L'opportunité est consubstantielle à la crise. Cette réalité qui s’est vérifiée à maintes occasions s’applique bien au secteur de l’outsourcing au Maroc qui affiche de belles perspectives d'avenir à côté d’un bilan de réalisations très positif.
«Nous sommes très confiants sur les perspectives de croissance à court, moyen et long termes de notre activité», a affirmé le président de la Fédération marocaine de l'externalisation des services (FMES), Youssef Chraibi.
Intervenant à l’occasion d’une conférence organisée lundi pour présenter les perspectives et ambitions de la FMES pour 2021-2023, le président du Groupe Outsourcia fonde cette confiance sur plusieurs éléments, notamment l'accélération de la digitalisation et l’impératif pour les entreprises de réduire leurs coûts, deux tendances amenées à se prolonger dans les années à venir et qui offrent plein d’opportunités pour le secteur.
«La tendance du digital ne fera que s’accélérer et le besoin de se concentrer sur le cœur de métier va se confirmer davantage. De ce fait, le recours à des outsourceurs pour toutes les activités moins stratégiques va être plus grand», a-t-il expliqué. Outre le fait qu’en période de crise, les donneurs d’ordre ont plus besoin de solutions leur permettant de réduire sensiblement leurs coûts. «Même les clients plutôt ‘’hostiles’’ à l’’offshore vont devenir beaucoup plus intéressés par ces solutions», a-t-il assuré.
L’autre élément qui conforte le responsable dans son optimisme est en lien avec les réductions d’effectifs auxquelles ont dû recourir nombre d’entreprises durant cette période de crise. «Beaucoup d’entreprises se sont engagées dans des plans sociaux importants et elles ne vont pas forcément être prêtes à faire des embauches massives pour la relance. Elles vont ainsi se tourner vers l’outsourcing avec toute la flexibilité qu’il peut apporter», a-t-il souligné.
Côté réalisations, les indicateurs sont au vert pour ce secteur qui a enregistré une croissance significative entre 2015 et 2019, que ce soit en termes de chiffre d'affaires ou de création d’emplois. En effet, avec un total de 120.000 emplois au Maroc en 2019, l’outsourcing est le secteur le plus générateur d’emplois sur 2020 avec plus de 10.000 postes créés malgré la crise.
Les performances du secteur le placent également dans le Top 3 des activités les plus génératrices de devises, avec un chiffre d’affaires de 14 milliards de dirhams réalisé en 2019. Sans oublier le leadership confirmé des acteurs de l’outsourcing marocain au niveau régional et continental.
Ce n’est pas pour rien que le groupement des acteurs de l’externalisation des services s’est frayé une place au sein de la CGEM qu’il vient tout fraichement d’intégrer en tant que fédération statutaire. Le poids et les perspectives de développement de l’activité, la cohérence avec les objectifs stratégiques du pays et le degré de maturité de la représentation sectorielle sont les critères qui lui ont valu ce positionnement au sein de l’institution patronale.
Pour sa part, la FMES cherche à travers cette intégration à se garantir une voix au chapitre plus importante comme l’a indiqué Otmane Serraj, CFSO de Majorel. «L’ambition à travers la FMES est de s’assurer que notre voix au chapitre soit encore plus forte, d’assurer la représentativité et la collaboration avec les autres écosystèmes de manière solidaire», a-t-il déclaré.
Le responsable qui assurait la présidence de l’Association marocaine de la relation client (AMRC) avant son absorption par la FMES au mois de janvier dernier, a également indiqué que la fédération s’engage à reprendre tous les actifs, les prérogatives, les chantiers et les engagements de l’AMRC et de les honorer. «Il y aura une continuité et les engagements vont être tenus, notamment ceux pris vis-à-vis du ministère de tutelle», a-t-il affirmé, faisant savoir que des discussions sont actuellement en cours avec le ministère au sujet des dispositifs d’accompagnement relatifs aux nouveaux contrats de performance des écosystèmes offshoring. «Nous avons la volonté d’assurer la continuité d’un certain nombre de dispositifs qui ont démontré leur performance au cours des dernières années», a-t-il précisé. «Nous avons également signé des conventions avec la CNDP pour la protection des données personnelles dans un contexte de télétravail. Là aussi on fera perdurer ces engagements», a-t-il ajouté.
