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Mohammed Benmoussa : «Si nous n’arrivons pas à produire annuellement 6% de croissance économique, nous ne relèverons pas les défis du NMD à l'horizon 2035»

Programme gouvernemental, nouveau modèle de développement (NMD), relance économique… Mohammed Benmoussa, membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) et vice-président de l’association DAMIR, fait le point sur les enjeux pour l’actuel gouvernement.

Mohammed Benmoussa : «Si nous n’arrivons pas à produire annuellement 6% de croissance économique, nous ne relèverons pas les défis du NMD à l'horizon 2035»

La mise en œuvre du nouveau modèle de développement est le plus grand défi à relever par l’exécutif, mais comment va-t-il réussir ce challenge ? «Le programme gouvernemental essaye d’épouser les grandes orientations du nouveau modèle de développement et y parvient dans un domaine très important qui est celui de l’État-Providence, l’État social», affirme Mohammed Benmoussa, membre de la CSMD et vice-président de l’association DAMIR. En revanche, l’invité de L’Info en Face regrette que d’autres dimensions du rôle de l’État soient occultées dans ce programme, à savoir l’État stratège, l’État régulateur et l’État investisseur/développeur. «Ces trois autres dimensions de l’État me semblent considérablement occultées dans le programme gouvernemental», a-t-il indiqué.

Il note également une absence d’indications sur les sources de financement de ce programme, en indiquant qu’il va falloir attendre la lecture de la loi de Finances 2022 pour avoir une idée sur le mode de financement pour la mise en œuvre de ce programme. Cependant, il alerte sur la possibilité de tomber dans quelques «erreurs économiques» et «défauts d’ambition». Un de ces défauts d’ambition est celui du rythme de la croissance économique, estimée à 4%, et qui est manifestement insuffisant pour relever les défis du NMD, estime M. Benmoussa. «Si nous n’arrivons pas à produire annuellement, sur une quinzaine d’années, 6% de croissance économique, nous ne relèverons pas ces défis, incontestablement», fait savoir le membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement.

En matière d’approches du programme gouvernemental et du NMD, l’invité de L’Info en Face rappelle que le NMD met en priorité à la fois la transformation structurelle de l’économie nationale sur le moyen et long terme et les mesures d’urgence à mettre en œuvre à court terme. «Le NMD essaye de construire l’avenir de notre pays sur quinze ans, tout en étant préoccupé par les besoins urgents du moment. Le gouvernement a vocation à préparer les bases du Maroc de 2035», a-t-il déclaré, rappelant que l’un des fondements du NMD est la déconstruction de l’économie de la rente, un sujet qui ne figure pas dans le programme gouvernemental actuel.

«La CSMD a répondu au cahier des charges qui a été fixé par S.M. le Roi. Nous avons proposé une transformation de notre modèle de développement. Le programme gouvernemental a plutôt vocation à impulser un regain de croissance, même si ce dernier est marginal par rapport aux enjeux, d’une part, et d’autre part à appuyer le trait sur le rôle de l’État social, c’est très insuffisant», a-t-il affirmé.

S’agissant de la question financement de la relance économique, Mohammed Benmoussa note l’absence de la question de l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement dans le programme gouvernemental. «Il était nécessaire d’annoncer la démarche de levée des fonds, la doctrine d’investissement, les secteurs et les entreprises cibles, la nature des investisseurs à mobiliser et les relations financières, c’est ce qui devrait normalement figurer sur le programme. Attendons de voir la déclinaison sur le projet de loi de Finances et si ce n’est pas le cas, il faudra s’inquiéter sérieusement», a-t-il indiqué. Et d’ajouter qu’il faut activer les leviers de financement de la politique gouvernementale tel que préconisé par le NMD, à savoir la réforme fiscale, la maîtrise et la rationalisation de la dépense budgétaire, la refonte de la politique budgétaire, la rationalisation, la modernisation et l’amélioration de la performance financière des établissements et entreprises publics, la réforme de la politique monétaire, la mobilisation des financements à travers le système bancaire et les marchés des capitaux, la mobilisation des partenariats internationaux, et la rationalisation de la gestion de la dette publique.

«Il faut actionner tous ces leviers de financement, sinon nous ne serons pas en capacité d’atteindre les 6% de croissance réelle, annuelle, continue sur 15 à 20 ans et nous ne serons pas en capacité de financer les 100 à 120 milliards de DH de besoins additionnels annuellement en régime de croisière», a-t-il assuré. Pour l’invité de L’Info en Face, la loi-cadre sur la réforme fiscale ne va pas permettre la levée des 45 milliards de DH de recettes fiscales immédiatement, ni les 120 milliards de DH, parce qu’elle renferme un certain nombre de failles. «L’actuel gouvernement doit corriger les erreurs de la loi-cadre sur la réforme fiscale qui n’affiche pas la volonté de mobiliser le plein potentiel fiscal de l’économie nationale. C’est un axe stratégique du NMD et il n’y a pas un mot sur ce sujet dans la loi-cadre. Il n’y a pas, non plus, l’institution de l’impôt sur la solidarité sur les fortunes non productives. Aussi, la rationalisation des dépenses fiscales est énoncée comme principe, mais on ne pose pas le principe de la limitation des dépenses fiscales dans le temps», a-t-il précisé.

Par ailleurs, le membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement a souligné que l’enjeu en matière de l’impôt sur les sociétés (IS) est d’élargir l’assiette fiscale et de lutter contre l’évasion et la fraude fiscale, même s’il faut effectivement une baisse du taux. «La loi-cadre sur la réforme fiscale dit que le gouvernement doit baisser progressivement le taux de l’IS et la pression fiscale en termes d’impôt sur le revenu (IR) et elle s’arrête là. Nous, au niveau de la CSMD, nous disons que la baisse du taux de l’IS ne doit pas être conditionnée par l’élargissement de l’assiette, parce que cela voudrait dire, d’une part, que les contribuables vertueux sont otages de ceux qui fraudent l’administration fiscale et, d’autre part, nous disons que la baisse de la pression fiscale sur l’IR doit être immédiate, avec une première tranche élevée, les tranches intermédiaires allégées et une tranche supérieure marginale plus importante, ce que la loi-cadre ne dit pas», a-t-il indiqué. Et d’ajouter que la priorité du gouvernement doit être de soutenir une croissance économique inclusive qui crée de l’emploi décent pour les Marocains.

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