Selon la décision gouvernementale, les responsables des entreprises des secteurs public et privé sont dans l’obligation d’exiger des collaborateurs de fournir le pass vaccinal pour accéder aux espaces clos de travail. Une mesure qui fait l’objet de plusieurs interrogations, notamment chez les responsables de la gestion des ressources humaines à qui incombe la tâche de mettre en œuvre ce processus. Beaucoup d’entreprises ont déjà sauté le pas en prenant des mesures plus ou moins flexibles pour appliquer cette directive. Nous avons sondé quelques grandes entreprises pour constater comment leurs DRH gèrent cette situation, mais auparavant, nous avons recueilli l’avis de l’Association des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF). «L’AGEF soutient la décision du gouvernement de la mise en place du Pass vaccinal. D’ailleurs, elle a toujours exhorté les professionnels RH à encourager la campagne de vaccination auprès des salariés dans le secteur privé», a souligné Zakaria Rbii, président de cette association, qui rappelle que l’AGEF avait anticipé ce débat en encourageant ses adhérents à faire preuve de davantage de réactivité, de responsabilité et d’engagement pour sensibiliser à la vaccination des collaborateurs.
Au-delà de la conviction, la question du déploiement des mesures allant dans le sens de l’imposition du pass vaccinal reste problématique pour de nombreuses raisons notamment fonctionnelles et organisationnelles. À ce sujet, M. Rbii estime qu’il faut une implémentation progressive de la décision gouvernementale qui donne quelques semaines pour sensibiliser et persuader les non vaccinés à le faire rapidement. «Nous privilégions la voie du dialogue, l’esprit de responsabilité des salariés, et la communication avec les instances représentatives du personnel pour justement convaincre les personnes non vaccinées à accomplir ce devoir. De même, la multiplication des campagnes de sensibilisation est fortement recommandée pour atteindre le plus grand nombre de personnes vaccinées», indique-t-il. Toutefois, le porte-parole de la communauté RH au Maroc, regroupant des entreprises de divers horizons et secteurs d’activité, a tenu à préciser que les mesures de rétorsion comme l’interdiction forcée à accéder aux sites, la suspension du contrat de travail… sont à éviter. «Nous sommes pour une démarche de persuasion et de dialogue avant de passer à des mesures de sanction», explique M. Rbii qui nous informe que le taux de vaccination dans les entreprises adhérentes à l’AGEF dépasse largement les 90%. À la question de savoir comment les départements RH assurent le contrôle, le représentant des DRH indique que «la plupart de nos adhérents ont choisi la centralisation de l’information sur les pass vaccinaux à travers de multiples canaux, à savoir la messagerie, le WhatsApp ou le format physique. Tous les moyens sont bons pour recueillir et collecter l’information et repérer les retardataires et les récalcitrants à la vaccination». L'AGEF privilégie aussi l'implication des partenaires sociaux dans la période de sensibilisation avant de passer aux mesures restrictives vis-à-vis des salariés récalcitrants.
Ces DRH qui ont sauté le pas…
Pour y voir plus clair dans le processus de déploiement de cette mesure relative à l’obligation du pass vaccinal dans les lieux de travail, «Le Matin» a contacté un certain nombre de gestionnaires des Ressources humaines, notamment dans des institutions qui ont pris des mesures rapides pour appliquer la recommandation du gouvernement. Selon le DRH d’une entreprise opérant dans la grande distribution, qui a préféré garder l’anonymat, «la mise en place d’une telle mesure va permettre au personnel un peu réticent par rapport au vaccin de faire le nécessaire et d’accomplir ce devoir. D’ailleurs, depuis l’annonce de l’imposition du pass vaccinal, les retardataires ou récalcitrants ont fait la première dose. Ce qui nous a permis d’atteindre un taux de 97% du personnel vacciné». Notre interlocuteur estime, par ailleurs, que ce document est un des moyens efficaces pour protéger et assurer la sécurité des équipes y compris les personnes vulnérables. Ainsi, au lendemain de l’annonce du gouvernement de l’obligation du pass vaccinal, l’enseigne a recensé l’ensemble des collaborateurs non vaccinés pour les informer et les sensibiliser à l’importance de se conformer à cette nouvelle mesure. Une action, ajoute la même source, qui a donné ses fruits dans un laps de temps court. Par rapport au contrôle justifiant la prise de vaccin, notre interlocuteur indique que cette opération s'effectue dans les règles de l'art à l’entrée des locaux des établissements affiliés au Groupe. «Les salariés qui ne présentent pas de certificat vaccinal ne seront pas autorisés à entrer dans les locaux. L’entreprise leur propose des congés en attendant de régulariser leur situation sanitaire», explique la responsable. Et de noter que «l’absence à ce jour d’un texte légal ne permet pas à l’entreprise d’infliger des sanctions contre les personnes qui refusent de se faire la prise de vaccin anti-Covid». Le déploiement de cette mesure dépend également des secteurs et du mode de travail en vigueur. Pour cette entreprise qui opère dans le domaine de l’offshoring, la mise en place de l’obligation du pass vaccinal a été plus fluide. «Une grande partie de nos salariés sont maintenus en télétravail. Mais, cette option n’empêche pas les retardataires à se faire vacciner, car nous pensons à la santé publique et à l’intérêt collectif. Se protéger soi, mais aussi protéger ceux qui nous entourent est indiscutable», indique le DRH de cette entreprise.
… et ceux qui ont des réserves
Un autre DRH opérant dans le secteur des services estime, pour sa part, qu’il est important d’étendre le délai de la mise en application de la décision gouvernementale relative au pass vaccinal. «À travers l’instauration et l’imposition du pass vaccinal, le gouvernement a voulu assurer la sécurité de plusieurs millions de Marocains. Mais pour pouvoir l’opérationnaliser, l’entreprise et les départements RH ont besoin de plus de temps. En d’autres termes, l’État devait normalement informer les entreprises plusieurs semaines à l’avance pour leur permettre de prendre les mesures nécessaires, d’organiser et de gérer au mieux la vaccination des retardataires, en termes de délai et du mode de travail à adopter en attendant la prise de doses de vaccins», explique-t-il. Et de noter que l’État devait également réfléchir aux solutions pour mettre efficacement en œuvre sa décision faisant allusion à la multiplication des centres de vaccination et des vaccinodromes. Le responsable RH tenait, également, à préciser que «l’entreprise ou le DRH ne peut pas se substituer aux autres pour les obliger ou exiger d’eux d’être vaccinés ou pas. Il n’est pas du rôle de l’entreprise de rentrer dans un cadre légal ou réglementaire pour obliger les personnes à prendre le vaccin ou pas. C’est à l’État de le faire et non l’entreprise ou le DRH».