«Les troisièmes Assises sur la fiscalité ont produit une loi-cadre de programmation fiscale sur les cinq prochaines années. Notre souhait est de changer de système fiscal pour évoluer vers un système plus équitable, plus juste, orienté vers le développement et qui intègre les principes de bonne gouvernance fiscale», explique Mohamadi Rachdi El Yacoubi, président du cercle des fiscalités du Maroc (CFM). Pour l’invité de L’Info en Face, les dernières lois de Finances ont repris certaines recommandations issues de ces Assises, notamment la mise en conformité par rapport à la fiscalité internationale, en relation avec les exigences de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le réaménagement de l’impôt sur les sociétés (IS), ainsi que l’amélioration du système fiscal qui régit les TPME et qui a abouti à l’installation du régime de contribution professionnelle unique (CPU).
Dans le détail, Mohamadi Rachdi El Yacoubi note que la principale mesure fiscale adoptée par ce PLF est le réaménagement de l’impôt sur les sociétés pour abandonner la progressivité et revenir à la proportionnalité. «Quand on regarde le benchmark international, c’est vrai que la règle c’est un taux unique et proportionnel au niveau de l’IS. La progressivité était une innovation au Maroc, la question est pourquoi avoir opté pour ce système pour ensuite revenir en arrière. Cette décision est mal perçue, car elle instaure, encore une fois, une instabilité dans le système fiscal. Il fallait, dès le départ, ne pas mettre en place la progressivité», a-t-il indiqué. Pour l’expert, l’instabilité est à proscrire dans un système fiscal, car les investisseurs nationaux et étrangers ont besoin de stabilité pour faire leurs prévisions, ainsi que d’un système incitatif pour les attirer.
S’agissant de l’impôt sur le revenu (IR), l’invité de L’Info en Face déplore l’absence de mesures concrètes. «Le réaménagement des étages et des taux de l’IR est une attente qui existe depuis plusieurs années, mais malheureusement rien n’est fait à ce niveau. On continue à avoir un taux qui atteint 38%, ce qui est relativement élevé. Il est vrai que l’essentiel des recettes de l’IR provient des salaires, mais il est temps de réformer ce barème, d’autant plus qu’il touche de larges couches de la société», a-t-il souligné. Selon le président du CFM, il faut chercher d’autres moyens que les recettes fiscales pour financer le Budget de l’État et la sortie de crise : «Il faudrait que nos politiques réfléchissent à d’autres leviers que les recettes fiscales actuelles et cherchent des techniques modernes d’endettement, notamment la gestion active de la dette et le développement des partenariats public-privé. Aujourd’hui, le levier fiscal a ses limites et on le voit, d’où le besoin d’une réforme du système fiscal qui va appuyer la croissance et favoriser l’investissement productif et créateur d’emplois». L’enjeu étant de pousser le contribuable à plus d’adhésion à l’impôt et de lutter, de manière adéquate, contre l’incivisme fiscal.