Lundi 20 décembre, les tribunaux dans diverses régions du Royaume étaient paralysés. Et pour cause, les avocats qui refusent le pass vaccinal imposé par le ministère de la Justice, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et la présidence du ministère public. Une note conjointe de ces trois entités avait en effet institué l'obligation de présenter ce document pour accéder aux tribunaux. Les avocats, qui estiment qu’ils n’avaient pas été consultés, rejettent cette mesure qui selon eux compromet le droit d’accès à la justice.
Les avocats sont passés à l'action. Ayant refusé de présenter le pass de vaccination à l'entrée des tribunaux, ils n'ont pas pu y accéder. En conséquence, de nombreuses juridictions du Royaume ont été bloquées ce lundi 20 décembre et la plupart des audiences programmées ont dû être reportées. Les barreaux marocains avaient décidé de ne pas présenter le carnet de vaccination à l'entrée des tribunaux et avaient appelé leurs membres à faire preuve de solidarité. Ils ont même chargé des représentants de s'assurer que les avocats ne présentent pas le pass vaccinal.
Le weekend dernier, l'ensemble des barreaux a publié des communiqués réitérant le refus de l'obligation du passeport vaccinal et appelant les avocats à ne pas s'y conformer. Les raisons invoquées par les robes noires tiennent principalement à leur marginalisation lors de la prise de cette décision, comme nous pouvons le lire dans le communiqué de l’Ordre des avocats de Casablanca. Cet Ordre exprime, en effet, son rejet catégorique «des mesures discriminatoires relatives à l'imposition du pass vaccinal pour accéder aux tribunaux» et y voit une véritable atteinte aux droits et libertés qu'un système judiciaire indépendant, libre et équitable se doit de protéger. Contacté par «Le Matin», Me Naoui Saïd du barreau de Casablanca affirme approuver les termes du communiqué, soulignant qu’«il est inacceptable de mettre à l'écart un corps qui pèse si lourd dans le domaine de la justice». «Nous avons simplement été informés de l'entrée imminente de cette mesure sans être associés à son élaboration ni à la discussion de toutes les dimensions qui y sont liées, notamment celles relatives à la prise en charge des cas présentant des troubles graves après une vaccination», indique Me Naoui. «On aurait pu exiger un pass sanitaire au lieu du pass vaccinal, mais pour cela, il faut envisager une solution aux coûts élevés des tests PCR», ajoute-t-il. Bon nombre d’avocats marocains, qui tiennent à l'accès à la justice en tant que principe constitutionnel et juridique, ne voient dans ce pass obligatoire qu'un moyen d'obliger les gens à se faire vacciner, alors que les autorités ne cessent d'affirmer que la vaccination était un acte volontaire.
Quel impact sur les justiciables ?
Quel impact cette paralysie des tribunaux aura-t-elle sur les affaires en cours et sur les justiciables, eux-mêmes obligés de présenter un pass vaccinal ? D'après une source au sein du ministère de la Justice qui a requis l'anonymat, si ce bras de fer entre les avocats et les trois entités perdure, cela se répercutera certainement sur le traitement des affaires portées devant les tribunaux, toutes instances confondues, lequel traitement est déjà lent et entraîne un encombrement des dossiers.