est vrai que malgré les mesures fiscales encourageant les véhicules propres, leur taux d’intégration reste très bas», regrette-t-il, précisant que le Maroc compte actuellement à peine 400 véhicules électriques et environ 9.000 véhicules hybrides en circulation.La décarbonation de l’industrie marocaine est également un enjeu qui est au cœur de la transition énergétique voulue par le Royaume. «Quand on parle de décarbonation de l’industrie marocaine, ce n’est pas du greenwashing. C’est dans l’intérêt bien compris des opérateurs qui sont installés dans le Royaume. Et c’est aussi dans l’intérêt bien compris de l’État tant sur le plan économique qu’environnemental», assure Hicham Guedira, directeur des infrastructures au ministère de l’Industrie et du Commerce, rappelant à ce titre que, selon les estimations, près de 65% des importations marocaines pourraient être impactées par la taxe carbone.
D’après les données du Centre mondial pour l’adaptation, le bénéfice net d’investir dans des infrastructures plus résilientes dans les pays à revenus faibles et intermédiaires serait de 4,2 milliards de dollars, soit un bénéfice de 4 dollars pour chaque dollar investi.«Les évidences ainsi que les expériences et les bonnes pratiques démontrent que les infrastructures résilientes et à faibles émissions de carbone ont un bon sens pour le développement», affirme l’ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, Simon Martin, soulignant qu’une infrastructure de qualité bien planifiée est essentielle à la réalisation d’avantages sociaux, environnementaux et économiques.«Le fait d’avoir une “baseline” des infrastructures dites propres avec une gouvernance efficace, une réglementation et une planification du développement urbain entameront directement une décarbonation accrue au niveau de tous les secteurs ainsi qu’un gain énorme en matière de résilience et d’adaptation», ajoute-t-il, assurant que le Maroc dispose de tous les éléments qui encouragent des infrastructures bas carbone et qui livrent des avantages pour protéger les populations et les écosystèmes.
Riccardo Puliti, vice-président pour les infrastructures à la Banque mondiale, a souligné, de son côté, la nécessité d’investir à grande échelle dans ce type d’infrastructures. «Nous savons que l’infrastructure a un prix élevé tandis que de nombreux gouvernements sont plus limités que jamais sur le plan fiscal. À ce titre, il sera essentiel de catalyser les ressources publiques et privées pour soutenir les investissements indispensables, y compris les institutions de développement internationales, pour atteindre ses objectifs», relève-t-il. Et d’insister : «Nous devons travailler ensemble, avec toutes les parties prenantes, pour un développement vert, résilient et inclusif».Selon Hicham Guedira, le rôle des infrastructures va au-delà de la question de l’énergie. «C’est une décarbonation directe, mais le Maroc pense aussi à intégrer des aspects environnementaux qui sont autant d’éléments de décarbonation indirecte», note-t-il.«Aujourd’hui, la planification des infrastructures industrielles s’appuie sur la composante énergétique. Chaque nouveau projet de zones d’accélération industrielle implique une alimentation en énergie renouvelable, et si possible une alimentation directe quand l’assiette foncière le permet», explique-t-il. Toutefois, ajoute-t-il, le ministère réfléchit plus globalement, en collaboration de la Banque mondiale, à un Label national des zones industrielles pour aller vers des parcs éco-industriels. «Il ne s’agit pas seulement d’alimenter l’industrie en énergies issues de sources renouvelables, mais aussi de maximiser l’utilisation des “Utilities” durables, de mettre en place des mécanismes de récupération de chaleur et de matériaux, d’introduire une traçabilité des déchets et de faciliter leur réutilisation et de maximiser le traitement des effluents notamment par des projets de STEP et de boues activées», détaille-t-il.
«Une infrastructure résiliente est une bouée de sauvetage pour les communautés, pour leur garantir une meilleure santé, une meilleure éducation et de meilleurs moyens de subsistance. Investir aujourd’hui dans les infrastructures vertes et résilientes est la promesse de leur construire une meilleure qualité de vie et de leur offrir de meilleurs services», conclut Riccardo Puliti.Déclaration :
Simon Martin, ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc : «Je pense que le Maroc a tous les ingrédients pour assurer une mise en œuvre réussie d’une reprise verte post-Covid»
«Les pays se remettent de la Covid-19, ils sont confrontés à de grands choix qui auront de profondes conséquences à long terme pour les populations et la planète. Nos deux Royaumes, le Royaume-Uni et le Maroc, ont entamé dans ce sens un travail pour aligner la politique d’investissement du Fonds Mohammed VI avec les nouvelles exigences des donateurs et des banques internationales de développement. Je pense que le Maroc a tous les ingrédients pour assurer une mise en œuvre réussie d’une reprise verte post-Covid, mais cela sera conditionné par un dialogue coordonné entre les donateurs et les banques de développement internationales. Je crois qu’un travail conjoint est nécessaire à tous les niveaux pour s’assurer que le capital et les contributions prévus au Fonds Mohammed VI pour l’investissement sont alignés sur l’accord de Paris et contribuent à la mise en œuvre d’infrastructures à faibles émissions et résilientes.»
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Riccardo Puliti, vice-président pour les infrastructures à la Banque Mondiale : «Nous saluons l’intérêt du Maroc pour l’initiative de transition accélérée hors du charbon et vers les renouvelables»
«Dans la région MENA, le Maroc est pionnier du fait du rôle important que joue le secteur privé en tant qu’investisseur dans la production électrique sous toutes ses formes et dans sa distribution dans les grandes villes du Royaume. Cependant, à ce jour, la production électrique au Maroc reste dominée par le charbon, malgré les efforts qui ont été faits pour investir dans les énergies renouvelables. Comme dans d’autres pays à forte dépendance du charbon, il serait bon d’étudier les moyens et les coûts pour réduire l’utilisation des centrales à charbon et accélérer leur remplacement comme source des capacités électriques de base par d’autres technologies fiables. Nous saluons l’intérêt du Maroc pour l’initiative de transition accélérée hors du charbon et vers les renouvelables, promue par les Fonds d’investissements climat, ainsi que pour son adhésion à l’initiative de suppression progressive du charbon lors de la dernière conférence à Glasgow.»