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Défis sécuritaires : Habboub Cherkaoui, le directeur du BCIJ, dit tout

Bilan de la lutte antiterroriste, enjeux sécuritaires au Sahel, coopération régionale, criminalité transfrontalière…Haboub Cherkaoui directeur du Bureau Central d'Investigations Judiciaires (BCIJ) livre dans cet entretien exclusif pour le Groupe le Matin les différentes dimensions de la question sécuritaire aussi bien dans au niveau interne qu'au niveau régional et international.

Défis sécuritaires : Habboub Cherkaoui, le directeur du BCIJ, dit tout
Habboub Cherkaoui. Ph. Saouri

Le Matin : Pour commencer, pourriez-vous nous esquisser les grandes lignes de la stratégie marocaine de lutte contre le terrorisme ?

Cherkaoui Habboub : La stratégie nationale adoptée par le Maroc en matière de lutte contre le terrorisme a été adoptée et mise sur pied au lendemain des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca qui avaient causé quelque 45 morts en plus des blessés et des dégâts matériels. Aussitôt après, sur hautes instructions de S.M. le Roi, le Royaume a conçu et adopté une stratégie nationale sécuritaire multidimensionnelle et globale basée sur une approche proactive, dont l’axe le plus important est la prévention dans le strict respect de l'État de droit et des principes des droits de l'Homme. Il ne s’agit pas d’une stratégie basée uniquement sur le volet sécuritaire, mais d’une stratégie multidimensionnelle prenant en compte les volets d’ordre socio-économique, religieux et juridique, en plus du sécuritaire.

Quelle est la consistance de chacune de ces dimensions ?

En ce qui concerne le volet juridique, cette stratégie a été consolidée par le renforcement de l’arsenal législatif par la loi 03.03, relative à la lutte contre le terrorisme, promulguée le 28 mai 2003. Ce texte, qui a été modifié en 2015 via la loi 86.14 qui criminalise principalement le fait de se rallier ou de tenter de se rallier individuellement ou collectivement à des entités et à des organisations terroristes dans les lieux de tensions… En ce qui concerne le volet socio-économique, l’on peut évoquer l’activation de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et la mise sur pied de projets assurant des revenus au profit des populations vulnérables dans le cadre de la lutte contre la précarité. Il s’agit aussi de l’activation du rôle des médias et de la société civile. On peut citer dans ce sens le rôle joué par la chaîne Mohammed VI du saint Coran qui œuvre à promouvoir un islam authentique et modéré loin de toutes pensées extrémistes. En ce qui concerne le volet religieux, on doit citer les actions de réforme du champ religieux. On peut évoquer l’instauration de l’Institut Mohammed VI de formation des imams, mourchidines et mourchidates, jouant un rôle dans la diffusion des préceptes de l’Islam du juste milieu. À ce niveau est apparu le rôle qu’a joué la femme dans la réforme du champ religieux et la lutte contre le radicalisme. Il s’agit aussi de la mise de l’ensemble des mosquées sous la tutelle du ministère des Habous et des affaires islamiques. De plus, un effort considérable a été entrepris pour l’unification de la fatwa (avis religieux) qui est de la compétence exclusive du Conseil supérieur des oulémas, présidé par S.M. le Roi en tant que Commandeur des croyants.

L’on peut parler aussi, dans ce sens, des actions remarquables de la diplomatie religieuse, notamment à travers la coopération Sud-Sud concrétisée par la création de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains. Institution dont l’objectif est de fédérer et de coordonner les efforts des oulémas marocains et africains dans le but de diffuser les percepts de l’islam modéré et de lutter contre le radicalisme. Sur le plan sécuritaire, on peut citer les actions de réorganisation des institutions sécuritaires et le développement du système sécuritaire pour suivre l’évolution exigeant de faire face au terrorisme. La création du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), le 20 mars 2015, est l’un des maillons forts de cette stratégie nationale de lutte contre le terrorisme. Ce bureau est créé en vertu de la loi 35.11 promulgué le 17 octobre 2011 (amendant l’article 20 du Code de procédure pénale), qui a conféré la qualité de police judiciaire au directeur général de la Surveillance du territoire et aux responsables de cette Direction générale et aux préfets de police. C’est ainsi qu’a été installé le BCIJ en tant que pilier important dans la lutte contre le terrorisme et le banditisme sous toutes ses formes, bureau qui relève de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Il est considéré comme le bras judiciaire de cette direction. L’ensemble des opérations se déroule en coordination avec la DGST sur la base de leurs renseignements et ceux de la DGSN ainsi que les données qu’ils parviennent à collecter et analyser.

