Conjoncture économique mondiale oblige, l’invité de L’Info en Face, Jad Benhamdane a été interrogé d’abord sur la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. «Cette hausse trouve son origine dans deux ou trois principaux facteurs, d’abord le niveau de production pétrolière et de gaz en deçà des attentes. Ensuite, le redémarrage de l’économie chinoise et des économies américaine et européennes n’a pas tardé à se traduire par un certain décalage entre une reprise vigoureuse de la demande et une offre qui ne suit pas. Enfin, un autre élément non négligeable est celui des tensions logistiques, qui ont fini par propulser les frets maritimes à des niveaux qui n’ont jamais été atteints auparavant» a-t-il expliqué.
Le responsable analyse économique et sectorielle au centre d’Intelligence économique de Bank Of Africa et écrivain explique que cette situation était prévisible, à un certain degré, vu qu’il y avait un rattrapage à faire. «Aujourd’hui, il y a beaucoup de vases communicants, on est dans un contexte tellement défragmenté et mondialisé que ça finit par toucher tout le monde. On est tous exposé à des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, à une inflation importée, à des coûts de production galopants, donc tôt ou tard cette hausse devait se produire», a-t-il affirmé. Et de noter que selon les prévisions, cette hausse devrait se poursuivre pour certains produits jusqu’à juin 2022. S’agissant des mesures à mettre en place pour faire face à cette situation, l’expert en intelligence économique estime qu’il est nécessaire d’accélérer la transition vers un nouveau cycle plus favorable à l’économie décarbonée, à l’économie numérique, à la valorisation locale et la recherche et développement. «Il y a un certain essoufflement de la croissance du PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat, tant par son rythme que par sa capacité transformatrice. Le Maroc doit s’atteler à relever des enjeux de taille», a-t-il souligné.
Le premier a trait à la gouvernance, car il faut s’assurer de la régularité de l’autoévaluation des politiques et des dispositifs verticaux et de leur ajustement. Le deuxième est celui de la diversification des secteurs et de la sophistication de la production. Pour l’invité de L’Info en Face, l’enjeu est de transformer ce moment en tournant pour notre économie afin de rester visible sur les radars internationaux. Car aujourd’hui, il y a une bonne réactivité, encore faut-il que les chantiers et les réformes soient débloqués, notamment en matière de transition écologique.
«Les autorités ont clairement affiché leur volonté de développer les énergies renouvelables, de réduire les émissions de gaz à effets de serre et d’accompagner la décarbonation du tissu industriel. Il s’agit là d’autant d’éléments de nature à nous rassurer quant aux engagements écologiques du pays et qui nous permettraient non seulement de sécuriser l’accès de nos exportations aux marchés étrangers, mais aussi de nous positionner comme base arrière et zone d’approvisionnement crédible de proximité vis-à-vis des pays qui auront fait le choix de relocaliser une partie de leur industrie perdue», a-t-il précisé.Dans ce sens, l’expert fait observer que si les potentiels de recyclage et de valorisation s’élèvent à 20%, seuls 7% des déchets sont valorisés à ce jour. «Le succès, in fine, dépendra du déblocage, au plus vite, des chantiers et réformes réglementaires ayant trait à l’efficacité énergétique, à l’économie circulaire, mais aussi aux basse et moyenne tensions. Sur ce dernier point, on est conscients qu’il y a un arbitrage à faire, d’une part sur les impératifs de décarbonation industrielle et d’autre part sur les intérêts de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, des régies communales et des différents investisseurs privés. Mais le temps presse, il va falloir trouver des solutions», a-t-il alerté.Outre ces aspects, Jad Benhamdane affirme qu’il faut encourager la production locale des composants entrant dans le cadre des énergies renouvelables. «Le modèle d’intégration locale dans l’automobile peut être transposé à n’importe quel autre secteur, il suffit d’avoir l’ambition, les mesures incitatives, etc. Je pense aux pales d’éolienne, aux panneaux photovoltaïques et aux différents composants des chauffe-eaux solaires, où on compte trois ou quatre opérateurs industriels dans cet écosystème. Il serait opportun de s’y atteler avec plus d’acuité», a-t-il précisé.
Par ailleurs, l’invité de L’Info en Face souligne que l’économie marocaine doit miser sur la recherche et développement pour franchir un nouveau palier. «Nous consacrons moins de 1% de notre PIB à la R&D. Espérons que la mesure qui concerne le crédit impôt recherche dans le projet de loi de Finances 2022 passe. Parce que si elle est validée, elle sera perçue comme un vrai facteur d’impulsion économique», a-t-il conclu.