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L’élève gladiateur ...

Les gladiateurs de la Rome antique étaient des prisonniers ou esclaves, de grande valeur marchande, formés dans des écoles appelées « Ludus gladiatorius ». Ils vivaient dans de dures conditions, s’entrainaient et se perfectionnaient en permanence dans le but de survivre au spectacle de l’amphithéâtre, dont ils sont les victimes ou les vedettes. Le plus chanceux, survit, accumule les victoires au fil des ans et peut finir par mériter la liberté.

L’élève gladiateur ...

Kamal El Alami, Directeur Général Adjoint Groupe Le Matin

Dans ces temps modernes, nos écoles forment une nouvelle génération de gladiateurs où le stylo remplace le glaive, les programmes chargés et les cours de soutien forgent l’endurance et la performance. De même, l’admission au cycle de formation désiré est une victoire et l’obtention du diplôme final est synonyme de délivrance et de découverte d’un nouveau mode de vie.

En effet, les moyennes obtenues au bac se sont nettement améliorées pour atteindre des niveaux incroyablement culminants et avec une densité élevée. La barre d’admission dans les différents cursus postbac devient de plus en plus haute et engendre une grande pression chez les élèves et leurs parents. Ainsi, malgré tous les efforts consentis au préalable, seule une minorité d’étudiants arrive à accéder à l’école ou la faculté de son choix.

En réalité, mêmes des étudiants incapables de décrocher leurs choix au Maroc, arrivent à réussir à l’étranger, voire, à se distinguer face à des étudiants issus de systèmes plus souples et plus empathiques. Ainsi, le lauréat de l’école marocaine, forgé dans un processus rigoureux, s’épanoui facilement dans un environnement propice.

Cependant, l’approche « concurrence » et « mérite » de notre cursus d’enseignement cultive aussi le stress et l’abandon scolaire. Elle peut aussi générer la discrimination et la frustration de ne pas pouvoir percer quand on n’a pas les moyens de se perfectionner et de mieux se préparer à l’arène. De même, elle ne permet pas de développer cinq qualités et compétences essentielles au développement du Maroc du 21ème siècle.

D’abord, cultiver la curiosité chez nos enfants afin que l’enseignement soit en harmonie avec la vie pratique quotidienne. D’ailleurs, la curiosité amplifie l’attention et renforce l’ancrage de l’apprentissage.

Ensuite, développer l’esprit critique qui renforce la capacité de discernement des citoyens de demain et les prépare à mieux vivre l’âge de la surinformation et de la désinformation.

Troisièmement, renforcer les valeurs de la citoyenneté à travers, l’empathie, la fierté d’appartenance et le rôle de chaque citoyen dans le développement de la nation.  Cette approche est incontournable pour la cohésion de la société et surtout l’acceptation et le respect de l’autre, indépendamment des origines et du rang social.

Quatrièmement, inclure l’éducation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dès le plus jeune âge, que ce soit sur les différents applicatifs courants comme les réseaux sociaux, les différents usages pratiques tels que les outils bureautiques, ou encore le codage. Ce savoir est devenu aujourd’hui indispensable quelle que soit la discipline choisie, alors qu’auparavant il faisait partie des spécialités, au même titre que les études de droit ou de médecine. 

Enfin, la communication, qui dépasse les simples compétences d’écriture et de lecture, donne à nos enfants le moyen de mieux exposer et défendre leurs idées, de s’épanouir dans les domaines qui les passionnent et surtout d’assumer avec joie et performance un rôle dans le développement du Maroc de demain.

En résumé, il serait utile de définir une nouvelle courbe de valeur de l’enseignement, qui n’est pas incompatible avec la réforme en cours du système d’éducation, dont elle peut être le complément, afin d’améliorer « l’expérience client » de l’élève, notamment, à travers une matrice ERAC ou grille des quatre actions qui permet d’analyser les choses à Exclure, à Renforcer, à Atténuer ou à Créer dans le cursus pédagogique actuel. Il faudrait aussi faire le même exercice pour l’amélioration de « l’expérience prestataire » de l’enseignant, qui demeure un acteur incontournable de la réussite.

La réforme, à centrer donc sur l’élève et l’enseignant, n’est certes pas facile, mais elle devrait intégrer des approches éprouvées dans le monde des entreprises, notamment, clarifier la vision, analyser l’existant et adopter une approche agile en fixant des objectifs intermédiaires atteignables et mesurables. Ceci sans oublier une conduite du changement auprès de toutes les parties concernées, y compris les parents, afin de les faire toutes, adhérer à la transformation. Le processus doit être aussi itératif avec une démarche « Lean » d’amélioration continue afin d’accompagner les fortes évolutions technologiques de notre époque.  

L’objectif final étant de répondre à la question : Quel marocain voudrait-on avoir demain, ou comment passer d’un dispositif qui forme des élèves gladiateurs aux fortes compétences individuelles à un autre qui prépare des élèves citoyens, épanouis et compétents avec un fort potentiel de contribution au développement du pays ?

 

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