Le BCIJ est donc une entité de nature judiciaire qui est parvenue à mener de nombreuses opérations à travers le pays, ayant donc une compétence nationale. Je dois, à ce niveau, mentionner les attributions du BCIJ précisées par la loi, notamment l’article 108 de la procédure pénale. Il est compétent en matière de terrorisme, de banditisme, de trafic de stupéfiants, de trafic d'armes et d'explosifs, d’atteinte à la sûreté de l'État, de falsification de la monnaie, d’enlèvement et séquestration d'otages, d’empoisonnement, de crimes liés à la santé publique, etc.

Dans ce cadre, quel est le bilan des réalisations du BCIJ depuis sa création en 2015 ?

Permettez-moi d’abord souligner que le BCIJ est composé de deux brigades. La première est dédiée à la lutte contre les crimes terroristes et la deuxième est spécialisée dans la lutte contre le crime organisé. Il dispose aussi d’une salle de préservation des preuves à charge, d’une unité technique, de forces spéciales d’intervention, du service d’identification de l’identité, du service de la scène du crime… Ainsi, conformément à la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et sur la base des renseignements pointus procurés par la DGST en coordination avec les entités sécuritaires concernées, sous la supervision du procureur général du Roi près la Cour d'appel de Rabat, le BCIJ est parvenu, depuis sa création en 2015, à démanteler 86 cellules terroristes. Il s’agit de 80 cellules affiliées à l’organisation de l’État islamique Daech, alors que les six autres cellules terroristes s’activaient sous les directives de ce qui est appelé Al-Istihlal wal Faye, qui considère comme légitime les activités illicites pour financer des actes terroristes. De même, le Bureau a réussi à arrêter et à présenter 1.401 individus devant la justice, dont 35 mineurs et 14 femmes, parmi lesquelles figuraient les femmes membres de la cellule terroriste féminine démantelée en 2016. Sur l’ensemble des personnes arrêtées figurent 56 individus ayant déjà été poursuivis dans le cadre d’affaires liées au terrorisme. Par ailleurs, au cours de l’année 2021, le BCIJ a mené à bien des opérations qui ont permis le démantèlement de quatre cellules terroristes. Ces opérations ont permis de déférer 65 personnes devant la justice, dont deux mineurs. Une première cellule a été démantelée, le 25 mars dernier, dans la ville d’Oujda, composée de quatre individus qui coordonnaient avec des dirigeants de Daech dans la zone du Sahel. Cette arrestation a été rendue possible grâce à la coopération internationale puisqu’il y avait un échange de renseignements entre les services américains et la DGST dans cette affaire. La deuxième cellule qui a été neutralisée, le 22 juin dernier, dans la localité de Sid Zouine (région de Marrakech), était animée par quatre personnes, également en lien avec des terroristes implantés dans la zone du Sahel. Le 14 septembre, sept membres d’une troisième cellule ont été arrêtés dans la ville d’Errachidia, ayant des liens avec Daech. Ils envisageaient de perpétrer des actes terroristes avant de se rendre en Afghanistan. La dernière cellule démantelée cette année, composée de cinq personnes, a eu lieu, le 6 octobre dernier, dans la ville de Tanger. Ce groupe avait un lien avec l’organisation terroriste Daech. Toutes les opérations menées depuis 2015 ont permis de tuer dans l’œuf les projets terroristes de ces groupes. De ce fait, nous sommes parvenus à mettre hors d’état de nuire 21 cellules en 2015, 19 cellules en 2016, neuf en 2017, onze en 2018, 14 en 2019, huit en 2020 et 4 cellules cette année.

