Cette année, la crise sanitaire aurait pesé encore plus lourd sur l'activité touristique qu'en 2020. A la place de l'embellie attendue lors de la saison estivale, le secteur n'a eu droit qu'à une brève éclaircie bien décevante.
"L'année 2021 se révèle plus difficile pour le secteur du tourisme que ne l'a été l'année 2020", déplore Hamid Bentahar, président de la Confédération nationale du tourisme (CNT).
"Malheureusement, on est loin d'une reprise de l'activité touristique malgré un début d'été encourageant pour certaines destinations balnéaires", a-t-il ajouté.
En effet, la saison estivale, saison de tous les espoirs, n'a pas été à la hauteur des attentes. "Cet été, les destinations et resorts balnéaires ont à peine connu une éclaircie le temps d'un mois ou d'un mois et demi. Cela a peut-être permis aux opérateurs de limiter un peu les dégâts, mais pas de faire face à 18 mois de charges", a-t-il signalé, précisant que ces destinations ne représentent que 20% de la capacité globale.
"La grande partie de la capacité au Maroc est constituée des villes impériales et des destinations du Sud du pays, qui n'ont pas connu beaucoup d'afflux, auxquelles s'ajoute le tourisme rural qui a vu son activité chuter de 90%, 80% pour les destinations culturelles", a-t-il souligné.
Sans oublier les métiers du secteur qui ont pris un coup de massue et se trouvent dans une situation très difficile cette année encore plus que la précédente. "Transporteurs touristiques, voyagistes, riads et maisons d'hôtes, hôteliers, restaurateurs... tous ont vu leurs activités subir un effet massif, fulgurant et qui dure depuis trop longtemps", a-t-il dit mot pour mot.
Selon M. Bentahar, ce sont les nationaux qui ont animé les principales destinations touristiques, sachant que le tourisme interne ne pèse que 30% dans le chiffre d'affaires du secteur. Ce chiffre a été en plus amputé de la moitié, laquelle est réalisée en temps normal grâce à différents évènements (congrès, séminaires, festivals, concerts...), et avec toute la dynamique qui se crée autour.
"On était tous optimistes au début de l'été avec les mesures qui ont été prises par les autorités du pays. Malheureusement, les nouvelles restrictions sont tombées et ont plombé tous nos espoirs", a-t-il regretté. "La mobilité inter-villes, les listes A et B des pays émetteurs, les obligations de quarantaine pour les non-résidents, les interdictions d'animation dans les établissements touristiques, les événements festifs, le couvre-feu à 21h, ... tous ces éléments ont freiné l'élan qui commençait juste de prendre place", a-t-il développé.
Ceci sans compter l'informel qui a continué de gratter d'importantes parts de marché au grand dam des opérateurs touristiques lésés.
Même le retour des MRE (Marocains résidant à l'étranger) n'a pas permis de sauver la saison touristique, bien qu'ils aient relativement allégé le poids de la crise grâce au dispositif exceptionnel mis en place pour faciliter leur retour. "Ce sont des mesures louables, nécessaires, qui ont permis aux MRE de visiter leur pays et de voir leurs familles", s'est réjoui le président de la CNT.Et pour ne rien arranger, la visibilité sur les quelques mois qui nous séparent de la fin de l'année n'est pas non plus très claire, que ce soit du côté des professionnels ou de leurs clients.
"Les opérateurs ne gèrent actuellement que des annulations pour les prochains mois. Les clients n'ont aucune visibilité pour pouvoir programmer des évènements", a-t-il fait savoir, appelant par la même occasion à la mise en place du passe sanitaire pour que les personnes vaccinées puissent accéder aux restaurants et aux lieux de loisirs en soirée au lieu de maintenir le couvre-feu.
La tutelle à l'écoute, mais...
"Du côté du ministère du tourisme, il y a une bonne écoute. Mais ce que nous attendons, ce sont des actions rapides et urgentes, qui soient à la mesure de la situation de détresse qui prévaut dans tout l'écosystème du tourisme", souligne Hamid Bentahar.
"Nous remercions la tutelle pour l'écoute et pour les efforts consentis depuis le début de l'année, mais en même temps, on l'appelle à accélérer les décisions pour sauver les acteurs du tourisme qui sont tous responsables, solidaires et mobilisés pour reconstruire l'économie et la compétitivité durable du pays", a-t-il plaidé, insistant sur l'urgence de concrétiser les dispositions du contrat-programme de soutien et de relance du tourisme qui couvre la période 2020-2022.
"Nous sommes conscients du fait que la priorité est toujours donnée à la santé et nous saluons les actions entreprises dans ce sens par notre pays. Mais nous appelons les pouvoirs publics à sauver également les emplois et les entreprises. Nous demandons au ministère de tutelle, au gouvernement et au CVE, de concrétiser le contrat-programme 2020-2022, que nous avons signé avec eux, et qui est échu depuis deux mois", a-t-il signalé.
A quand le bout du tunnel ?
Pour Hamid Bentahar, la crise a déjoué tous les pronostics et il serait difficile de prédire combien de temps la situation va durer ou comment elle va évoluer. Les plus optimistes parlent d'un retour à la normale dans deux ou trois ans, les plus pessimistes tablent plutôt sur cinq ou six ans !
"Aujourd'hui, tout ce qu'on peut faire, c'est avancer des scénarios", a-t-il affirmé. "Mais ce que l'on sait avec certitude, c'est que l'activité reprendra puisque l'envie du voyage est toujours présente et n'attend que la levée des restrictions. Partant de là, ce sont les mesures qu'on va adopter aujourd'hui qui vont façonner la reprise, ou pas", a-t-il avancé, expliquant que seuls les pays qui vont mettre le paquet sur les mesures de soutien vont pouvoir tirer leur épingle du jeu, contrairement à ceux qui n'agiront pas ou qui ne le feront pas à temps.
Et de conclure : "Si aujourd'hui on fait ce qu'il faut pour sauver les emplois et les entreprises, les acteurs du secteur seront là au moment de la relance pour soutenir la reprise d'activité. Sinon, sans acteurs, il n'y aura pas de reprise ni de relance possibles".