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Mariage des enfants : Encore trop d’exceptions à la règle !

L’engagement du Maroc pour la lutte contre le mariage des enfants est une évidence. La réduction progressive du nombre des demandes déposées chaque année le prouve. Cependant, malgré tous les efforts entrepris, cette pratique demeure une réalité quotidienne de milliers d’enfants mariées avant l’âge de 18 ans, ce qui les empêche de profiter pleinement de leurs droits et les embarque dans une vulnérabilité sociale dévastatrice.

Mariage des enfants : Encore trop d’exceptions à la règle !

Le mariage des enfants est un fléau qui a la peau dure. Selon les dernières statistiques du ministère public, les tribunaux marocains ont reçu 19.966 demandes d’autorisation pour des mariages de mineures en 2020 et 13.335 ont été acceptées. La tendance est certes baissière, mais en dépit les efforts fournis par les autorités et la société civile depuis des années, le phénomène touche encore des milliers d’enfants chaque année au Maroc.

La mise en place d’actions socio-juridiques pour faire face au mariage coutumier des enfants est aujourd’hui nécessaire. C’est ce qu’ont affirmé les participants à un séminaire organisé, mercredi dernier à Casablanca, par l’UNFPA, l’UNICEF et ONU Femmes, en partenariat avec l’association INSAF.

Tenue sur le thème «Regards croisés : le mariage coutumier des enfants, une réforme juridique nécessaire», cette rencontre a été l’occasion de mettre l’accent sur les efforts déployés par le Maroc à travers les différents départements ministériels et les acteurs de la société civile pour l’éradication du mariage des enfants en général et le mariage coutumier en particulier, pratique néfaste qui impacte la sécurité et la dignité humaine des filles. «Les filles en particulier dans les villages enclavés du monde rural ont peu de chance de poursuivre leurs études.

L’éloignement des collèges et le manque d’internats les condamnent à rester chez elles et à faire face au danger lié au travail et au mariage précoce», a déploré, lors de ce séminaire, Meriem Othmani, la présidente d’INSAF. «Si nous abordons le problème des mariages coutumiers, nous nous rendons compte avec effroi des conséquences désastreuses pour la vie des enfants nés de ces unions et de la précarité juridique imposée aux femmes», a-t-elle ajouté.

Le représentant de l’UNFPA au Maroc Luis Mora a, quant à lui, affirmé qu’il est possible de mettre fin au mariage d’enfants. «En 2019, l’UNFPA a publié une étude conjointe avec l’Université Johns Hopkins, en collaboration avec l’Université de Victoria, l’Université de Washington et Avenir Health, estimant le coût de l’éradication du mariage d’enfants dans 68 pays où se produisent près de 90% de ces mariages. Les chercheurs ont conclu que le coût pour mettre un terme au mariage d’enfants dans ces pays d’ici à 2030 s’élèverait à seulement 35 milliards de dollars, soit environ 600 dollars pour faire annuler le mariage d’une enfant», a-t-il déclaré. «À l’instar des actions déployées à grande échelle, nous pouvons apporter des solutions concrètes, fondées et probantes pour la lutte contre le mariage d’enfants, et de manière durable, pour la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des adolescentes», a poursuivi Luis Mora.

De son côté, Leila Rhiwi, Représentante de l’ONU Femmes au Maroc, a rappelé les résultats de l’enquête de prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles du Haut-Commissariat au Plan de 2019, où on apprenait que parmi les femmes mariées, divorcées ou veuves, 31,5% ont été victimes de mariage précoce avant l’âge de 18 ans. «Ce taux est de 41% dans le milieu rural. Aussi, parmi les femmes âgées de moins de 35 ans, ce taux s’élève à 27,8% et il est de 26,9% parmi celles âgées de 35-59 ans. Ces chiffres d’incidence nationale du phénomène sont préoccupants et montrent que le mariage d’enfants et de mineures est une pratique persistante, répandue dans notre société et, surtout, qui perdure à travers les générations malgré la réglementation légale de l’âge à 18 ans», se désole Rhiwi. La représentante de l’ONU Femmes au Maroc a également souligné qu’à l’image du Maroc, de nombreux pays autorisent des exceptions aux lois qu’ils ont adoptées sur l’âge minimum du mariage. Et d’insister : «Si l’existence de lois est nécessaire et est source de transformation des sociétés, elle doit être accompagnée d’un travail en profondeur de changement des mentalités. Car les lois et normes font, dans de nombreux cas, l’objet de résistance, comme c’est le cas pour le sujet du mariage des enfants». 