Quelle est votre lecture du nombre de cellules neutralisées ?

Je pense qu’il faut en conclure que l’idéologie de l’État Islamique représente toujours une menace. Ce groupe terroriste cherche, sans cesse, à avoir un point d’appui au Maroc, malgré sa déroute dans la zone syro-irakienne et dans d’autres zones, mais il n’y parvient pas. En tant que responsable sécuritaire, je considère que la menace plane toujours et que les recrutements et les embrigadements se poursuivent par les groupes terroristes. Il y a aussi le terrorisme électronique qui menace la sécurité non seulement au Maroc, mais partout dans le monde. Mais le Royaume, grâce à la stratégie adoptée, arrive à faire face à ces menaces et à instaurer la paix et la sécurité. Pour cela, nous restons vigilants, tout en renforçant constamment nos capacités et en consolidant la coopération avec l’ensemble des partenaires.

Qu’en est-il des priorités du BCIJ pour la prochaine année ?

La priorité est de préserver les acquis réalisés dans la lutte contre le terrorisme et de ne pas baisser les bras, et nous ne le ferons pas. D’autant plus que nous disposons de ressources humaines bien formées, en plus des efforts de la DGSN et de la DGST dirigées par Abdellatif Hammouchi et qui tiennent à renforcer l’expertise et l’efficacité de ces ressources selon les standards de modernité et le professionnalisme les plus élevés. En effet, le produit actuel place le Maroc dans un rang de leader notamment en matière de lutte contre le terrorisme.

Partant de votre action sur le terrain, vous êtes-vous rendu compte éventuellement que le dispositif juridique qui encadre les attributions du BCIJ a besoin d’être revu pour vous permettre d’être plus efficace ?

L’une de nos priorités l’année prochaine est d’améliorer nos actions. Car notre exercice doit s’aligner sur l’évolution des crimes. Face au développement des crimes, la législation pénale doit également évoluer. Et les attributions du BCIJ pourraient être élargies à d’autres crimes comme le blanchiment d’argent, la traite des êtres humains, la violence à l’égard des mineurs… Car il peut y avoir des recoupements entre certains crimes et le terrorisme. Par exemple, la loi 86.14 a été élaborée lorsque le législateur a constaté qu’il y avait un nombre important de jeunes qui ralliaient les organisations terroristes dans les zones de tension. Donc face à l’évolution de la criminalité, il faut développer de nouveaux mécanismes de répression, y compris ceux de nature juridique et judiciaire.

Quels sont les nouveaux défis auxquels doit faire face le BCIJ ?

Il y a des défis évidents. Par exemple, ce qui se passe dans la zone du Sahel et les organisations terroristes qui s’y activent est l’un des défis auxquels nous devons faire face. C’est un danger qui plane sur toute la région et bien au-delà. Autre défi, celui en lien avec les combattants de retour des foyers de tension. Le terrorisme électronique est également un défi qui s’impose à nous. Il faut savoir qu’après les revers infligés à Daech, cette organisation a redéployé ses activités dans le Sahel, une zone avec des frontières poreuses, marquée par la précarité et la pauvreté, et la faiblesse de la coordination sécuritaire entre les pays riverains. En se redéployant dans la région, Daech rejoint une autre faction terroriste déjà active dans cette zone, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Ainsi, la zone sahélienne est devenue un espace favorable au développement des organisations terroristes. On y trouve AQMI affilié à Al-Qaïda, Jamaat Nosrat Al-Islam Wal-Mouslimin également affiliée à Al-Qaïda, Jamaat Al Tawhid Wal Jihad présente dans l’Ouest de l’Afrique, également affiliée à Al-Qaïda.