Le télétravail est d’ailleurs un mode que le secteur prévoit de développer davantage à l’avenir d’après Didier Manzari, DG de Comdata Maroc et Barcelone et président de la commission ‘’RH & Affaires sociales’’, l’une des cinq commissions thématiques de la FMSE. «La démocratisation du télétravail est un enjeu d’avenir et l’ensemble du secteur prévoit de poursuivre un modèle de télétravail à la post-Covid. Mais l’absence de législation encadrant ce mode de travail est aujourd’hui un point d’alerte», a-t-il déploré, précisant que le secteur a fait preuve de proactivité en soumettant des propositions dans ce sens à la commission en charge de légiférer sur la question.
Toujours dans le volet lié aux ressources humaines, Didier Manzari a fait valoir la capacité du secteur à relever les défis RH dans le contexte de la Covid-19 en déployant des solutions ayant permis de maintenir l’activité et de préserver ainsi l’emploi de plusieurs milliers de salariés. «L’un des enjeux du secteur aujourd’hui est de capitaliser sur cette image de marque employeur. On constate aujourd’hui une très forte amélioration de l’image de nos activités auprès des salariés, mais il nous appartient de porter ce message au grand public pour renforcer et valoriser l’attractivité de nos métiers», a souligné le responsable.
Il a également cité d’autres enjeux RH majeurs pour l’avenir de secteur, dont le développement de solutions RH encore plus adaptées à l’ère post-crise, l’accompagnement de la montée en compétences des collaborateurs, la rétention des talents, le réenchantement de l’expérience collaborateur ainsi que la préservation de la santé et la sécurité des effectifs.
«Notre profession a évolué en 2020 à une très grande vitesse. En l’espace de quelques semaines, il a fallu conserver l’humain au cœur de notre démarche de création de valeur qui est la seule voie viable à l’attractivité de notre secteur. Cela bien sûr avec une composante technologique très prééminente dans nos modèles et processus de travail», a relevé pour sa part Redouane Mabchour, DG de Webhelp Maroc, qui préside la Commission ‘‘Innovation’’ de la FMSE.
Celui-ci rappelle en effet que la création de valeur passe également par l’utilisation des nouvelles technologies qui vient renforcer non pas les compétences mais les capacités à délivrer des services à haute valeur ajoutée. «Ces technologies dites innovantes permettent d’optimiser le service rendu tout en réduisant au maximum la part des tâches industrialisables ayant le moins de valeur ajoutée pour l’ensemble de la chaine de valeur que nous proposons. Par ce biais-là, on peut offrir une meilleure qualité de services à nos clients, mais également permettre à tous nos collaborateurs de s’épanouir», a-t-il développé.
A cet égard, la commission a été investie d’une mission de veille à l'innovation pour anticiper les mutations et les évolutions du secteur. «Je vois cette commission comme un gouvernail avec des capteurs permettant de comprendre les tendances du marché et d’être proactif par rapport à une actualité complexe et mouvante», a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le développement des activités d’externalisation à haute valeur ajoutée fait également partie du plan d’action de la FMSE, notamment celles relatives aux branches du KPO (Knowledge Process Outsourcing). Doté d’une commission au même titre que les trois autres activités de l’écosystème outsourcing, ce type d’externalisation porte sur les activités liées au traitement de l’information de manière large (gestion des processus légaux, analyse de données, études de marchés…).
«A la différence d’autres types d’externalisation, celle-ci est difficilement ‘’standardisable’’ car elle s’appuie sur une vraie expertise», a noté Hamza Laraichi, DG de Infomineo et président de la Commission KPO. «L’inde et l’Europe de l’Est sont clairement positionnés comme des zones où cette industrie s’est largement développée, mais le Maroc représente aujourd’hui une alternative assez unique à travers son pool de talents qui est peu utilisé sur ces activités-là, son positionnement géographique, son multilinguisme, et surtout pour le sens critique de ses jeunes talents qui les distingue des géographies concurrentes», a-t-il signalé.
«Notre mission est de miser sur ces forces pour sortir du carcan le KPO et de positionner le Maroc sur le ‘’Brainshoring’’, c’est-à-dire l’externalisation des services qui requièrent un sens critique, une communication et un échange plus intensifs et intégrés avec les clients pour aboutir à des solutions adaptées», a relevé Hamza Laraichi. «Cela devrait nous permettre de monter en valeur ajoutée et de réduire un peu l’importance de notre différentiel de prix avec l’Inde et l’Europe de l’Est notamment», a-t-il conclu.