Questions au représentant du Fonds des Nations unies pour la population au Maroc (UNFPA)

Luis Mora : «La pandémie de Covid-19 a donné lieu à de nombreux mariages supplémentaires»

En 2020, les tribunaux marocains ont reçu 19.966 demandes d’autorisation pour des mariages de mineures, selon le ministère public et 13.335 ont été acceptées. Comment pouvons-nous expliquer la persistance de ce phénomène au Maroc malgré les efforts fournis depuis des années pour le vaincre ?

Tout d’abord, il faut souligner que le mariage des enfants persiste partout dans le monde comme une pratique courante. Malgré une baisse progressive au niveau global, des centaines de millions de filles sont concernées par cette pratique néfaste.

Si le Maroc peut se féliciter de la baisse considérable du nombre de filles mariées avant 18 ans pendant les dernières années, la vigilance collective ne doit pas baisser. Selon des rapports d’ONG, ces mariages traditionnels représentent une part non négligeable des mariages d’enfants. Il ne faut pas oublier non plus l’impact de la crise due à la pandémie de la Covid-19 sur l’enregistrement des mariages des enfants.

Par ailleurs, les bouleversements économiques liés à la pandémie auraient aussi rendu les filles et leurs familles plus vulnérables aux stratégies d’adaptation préjudiciables, notamment au mariage d’enfants. Au niveau mondial, on estime que la pandémie de Covid-19 aurait donné lieu à 13 millions de mariages d’enfants supplémentaires au total.

Sans oublier que malgré cette baisse des chiffres, le nombre de femmes et de filles mariées avant 18 ans et encore en vie aujourd’hui reste élevé et nécessite une action conjointe pour mieux cerner cette problématique.

Les agences onusiennes UNFPA, UNICEF et ONU Femmes ont développé un partenariat stratégique avec l’ONDH pour lutter contre le mariage précoce, pouvez-vous nous en parler plus en détail ?

À l’instar des actions déployées à grande échelle, l’UNFPA apporte des solutions concrètes, fondées et probantes pour la lutte contre le mariage d’enfants, et de manière durable, pour la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des adolescentes.

Au Maroc, l’ONDH conduit une étude en partenariat avec l’UNFPA, l’UNICEF et ONU Femmes, et ce pour rendre compte, dans un premier temps, de la situation du mariage précoce, et pour éclairer, dans un second temps, les instances concernées sur ses causes et ses conséquences. L’étude va aussi proposer des recommandations pour la conception des réformes et des politiques publiques à même de mettre fin à cette pratique.

Cette action permettra de comprendre et connaitre l’ampleur du phénomène ainsi que ses formes et ses déterminants avant d’évaluer ses effets et de proposer des solutions sur la base de la mise à disposition d’un outil basé sur des données probantes de plaidoyer, en impliquant l’ensemble des partenaires concernés.

L’UNFPA agit aussi de concert avec le Conseil national des droits de l’Homme pour améliorer les connaissances sur le mariage des enfants à travers l’élaboration d’une étude spécifique sur les autorisations accordées par les juges aux affaires familiales. Nous travaillons aussi ensemble pour renforcer la mobilisation communautaire autour d’un engagement collectif avec l’ensemble des acteurs des différentes régions du Maroc visant l’éradication du mariage des enfants.

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