À côté de cela s’est constitué, en 2015, l’organisation appelée «l’État islamique dans le Grand Sahara», dirigée par Adnan Abou Walid al-Sahraoui avant qu’il ne soit abattu. Ce terroriste était connu comme étant l’une des figures du Front séparatiste du Polisario. La menace est donc réelle, vu le positionnement géographique et géostratégique de notre pays qui est proche du Sahel. Cela est d’autant plus vrai qu’une grande partie des jeunes du Front Polisario ont pu rejoindre les rangs des organisations terroristes où ils sont devenus très actifs. Ce danger est inquiétant, car les données montrent qu’il y a au moins 100 jeunes issus des Mokhayamat (camps de Tindouf) qui ont été recensés au sein des organisations terroristes.

De même, des faits et preuves concrètes établissent la collusion du Front séparatiste avec les groupes terroristes. Ces données sont confortées par l’existence de connexions et d’intérêts communs entre les chefs des organisations terroristes et ceux des mafias du crime organisé. Des facilités de passage qui sont accordées aux bandes criminelles et trafiquants de drogue moyennant des sommes d’argent qui servent à l’acquisition d’armements et à assurer les frais d’enrôlement et de recrutement. Cette situation représente un danger, non seulement pour le Maroc, mais pour l’ensemble des pays du Sahel, les pays du Maghreb ainsi que le reste du monde. Le terrorisme est l’ennemi de tous. Pour rappel, Adnan Abou Walid al-Sahraoui s’activait dans le triangle Mali-Niger-Burkina Faso et avait mené de nombreux attentats et visé les forces américaines. Ce qui avait poussé les Américains à prévoir une bonne prime à quiconque donnerait des informations facilitant sa neutralisation. Tout cela avant qu’il soit abattu par les forces françaises ainsi que ses proches, Aissa Sahraoui et Abderrahman Sahraoui. Donc, ce qu’il faut retenir c’est que le Sahel est devenu une zone de tension par excellence. Et dans cette zone, certaines parties assurent des moyens logistiques aux organisations terroristes.

Le Royaume du Maroc est conscient de ce danger et des défis sécuritaires qu’il implique. Le Maroc demeure vigilant tout en entretenant des relations de coopération avec les pays partenaires : les États-Unis, des pays de l’Europe ainsi que des pays arabes et africains.

Après la liquidation d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui et ses bras droits, est-ce que le danger de «l’État islamique dans le Grand Sahara» a diminué ?

Non, le danger persiste toujours et il y a de nouvelles têtes qui le dirigent dans cette zone sahélienne. Il faut dire que l’idéologie de l’organisation est restée la même et le danger est donc constant. D’autant plus qu’il y a des alliances entre les organisations terroristes ayant les mêmes objectifs de destruction et qui agissent pour que les pays soient déstabilisés. Elles visent à porter atteinte à la vie des personnes et à l’économie de l’ensemble des pays. Il faut aussi souligner que Daech a recommandé à ses partisans qui n’ont pas pu rejoindre les zones de conflit de perpétrer des attentats dans leur propres pays. Il faut donc grader présent à l’esprit la menace des «loups solitaires» que le Maroc prend très au sérieux. Nous sommes déjà parvenus à arrêter de nombreux activistes de ce genre.

Le Maroc table beaucoup sur les mécanismes de coopération et adhère pleinement aux partenariats sécuritaires. Cependant, il y a des pays qui refusent de s’engager dans cette dynamique !

