Après la publication du rapport sur le nouveau modèle de développement du Maroc, l’effervescence créée par les élections générales et l’annonce des engagements du nouvel Exécutif dans son programme gouvernemental, citoyens et entreprises attendaient ce premier PLF de la législature actuelle avec impatience, et espéraient y trouver les premières mesures «choc» pour amorcer le changement. Finalement, beaucoup ont trouvé ce PLF peu audacieux : pas de mesures fiscales phares en faveur des ménages et des opérateurs économiques, pas de réallocation majeure des ressources vers les secteurs sociaux, aucune annonce sur l’augmentation des salaires dans certaines professions... Un problème de timing, vu les élections, ce PLF ayant été préparé par le gouvernement sortant et à peine retouché par l’actuel ? Ou un problème de financement, compte tenu du creusement du déficit budgétaire et de l’endettement public avec la crise Covid ?
Les deux ministres en charge de l’Économie et des finances ont été clairs : les variables de l’équation du PLF sont connues. Il s’agit de revenir à un niveau de déficit budgétaire soutenable, stabiliser la dette publique, tout en mettant en place les mécanismes pour booster la croissance économique et les créations d’emplois, et en finançant les réformes sociales. «Un projet de loi de Finances n’est pas la solution à tous les problèmes. Il ne peut répondre à toutes les ambitions. C’est un outil de l’État à côté d’autres politiques publiques qui doivent tous converger pour atteindre les objectifs. De plus, il faut construire sur la durée, ce PLF n’est que le premier de cette législature», a précisé Fouzi Lekjaâ.
Concernant les équilibres budgétaires, un déficit de 7,6% (2020) ou de 6,2% du PIB (2021) n’est, en effet, pas un niveau soutenable. À mesure que les effets de la crise s’estompent, il faut revenir progressivement vers des niveaux normatifs afin de stabiliser la dette du Trésor qui caracole à plus de 76% du PIB. Pour 2022, le gouvernement prévoit un déficit de 5,9% du PIB. Et selon le ministère, cette normalisation se poursuivra conformément aux recommandations des partenaires institutionnels du Maroc. Ce qui implique deux choses : maximiser les recettes, maîtriser les dépenses, mais aussi relancer la croissance du PIB.
Maximiser les recettes implique d’abord l’élargissement de l’assiette fiscale en intégrant l’informel. La simplification de la contribution professionnelle unique contenue dans le PLF 2022 s'inscrit dans ce sens. La Maximisation des recettes implique aussi une bonne programmation des mesures fiscales qui auront un coût budgétaire, comme la baisse des taux d’imposition. À ce titre, le coût de la baisse de l’IS de 28% à 27% pour les entreprises industrielles réalisant moins de 100 millions de DH de bénéfices ne dépasse pas les 150 millions de DH. En face, la suppression de la progressivité du barème de l’IS devrait rapporter à terme 2 milliards de DH à l’État. De même, maîtriser les dépenses signifie qu’on ne peut mettre en œuvre d’un coup des mesures lourdes, comme l’augmentation des salaires de certains fonctionnaires ou l’octroi d’une aide permanente aux personnes âgées en situation de précarité. Les grands chantiers lancés mobilisent déjà des ressources importantes, comme la généralisation de l’AMO aux ménages vulnérables et pauvres qui devrait coûter 4,2 milliards de DH en 2022.
Les autres mesures préconisées par le nouveau modèle de développement ou le programme gouvernemental seront sans doute concrétisées sur toute la période de la législature, à mesure que la croissance économique et les recettes de l’État se redressent. La relance économique et la création d’emplois sont justement des priorités du PLF 2022. Avec 245 milliards de DH, l’investissement public atteint un niveau record. Outre l’investissement budgétaire, celui des EEP et des collectivités territoriales, il y a le Fonds Mohammed VI pour l’investissement avec ses 45 milliards dont le démarrage effectif est prévu pour 2022. À cela s’ajoute l’initiative de créer 250.000 emplois en deux ans moyennant une enveloppe de 2,25 milliards de DH, ou encore l’octroi de 50.000 crédits «Intelaka» pour 1,25 milliard de DH. Sans parler de la mise en œuvre des politiques sectorielles (Génération Green, transformation industrielle…) et de la promotion du «Made in Morocco».
Cela dit, malgré la priorisation de la relance économique et les contraintes budgétaires, des actions dans le domaine social sont à souligner. Outre la généralisation de l’AMO, le budget dédié aux personnes en situation de handicap a été multiplié par 2,5 (500 millions de DH). Plus de 5 milliards de DH ont été ajoutés au budget de l’éducation (76,6 milliards de DH) avec à la clé la création de plus de 18.000 postes budgétaires. Et 3,7 milliards de DH l'ont été au budget de la Santé publique (23,5 milliards) avec 5.500 postes budgétaires.
Citons enfin tout l’effort qui sera fait pour améliorer la gouvernance du secteur public : 10 milliards de DH pour la régionalisation avancée, réforme du secteur public et des participations de l’État et simplification des procédures. Globalement, la trajectoire du PLF 2022 est la bonne, mais le rythme d’évolution tient compte des contraintes nationales et internationales et des priorités.