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La prévention d’une génération perdue de filles

Par : Simon Martin, Ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc

Il ne reste plus que 80 jours avant que le Royaume-Uni et le Kenya co-organisent un sommet mondial historique sur l'éducation dont le but est de collecter 5 milliards de dollars pour le Partenariat Mondial pour l'Education (GPE-Global Partnership for Education), le plus grand fonds international uniquement dédié à l'éducation dans les pays en voie de développement. Cela intervient à un moment de défi sans précédent pour l'éducation mondiale; les fermetures d'écoles prolongées et fréquentes au cours de l'année scolaire signifient que les résultats d'apprentissage se sont probablement détériorés dans la plupart des pays - Maroc et Royaume-Uni inclus - et le choc économique causé par la pandémie signifie que les budgets de l'éducation seront probablement soumis à une pression de plus en plus importante. Le sommet devrait également inciter les leaders mondiaux à améliorer l'accès à l'éducation des filles, vu qu’elles sont particulièrement confrontées à des défis pour obtenir une éducation de qualité, que la pandémie a aggravés, tels que la pauvreté, les responsabilités domestiques et le mariage des enfants.

Même avant le déclenchement de la pandémie, neuf enfants sur dix dans les pays à faible revenu étaient incapables de lire un texte simple à l’âge de 10 ans et les deux tiers de la population adulte analphabète mondiale étaient des femmes. Covid-19 risque de créer une génération perdue de filles qui ne retournent jamais à l'école, avec des conséquences très négatives pour les individus et les sociétés. Par exemple, un enfant dont la mère sait lire est 50% plus susceptible de vivre au-delà de cinq ans et d'être vacciné, et deux fois plus susceptible d'aller à l'école lui-même. Avec une seule année scolaire supplémentaire, les revenus d’une femme peuvent augmenter d’un cinquième et 28 000 milliards de dollars pourraient être ajoutés au PIB mondial si les femmes avaient le même rôle que les hommes sur le marché du travail. Cela signifierait d'ailleurs une augmentation de la taille de l'économie mondiale équivalente à l'ensemble des économies des États-Unis, de l'Allemagne et du Royaume-Uni réunis. En outre, les études de recherche ont montré qu'une plus grande égalité entre les sexes réduit la probabilité de conflit dans une société de 37%.

C'est pourquoi le gouvernement Britannique a fixé des objectifs mondiaux ambitieux visant à scolariser 40 millions de filles de plus, et un tiers de plus en lecture à l'âge de 10 ans, d'ici 2025. Et c'est pourquoi, en tant qu'Ambassadeur Britannique au Maroc, je souhaite vivement travailler en partenariat avec le gouvernement Marocain pour faire en sorte que chaque fille au Maroc soit en mesure d’atteindre son plein potentiel. Bien que d’énormes progrès aient été accomplis dans l’éducation des filles au Maroc au cours des dernières décennies, avec 99% des filles qui achèvent désormais l’enseignement primaire, il reste encore un certain nombre de défis à relever. Un rapport de la Banque mondiale en 2019 a mis en évidence plusieurs défis majeurs; les taux d'alphabétisation restent faibles, l’écart rural / urbain du niveau de scolarité persiste et la participation des femmes au marché du travail est faible.

En tant que parrain d'Education For All (EFA), une ONG Marocaine qui construit et gère des pensions pour aider les filles des villages de la région du Haut Atlas au Maroc à poursuivre leurs études, je connais bien le genre de défis causés par la pandémie que rencontrent ces filles. Le premier confinement a mis en évidence la fracture numérique entre les milieux ruraux et urbains dans de nombreux pays, et le Maroc n'a pas fait l’exception. Bien que le gouvernement Marocain ait offert des cours en ligne et d'excellents outils d'apprentissage, de nombreuses filles de EFA n'avaient pas d'appareils (tablettes, téléphones, etc), d’autres n'avaient pas accès à internet ou n'avaient pas les moyens de payer pour avoir cet accès. À partir de septembre 2020, les pensions ont pu ré-ouvrir, mais seulement à une capacité de 50%, de sorte que les filles assistent aux cours d’une manière alternative. Cela a eu un impact significatif sur leurs études car, lorsqu'elles sont à la maison, elles sont censées accomplir de nombreuses tâches ménagères et n'ont pas accès aux ressources d'étude et à l'aide de leurs amies et de leurs maîtresses. De plus, les charges financières liées à la présence des filles à la maison ont conduit à une augmentation significative du nombre de filles devant abandonner l’école avec tous les inconvénients que cela leur apporte ainsi qu'à leurs familles.

Je suis extrêmement fier des efforts que EFA et ses partisans ont déployés pour s’attaquer à ces problèmes, par exemple en collectant des fonds pour fournir des tablettes aux filles afin qu’elles puissent suivre leurs cours. Cependant, il existe de nombreuses autres filles au Maroc qui n'ont pas accès à une organisation comme EFA et qui risquent de ne pas retourner ou d'abandonner l'école à cause de la pandémie. Je pense qu’il est essentiel de faire tout le possible pour que cela ne se produise pas.

Quelques mesures qui ont bien fonctionné dans d'autres pays pour ramener les filles à l'école et veiller à ce qu'elles ne prennent pas de retard dans leur éducation comprennent:

- L’adaptation de la façon dont les enseignants dispensent les cours, peut-être en regroupant les cours en fonction de leur capacité à lire plutôt qu'en fonction de l'âge, et en se concentrant sur l'alphabétisation de base, et compétences en calcul;
- La généralisation des transferts monétaires en faveur des filles les plus marginalisées et l’introduction du programme des repas scolaires;
- Intensifier la mobilisation communautaire et l’appui à l’éducation des filles grâce à des campagnes de retour à l’école;
- La création de clubs de filles dans les écoles pour apporter un soutien et un support émotionnel et scolaire;
- L'amélioration des normes de protection dans les écoles et les internats.

Cette pandémie offre une opportunité unique pour mieux reconstruire. Le sommet de Juillet est l’occasion de faire en sorte que la génération actuelle de filles s’épanouisse et ait les compétences et la confiance nécessaires pour créer un monde plus vert, plus sain, plus sûr et plus prospère. Le Royaume-Uni, en tant que principal donateur du GPE et membre actif de son Conseil, soutient l’adhésion potentielle du Maroc à ce fonds vital. C’est un forum inestimable pour partager les meilleures pratiques et un puissant vecteur de plaidoyer pour l’éducation, ayant déjà contribué à scolariser 160 millions d’enfants supplémentaires et à doubler le taux de scolarisation des filles dans les pays où il fonctionne depuis sa création en 2002.

Nous avons hâte de poursuivre notre travail avec l'UNICEF au Maroc au cours des dernières années, où nous avons contribué à financer la création d'une nouvelle génération d'écoles de « la deuxième chance », permettant à 2 620 filles de retourner à l'école. J'ai eu la chance de rencontrer un certain nombre de ces filles lors d'une récente visite au nord du Maroc, et j'ai été incroyablement inspirée par leurs espoirs pour l'avenir et les efforts qu'elles consacraient au développement de nouvelles compétences. N'oublions jamais qu'une fille éduquée éduque la prochaine génération et nous nous engageons à faire en sorte que leurs rêves deviennent réalité, même (et surtout) dans les contextes les plus difficiles.

Le Royaume-Uni continuera à travailler avec le gouvernement Marocain, non seulement pour soutenir son excellent travail en faveur des écolières marocaines, mais aussi pour promouvoir le Maroc comme un exemple auprès d'autres pays de la région de ce qui peut être réalisé.

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