En tant que sécuritaire, je dois préciser que, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le Maroc a adhéré, de manière inconditionnelle, avec les pays alliés, aux efforts de lutte globale contre le terrorisme. Cela fait d’ailleurs du Royaume une cible des organisations terroristes internationales. En effet, le Maroc a été victime des attentats du 16 mai 2003 de Casablanca, des attentats de 2007, des attentats de Marrakech…

Le Royaume s’implique donc, de manière inconditionnelle, dans les efforts de coopération internationaux. D’ailleurs, on ne peut pas faire face au phénomène du terrorisme sans une coopération englobant l’ensemble des pays. Dans cet esprit, le Maroc a signé et ratifié toutes les conventions et pactes internationaux relatifs au terrorisme. Il coopère avec l’ensemble des partenaires, que ce soit les pays occidentaux ou les pays arabes et africains. Quels que soient les différends, il faut coopérer étroitement pour faire face au terrorisme. Et les efforts du Royaume en la matière ont été salués par de nombreux pays qui, grâce à l’appui du Maroc, ont évité des attentats qui étaient en cours de préparation par des groupes terroristes. Donnons, à titre d’exemple, le cas de la France, pays qui, en 2015, a été pourvu par le Maroc de renseignements au sujet d’Abdelhamid Abaaoud, qui a perpétré les attentats du Bataclan (à Paris). Ces renseignements ont permis à la France de le localiser avec un proche parent, dans la région de Saint-Denis, où ils ont été abattus, sachant qu’ils avaient d’autres projets terroristes.

De même, la DGST a livré aux services de renseignement français, le premier avril 2021, des informations au sujet d’une ressortissante française d’origine marocaine qui envisageait de perpétrer des actes terroristes dans une église. Ce qui a permis de l’arrêter trois jours après. En ce qui concerne la coopération avec l’Espagne, pas moins de 14 opérations communes ont été menées avec les services sécuritaires. Dix opérations communes ont permis le démantèlement concomitant de 10 cellules. La coopération avec l’Espagne concerne également les commissions rogatoires.

S’agissant des États-Unis, considérés à juste titre comme un allié stratégique de longue date, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, ils ont bénéficié de renseignements dans ce sens de la part des services sécuritaires marocains qui ont livré, durant le mois de janvier dernier, aux services américains de renseignement, des informations précises au sujet du soldat américain, Cole James Bridges, qui envisageait d’attaquer des cibles à New York, notamment le mémorial dédié aux victimes du 11-Septembre. De même, les Américains ont procuré des renseignements au Maroc, notamment au sujet d’une cellule terroriste qui a été démantelée le 25 mars dernier. C’était également le cas, au cours de ce mois de décembre (le 16 décembre), concernant un individu qui portait un projet terroriste et qui a été arrêté à Salé. Ceci montre le rôle joué par le Maroc sur le plan international dans la lutte contre le terrorisme. C’est ce qui a été confirmé par le dernier rapport du département américain sur le terrorisme qui a loué les efforts du Royaume en la matière. Tout cela en dit long sur les efforts inlassables entrepris par la DGST et le BCIJ ainsi que les autres entités sécuritaires dans la lutte contre le terrorisme. Je tiens à souligner qu’il y a, sur le plan national, une coordination entre les différentes entités sécuritaires de manière horizontale et verticale. Des réunions se tiennent de façon régulière, quotidiennement, hebdomadairement et mensuellement pour prendre des décisions concertées.

Face au danger terroriste, notamment dans la région du Sahel, c’est connu, l’Algérie refuse de coopérer en matière d’échange de renseignements sécuritaires. Quelles sont les actions entreprises pour contourner cette déficience ?

Comme je l’ai dit, la DGST accorde un grand intérêt à tout ce qui concerne l’échange de renseignements et veut relever le niveau de la coopération du renseignement avec l’ensemble des partenaires. Et le Maroc, en général, agit dans ce sens. Malheureusement, le voisin algérien n’a jamais daigné coopérer. Cela persiste suite à l’arrêt de manière unilatérale de la part de l’Algérie des relations bilatérales. Je souligne, en tant que sécuritaire, que cela représente un grand danger qui va nuire à l'Algérie elle-même. Car cela contribue à fragiliser ce mécanisme de coopération internationale, notamment en ce qui concerne la lutte contre le fléau du terrorisme au Sahel, devenu un foyer de tension par excellence. Ceci va participer à la création d’un climat favorable au développement des organisations terroristes, vu la faiblesse de la surveillance des frontières et de la coopération sécuritaire dans la région. Or dans ce contexte, le Maroc est conscient de cette déficience et prend toutes les mesures nécessaires à cet égard. Que l'Algérie coopère ou non, nous redoublons d'efforts, en recherchant et en trouvant des solutions alternatives via la coopération avec l’ensemble des partenaires. Si l’Algérie accepte de coopérer, ce sera une bonne chose. Mais si elle ne le fait pas, cela ne va pas nous empêcher de poursuivre notre stratégie nationale, ni ne va nous amener à reculer face à ce phénomène, à renoncer à poursuivre notre stratégie nationale de lutte contre le terrorisme ou à baisser les bras.

