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Ferid Belhaj : La Banque mondiale envisage de maximiser ses financements au Maroc pour soutenir le nouveau modèle de développement

Pour Ferid Belhaj, le Maroc se distingue par sa vision claire des priorités et des réformes nécessaires pour une croissance inclusive. Ces chantiers prioritaires ont été déjà annoncés dans la vision transformatrice du nouveau modèle de développement et dans le programme du nouveau gouvernement. La Banque mondiale s’engage ainsi à renforcer sa coopération avec le Royaume afin d’accompagner la mise en œuvre de ces réformes qui devraient accélérer la croissance économique et le développement social du pays, eu égard à leur effet sur la productivité du travail et du capital humain. Les prochains financements de l’Institution soutiendront de nouveaux programmes liés, notamment, à la protection sociale, l’inclusion numérique et financière, la performance du secteur public et la gestion des zones côtières.

Ferid Belhaj : La Banque mondiale envisage de maximiser ses financements au Maroc pour soutenir le nouveau modèle de développement

Le Matin : Quel est l’objectif de votre visite au Maroc ? Ferid Belhaj :

Je me réjouis d’être ici et tiens à remercier le gouvernement et les citoyens du Maroc pour leur hospitalité. Entre 2002 et 2007, j’étais responsable des opérations de la Banque mondiale pour le Maroc et c’est toujours une joie pour moi d’être de retour. Cette visite confirme encore une fois le partenariat historique entre le Royaume du Maroc et la Banque et réitère notre engagement à maintenir l’importante collaboration avec le nouveau gouvernement pour soutenir son programme quinquennal. J’ai rencontré le chef du gouvernement, Monsieur Akhannouch, la ministre de l’Économie et des Finances, Madame Fettah Alaoui et des membres clés du gouvernement, ainsi que des représentants du corps académique, de la société civile et des partenaires internationaux. Nous avons discuté de l’appui de la Banque mondiale au nouveau gouvernement sur des thématiques parfaitement alignées avec les conclusions du nouveau modèle de développement (NDM). Nous avons aussi échangé autour d’opportunités émergentes pour faire avancer la coopération en maximisant l’enveloppe de financement dans le but de soutenir les réformes politiques et l’ambitieux programme gouvernemental et du NDM. Je me suis également rendu à Fès, où j’ai rencontré les responsables de la région, des universitaires, de jeunes étudiants, ainsi que des think tanks et d’autres acteurs pour discuter de la réponse aux défis climatiques et des opportunités de reprise verte au niveau régional.

Que ressort-il de vos rencontres avec le gouvernement et les différents décideurs marocains ?

Les différentes rencontres que j’ai effectuées ont été l’occasion d’échanger avec les membres du gouvernement marocain sur les priorités du gouvernement et sur le soutien que la Banque apportera dans ce cadre. Sur le plan positif, j’ai pu observer un alignement entre le long terme, autour d’une vision commune du pays incarnée par le nouveau modèle de développement, et le court terme, à travers le programme du gouvernement. Cet alignement et cette lecture commune des priorités sont primordiaux pour la mise en œuvre de réformes économiques et sociales ambitieuses pour une croissance inclusive, verte et équitable. Nous avons discuté de thématiques aussi diverses et essentielles que la nouvelle réforme de l’assurance maladie et la couverture sociale, la croissance verte et inclusive du Maroc, sa gestion de l’eau, son développement régional, sa capacité d’attirer les investisseurs et son pilotage stratégique des réformes. Dans ce cadre, la Banque a reconfirmé son engagement et son soutien au nouveau gouvernement marocain, tant via son expertise technique que ses financements.

Comment évaluez-vous le partenariat Banque Mondiale-Maroc et l’avancement des projets que votre institution finance ?

Nous sommes fiers de la qualité de notre partenariat avec le Maroc. Notre Cadre de partenariat stratégique (CPS) commun repose sur trois domaines stratégiques : (i) la promotion de la création d’emplois par le secteur privé ; (ii) le renforcement du capital humain ; et (iii) la promotion d’un développement territorial inclusif et résilient. Le CPS contribue à l’objectif global de cohésion sociale en améliorant les conditions de croissance et de création d’emplois et en réduisant les disparités sociales et territoriales. La gouvernance et l’engagement des citoyens sont les principes fondamentaux de ce cadre, avec pour thèmes transversaux les questions du genre et du numérique. Notre engagement, qui comprend un soutien technique et financier au Maroc, et que nous souhaitons en outre développer davantage avec le nouveau gouvernement, suit ces objectifs et axes stratégiques.

Quelle est votre lecture de la situation économique actuelle du Maroc ?

