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Laïla El Andaloussi : «La justice fiscale et une meilleure redistribution des richesses sont une priorité pour le nouveau gouvernement»

Composition du gouvernement, parité, justice fiscale, redistribution équitable des richesses… Laïla El Andaloussi, experte-comptable, dirigeante du cabinet ABS Consulting et présidente de Wimen, revient sur les chantiers du prochain gouvernement pour une relance économique post-Covid.

Laïla El Andaloussi : «La justice fiscale et une meilleure redistribution des richesses sont une priorité pour le nouveau gouvernement»

Après le parachèvement du processus électoral et la constitution de l’alliance gouvernementale, le Maroc franchit la dernière ligne droite pour la formation du nouvel exécutif et pouvoir ainsi poursuivre les grands chantiers nationaux. «L’alliance tripartite RNI-PAM-PI, qui a le pouvoir sur pratiquement toutes les instances politiques, donnait à penser que le gouvernement serait rapidement formé, mais le Chef du gouvernement désigné avait souligné qu’il allait prendre son temps pour mettre en place les compétences qu’il faut et surtout pour renouveler les élites en choisissant plus de jeunes et plus de femmes», souligne souligne Laïla El Andaloussi, experte-comptable, dirigeante du cabinet ABS Consulting et présidente de Wimen.

Selon l’invitée de L’Info en Face, «le véritable enjeu aujourd'hui est là, désigner les postes ministériels est un exercice assez délicat, surtout quand il faut renouveler l’élite et choisir les compétences pour une rupture avec le passé», estime Laïla El Andaloussi. Car les citoyens attendent beaucoup de ce nouveau gouvernement. «On aimerait voir un gouvernement de technocrates, de gens compétents, de managers de la chose publique, ce qu’on n’a pas vu jusque-là», affirme la présidente de Wimen, notant qu’il n’y a pas de différences entre les femmes et les hommes pour avoir les capacités intellectuelles et assumer une telle fonction. «Il est temps qu’on fasse preuve d’un courage politique, d’exemplarité et d’éthique», a-t-elle relevé.

Et d’ajouter que les enjeux pour les Marocains sont d’avoir un gouvernement compétent qui va mettre en place un dispositif permettant d’évaluer les actions des politiques publiques. S’agissant de la répartition des portefeuilles ministériels dans le respect de la parité, l’invitée de L’Info en Face rappelle qu’il y a eu une volonté politique lors des dernières élections en mettant en place de nouvelles lois, notamment en substituant des listes régionales à des listes nationales. «Ces changements ont permis à plus de femmes d’être élues aujourd'hui. Il y a plus de femmes au Parlement, mais malheureusement 90 sont passées par la discrimination positive et seulement 6 ont été élues directement. Maintenant, je comprends qu’il n’y ait pas de parité parfaite au sein du gouvernement, mais le plus important est que les femmes ne soient pas limitées à des postes considérés comme subalternes», a-t-elle souligné. Pour la dirigeante du cabinet ABS Consulting, le fait d’avoir un Chef du gouvernement qui a réussi dans les affaires constitue un signal fort. «Cela me paraît légitime, car si M. Akhannouch a pu développer une entreprise, il a aussi les capacités de gérer un gouvernement avec les méthodes et les outils nécessaires».

Et de noter que si on réussit dans le monde des affaires, c’est qu’on a forcément les prérequis nécessaires et les qualités pour réussir dans la politique et pouvoir donner le cap avec beaucoup de succès. «Les prémices du programme du prochain gouvernement ont été présentées lors de la campagne électorale, à travers les programmes et les promesses qui ont été mis en avant. Il y a aussi les axes du nouveau modèle de développement et la loi-cadre sur la fiscalité qui est passée. Pour moi, le plus important est d’aller vers plus d’assouplissement des restrictions sanitaires et de mettre en place une politique volontariste pour accompagner les entreprises opérant dans les secteurs en souffrance comme le tourisme», déclare l’experte-comptable, et ce même s’il y a une rigueur budgétaire à respecter et qui a été inscrite dans la note de cadrage de la loi de Finances. «Trouver les ressources pour financer la relance est une véritable problématique qui se pose, pas uniquement au Maroc, mais à travers le monde. D'un autre côté, le volet fiscal est considéré comme un levier important de mobilisation des fonds. Ce levier devrait participer au financement des politiques publiques et améliorer la vie des citoyens à travers la justice fiscale et une meilleure redistribution des richesses», affirme Laïla El Andaloussi, précisant que la note de cadrage a également insisté sur le renforcement du financement des petites entreprises, en activant davantage le produit de financement «Intelaka», mais aussi à travers la mise en place de deux nouveaux produits destinés aux autoentrepreneurs et aux startups. «On compte aussi sur le Fonds Mohammed VI pour l’investissement qui fait partie des priorités de la note de cadrage et qui est doté d’un capital de 15 milliards de DH. Ce Fonds se décline sous forme de société anonyme pour améliorer la transparence et la performance. Maintenant, il faut trouver les 30 milliards de DH qui restent, par la levée de fonds auprès d’institutionnels marocains ou étrangers pour atteindre 45 milliards de DH. Ce n’est peut-être pas suffisant, mais c’est quand même un budget assez important et qui va être considéré comme un levier de financement de grands projets, dans le cadre d’un partenariat public-privé», souligne l’invitée de L’Info en Face.

Concernant la volonté d’élargissement l’assiette fiscale, l’experte-comptable affirme que beaucoup de tentatives ont été menées au cours des 15 dernières années pour combattre l’informel et imposer les petits contribuables. «On est arrivés à mettre en place, l’année dernière, ce qu’on appelle la contribution libératoire pour les professionnels afin de les encourager à intégrer le secteur formel et bénéficier de l’assurance. Mais je pense que la question de l’informel est culturelle et que cela va prendre beaucoup de temps, d’où le besoin d’avoir également des mesures dissuasives», a-t-elle indiqué. Ces mesures ne doivent pas être appliquées sur les contribuables en situation de précarité, mais plutôt sur les grandes entreprises qui sont aujourd'hui dans l’informel et qui méritent que des sanctions soient prises à leur encontre. Par ailleurs, Laïla El Andaloussi rappelle que la loi-cadre sur la fiscalité apporte plusieurs changements, qui devront être alimentés par les partis qui forment la majorité gouvernementale et qui avaient annoncé une série de mesures dans leurs programmes.

«Une réforme fiscale doit être conçue dans le cadre d’une vision qui intègre un certain nombre de modifications. Il y a, entre autres, la réduction de la pression fiscale sur les revenus moyens, le réaménagement du barème de l’impôt sur le revenu (IR) pour plus de progressivité et surtout la réforme et la remise en cause de la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), tout en s’orientant vers sa réduction» a-t-elle précisé, ajoutant qu’il y a également la question de la généralisation du remboursement du crédit TVA pour les entreprises et la fixation d’un taux unique de l’impôt sur les sociétés autour de 25% pour harmoniser la fiscalité. «Les entreprises souhaitent bénéficier d’un environnement favorable, susceptible de leur permettre de sortir des difficultés dans lesquelles elles se trouvent et d’aller vers plus d’investissement et de croissance, et la fiscalité pourrait constituer un obstacle, chose qu’on n’espère pas», a-t-elle conclu.

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