Les attributions du BCIJ portent aussi sur la lutte contre le crime organisé. Quel est le bilan de vos actions à ce niveau ?

Le BCIJ agit avec la même rigueur pour lutter contre le crime organisé. Depuis sa création, le Bureau a pu saisir environ 60 tonnes de cannabis, 5 tonnes et 300 kilogrammes de cocaïne et quelque 51.174 psychotropes. Dans le même cadre, ce sont quelque 372 présumés criminels qui ont été présentés devant la justice, dont 11 femmes et 11 étrangers. Dans ce cadre, le BCIJ a diffusé 255 mandats de recherche sur le plan national et 21 mandats de recherche sur le plan international à travers Interpol-Bureau central national de Rabat ainsi que 11 ordonnances d’arrestations diffusées par le juge d’instruction. Le Bureau est également parvenu à arrêter 152 personnes recherchées. Au cours de cette année 2021, ce sont 8 personnes qui ont été présentées devant la justice, arrêtées par la brigade de lutte contre le crime organisé, relevant du BCIJ.

Et le dossier des combattants terroristes de retour des zones de conflit, comment est-il traité ?

Les combattants terroristes de retour des zones de conflit constituent un défi auquel font face l’ensemble des pays. Car le revenant, en lui-même, représente un danger pour son pays d’origine. En ce qui concerne le Maroc, il a été recensé 1.363 rentrants, depuis l’avènement de l’État islamique, dont 1.062 avaient adhéré à Daech et 10 autres ont adhéré à «ChababI Al Islam» (les jeunes de l’Islam), alors que 50 combattants avaient intégré «Fath Cham» (qui portait auparavant le nom de Jabhat Nosra-front pour la victoire). Les combattants restants avaient adhéré aux différentes autres factions. En ce qui concerne les femmes combattantes, l’on recense 291 femmes, dont 99 sont rentrées au Maroc. S’agissant des enfants des combattants, ce sont quelque 630 mineurs qui ont été recensés dans les zones de conflit, dont 82 enfants qui ont pu regagner le Maroc. Il y a aussi, dans ce cadre, les ressortissants marocains bloqués dans la zone syro-irakienne, dénombrés à environ 251 combattants emprisonnés, dont 133 incarcérés en Syrie et 12 en Irak. Parmi eux figurent des combattants ayant une double nationalité. S’agissant des femmes bloquées, elles sont au nombre de 136 combattantes, 121 ont la nationalité marocaine et 15 ont une double nationalité. En ce qui concerne les enfants bloqués, ils sont au nombre de 387.

Le BCIJ a traité les dossiers de 137 combattants de retour (sur 270 combattants). Car à leur retour, ces combattants sont arrêtés, soit sur la base d’un mandat de recherche ou sur la base de renseignements qui laissent entendre qu’ils ont des convictions en lien avec Daech ou qu’ils étaient actifs au sein d’une organisation terroriste. Sur les 137 personnes arrêtées, 115 sont revenues de la zone syro-irakienne et 14 autres étaient membres de la section de Daech en Libye, alors que 8 autres ont été rapatriées dans le cadre de la coopération sécuritaire entre le Royaume et les États-Unis. Et ce dans le cadre d’une initiative humanitaire datant du 10 mars 2019.

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