D’après les dernières prévisions de la Banque mondiale, on devrait assister à un rebond de la croissance du PIB réel à 5,3% en 2021, soit un des taux de croissance les plus élevés de la région MENA. Cependant, ce rythme de croissance ne sera probablement pas suffisant pour récupérer le niveau de PIB pré-pandémique qui était prévu pour 2022. Il faut par ailleurs souligner que la reprise reste inégale, et qu’elle est principalement soutenue par l’extraordinaire performance du secteur agricole à la suite d’une année favorable en termes de précipitations. Nous assistons également à une forte reprise de certaines industries, notamment de celles qui sont davantage vouées à l'exportation. En revanche, le secteur des services pourrait être plus lent à redémarrer, et l’activité touristique restera très en prise avec l’évolution de la pandémie dans le monde. Pour l’année 2022, nous prévoyons une croissance de 3,2%, en ligne avec les prévisions de la Loi de Finances. Ce ralentissement s’expliquerait principalement par un retour à une production céréalière moyenne, après l’extraordinaire performance de l’année 2021, ce qui mènera à une baisse de la croissance dans le secteur primaire. À moyen terme, nous prévoyons une accélération progressive de la croissance, sous réserve de la mise en œuvre réussie des réformes en cours envisagées par le nouveau modèle de développement. En effet, ces réformes pourraient augmenter considérablement la contribution du capital humain et de la productivité à la croissance économique, qui est restée insuffisante pendant les dernières décennies.

À votre avis, quels sont les chantiers prioritaires pour le Maroc ?

Le Maroc se distingue par sa vision claire des priorités et des réformes nécessaires pour une croissance inclusive. Cette vision et les chantiers prioritaires du pays ont été déjà annoncés dans la vision transformatrice du nouveau modèle de développement et dans le programme du nouveau gouvernement. La mise en œuvre de ces réformes devrait accélérer la croissance économique et le développement social, notamment grâce à leur effet sur la productivité du travail et du capital humain. La coordination stratégique des réformes et la digitalisation sont aussi des leviers importants pour l’implémentation réussie de ces réformes. Lors de nos discussions avec les membres du gouvernement, les questions d’aides sociales et d’assurance maladie ont été constamment abordées. À cela viennent se rajouter les objectifs de création d’emploi du gouvernement, qui devront se baser sur une croissance tirée par un secteur privé libre et compétitif, et par une plus forte participation des femmes au marché du travail.

Comment la Banque mondiale compte accompagner le Royaume pour la relance post-Covid 19 et la réalisation des principaux chantiers du nouveau modèle de développement ?

L’impact de la pandémie de la Covid-19 dans de nombreuses régions du monde s’avère très conséquent sur le développement et la croissance, du fait d’une tendance inverse négative pour nombre d’acquis en matière de développement. En effet, les emplois, la stabilité sociale et même des vies sont menacés par les effets néfastes de la pandémie. Les indicateurs de pauvreté, de croissance, d’éducation, de climat, d’inégalité, de nutrition et d’égalité des sexes se sont tous détériorés. La crise sanitaire s’avère être l’un des pires coups portés au capital humain ces dernières années. L’inflation, les pénuries d’énergie et la rupture des chaînes d’approvisionnement provoquent un nouveau ralentissement économique. Le fardeau insoutenable de la dette pèse sur le futur climat d’investissement. Dans son dernier rapport de suivi de la situation économique pour la région MENA, la Banque mondiale évalue le coût de l’impact de la Covid-19 à 200 milliards de dollars à date, une estimation découlant de la comparaison du niveau du PIB prévu de la région et du PIB dans un scénario sans Covid-19. La région MENA reste donc l’une des régions les plus touchées par la pandémie, certains indicateurs socioéconomiques restant à de faibles niveaux. En effet, la croissance était au point mort avant la pandémie, la pauvreté en hausse et le contrat social entre les citoyens et l’État sous tension. Les prévisions estiment que les économies de la région MENA connaîtront une croissance de 2,8% en 2021 comparé à 3,8% en 2020. En outre, la reprise économique devrait être à la fois ténue et inégale : le PIB par habitant, qui est une mesure plus précise du niveau de vie des populations, n’augmenterait que de 1,1% en 2021, après une baisse estimée à 5,4% en 2020. Il est à noter que le Royaume du Maroc a accordé une place centrale au développement du capital humain pour la relance post-Covid, et ce, dans le cadre des recommandations du nouveau modèle de développement. En mai 2021, en plein cœur de la pandémie, la Banque mondiale a fourni un financement de 450 millions de dollars en appui à la Phase 3 de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Ce financement vient en soutien au développement des générations montantes du Maroc, des premiers jours de la vie jusqu’à l’enseignement préscolaire. De plus, suite à l’annonce de Sa Majesté le Roi en 2020, nous travaillons également en étroite collaboration avec les autorités concernées pour la préparation d’un appui financier aux réformes en matière de protection sociale. Notre soutien comprendra en particulier les programmes gouvernementaux de l’assurance maladie obligatoire pour tous, l’universalisation des allocations familiales, l’assurance emploi et les retraites.

Qu’en est-il de votre soutien au secteur privé ?

Le soutien au secteur privé compte parmi les axes prioritaires de coopération entre le Groupe de la Banque mondiale et le Royaume du Maroc. La création d’emplois par le secteur privé constitue même le premier axe du CPS, mettant particulièrement l’accent sur l’emploi des jeunes, la croissance des TPME, l’amélioration de l’environnement des affaires, l’accès au financement et le renforcement des compétences. Le nouveau modèle de développement du Royaume a souligné l’importance d’un secteur privé beaucoup plus dynamique qui permette d’accélérer la croissance et de créer suffisamment d’emplois, notamment pour les jeunes. La Banque mondiale est parfaitement alignée sur cette position, comme souligné dans le Diagnostic du Secteur privé réalisé en 2019, qui appelle à un secteur privé plus fort, plus dynamique, porté par l’énergie entrepreneuriale des Marocains dans l’ensemble des secteurs. Cet appui de la Banque mondiale au secteur privé marocain se matérialise par des programmes de financement, une assistance technique et des rapports d’études, ainsi qu’un dialogue bilatéral continu visant à améliorer l’environnement des affaires. La Banque mondiale appuie différents domaines, tels que l’inclusion financière, l’accès au financement des entreprises, le développement de la microfinance, le marché des capitaux, le capital-investissement, la microfinance, le développement de l’entrepreneuriat et en particulier des start-ups, la numérisation de l’économie – avec tous les enjeux réglementaires associés à ces questions. Elle intervient ainsi en synergie avec la Société financière internationale (SFI), membre du Groupe de la Banque mondiale, qui apporte des prêts et fonds propres directement aux entreprises marocaines.

La Banque soutient également le Maroc dans la mise en place d’un environnement des affaires favorable à l’investissement et au développement des entreprises, notamment à travers un cadre concurrentiel et règlementaire ouvert dans l’ensemble des secteurs, qui soit propice à davantage de compétitivité et à l’émergence de nouvelles entreprises. Le cadre prévoit en outre un accès facilité et compétitif aux facteurs clés de production, notamment dans les domaines du financement, des compétences et des technologies numériques. Le numérique représente une opportunité transformationnelle pour le secteur privé marocain, comme levier d’amélioration de la compétitivité et productivité des entreprises, de création d’opportunités d’emploi, d’inclusion financière et de conquête d’opportunités d’affaires dans le monde. Nous avons un dialogue soutenu avec les partenaires marocains sur ce sujet. En 2020 et 2021, la Banque mondiale a octroyé au Maroc deux prêts de 450 millions et de 500 millions de dollars dans le cadre d’une série de trois opérations soutenant des mesures visant à améliorer l’inclusion financière et numérique des ménages et des entreprises, avec une attention particulière aux populations les plus vulnérables et ce, dans le cadre de la réponse nationale à la crise de la Covid-19. Ces mesures comprennent par exemple la réforme du cadre de la microfinance au Maroc, le développement de la micro-assurance, la réforme de la Caisse centrale des garanties (désormais Société nationale de garantie et de financement de l’entreprise), la création d’un cadre juridique favorable aux startups ou l’accès accru des PME marocaines à la commande publique.

Quels sont les prochains financements et interventions de la Banque Mondiale pour le Maroc ?

Notre portefeuille actif compte 22 projets incluant des prêts d’investissement, des prêts de développement de politique, ainsi que des dons en faveur du Royaume. Le volume total du portefeuille actuel, chiffré à plus de 5 milliards de dollars, confirme l’importance de notre engagement au Maroc, qui n’a cessé d’augmenter de manière significative au cours des dernières années. Au début de la pandémie de Covid, la Banque Mondiale avait approuvé un prêt pour la restructuration, auquel est venu s’ajouter un financement additionnel de 35 millions de dollars pour le Programme d’appui à la santé axé sur les résultats en réponse à la crise de la Covid-19, ayant comme objectif de renforcer la détection, la surveillance et la gestion des cas. Notre institution a également pu mobiliser un financement de 275 millions de dollars en soutien au Royaume pour la gestion du risque de catastrophes naturelles – telles que la pandémie de Covid-19. En étroite collaboration avec les départements ministériels concernés, de nouveaux projets sont en cours de préparation en vue d’accompagner le Maroc dans la mise en œuvre du programme du gouvernement, tout en gardant le lien avec les recommandations du nouveau modèle de développement. Notre champ d’intervention pour les années à venir reste très riche et diversifié, à travers notamment une multitude d’opérations dans des domaines liés à l’assurance maladie et à la protection sociale, à l’inclusion numérique et financière, en soutien à la performance du secteur public, à la gestion des zones côtières et en soutien à une meilleure efficacité de l’eau dans l’agriculture. La Banque mondiale offre également au Maroc toute son expertise et travaille étroitement avec le gouvernement au niveau technique pour l’élaboration d’études analytiques substantielles couvrant un large éventail de secteurs.

 

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