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Les projets accompagnés par les programmes d'entrepreneuriat pêchent par la faiblesse de l'innovation

Malgré une prolifération des programmes, l’entrepreneuriat peine à décoller au Maroc. Et pourtant, il s’agit sans nul doute de l’option la plus pertinente pour enrayer le chômage, en particulier chez les jeunes, et favoriser la croissance économique. Dans ce cadre, l’expert en accompagnement des projets, Mohamed Es-Sagar, nous livre sa lecture des facteurs limitant la perception sur le terrain des résultats des nombreux programmes initiés pour promouvoir l’entrepreneuriat.

Les projets accompagnés par les programmes d'entrepreneuriat pêchent par la faiblesse de l'innovation
De nombreux programmes ont été lancés pour promouvoir l’esprit entrepreneurial. Cependant, leur impact sur le terrain se fait toujours attendre, indique Mohamed Es-Sagar.

L’employabilité, la création d’emplois, la promotion de l’auto-emploi ou de l’entrepreneuriat sont autant de concepts usuels qui renvoient à une même problématique : la résorption du chômage, en particulier chez les jeunes. Ces deux dernières années, de nombreux programmes ont été lancés, tous destinés à promouvoir l’esprit entrepreneurial, en particulier chez les jeunes. Et l’explication en est simple : la création d’emplois dans le secteur public a atteint ses limites, et les embauches dans ce secteur sont encore inférieures à ce qu’elles étaient auparavant, et la capacité du secteur privé à résorber les nouvelles vagues d’arrivants sur le marché du travail demeure largement inférieure aux aspirations.

Cependant, l’impact de ces programmes sur le terrain se fait toujours attendre et la crise du Covid ne serait pas la seule à en être la cause, selon Mohamed Es-Sagar, membre associé et General Manager au centre d’incubation des projets «Univers Startup et Entrepreneur».
Tout d’abord, explique Es-Sagar, les différents programmes initiés doivent être structurés autour d’une chaîne de valeur intégrée. Celle-ci est composée de donneurs d’ordre (initiateurs des programmes), de structures d’accompagnement et d’un écosystème économique (entreprises qui vont assurer le mentorat des entreprises nouvellement créées et leur faciliter l’accès au marché). Au centre de cette chaîne de valeur se trouve l’entrepreneur (l’humain), et non le projet. Car même si la première idée d’un projet ne se concrétise pas, l’entrepreneur peut recommencer avec une nouvelle idée d’un nouveau projet, précise-t-il.

Quel type de projets et dans quel dessein ?
Mais aujourd’hui, souligne l’expert, nous devons d’abord nous demander au préalable de quel type de projets nous avons besoin et dans quel dessein. Est-ce pour préserver la paix sociale ? Dans ce cas, nous pouvons parler d’auto-emploi ou de projets générateurs de revenus. Ces projets, à faible valeur ajoutée, ne favorisent pas la croissance économique et finissent généralement par tomber à l’eau en raison des duplications et de la saturation du marché, explique Es-Sagar. «Et de toute façon, si nous avons dix millions de chômeurs, nous n’allons pas créer dix millions de projets» pour leur assurer un revenu, ajoute-t-il. La solution consiste donc à promouvoir l’entrepreneuriat, notamment les projets innovants.

«Et c’est là précisément où pèche la majorité des programmes lancés récemment», fait remarquer M. Es-Sagar, également Entrepreneurship Director au Marocain pour l’Innovation et l’Entrepreneuriat social (MCISE). «Nous sommes dans le quantitativisme et non dans le qualitativisme», dit-il, or «à mon avis, il faut songer à instaurer un quota pour les projets innovants», ajoute-t-il, faisant savoir que «par innovation, nous n’entendons pas des processus complexes ou des techniques évoluées, mais chaque projet, aussi simple soit-il, peut être innovant sous un aspect ou un autre». Es-Sagar soulève également la question des structures d’accompagnement. «Aujourd’hui, parce qu’elles sont très sollicitées, on assiste à un foisonnement de ces structures (cabinets de coaching, cabinets de consulting, centres d’incubation de projets…). Il est dès lors nécessaire d’imposer un cahier de charges à ces structures pour s’assurer que celles-ci répondent à leur mission d’accompagnement des porteurs de projets», explique-t-il. «Il y a des structures qui se contentent de la formation, d’autres de l’accompagnement, or, il faut viser la transformation (du mindset du porteur du projet)», insiste Es-Sagar. «Le porteur de projet a vraiment besoin de développer un esprit entreprenant résilient et innovant tout au long de l’accompagnement et cette tâche ne peut être dévolue à n’importe quelle structure».

Pour une approche locale et régionale plutôt que centrale
En ce qui concerne le programme Intelaka, cet expert estime qu’il s’agit d’un programme prometteur mais qui se situe dans une phase secondaire. «Il faut d’abord un programme Pré-Intelaka avec un mécanisme de financement basé sur des fonds perdus (subventions)», indique-t-il. «Les porteurs de projet doivent d’abord être accompagnés dans la validation technique (proof of concept) et économique (proof of business) de leur projet avant de s’adresser aux banques. Or, aujourd’hui, ils s’adressent à des structures comptables ou financières pour obtenir un business plan purement comptable sans aucune correspondance avec la réalité économique du marché cible, alors qu’un business plan doit refléter la réalité économique du projet avec des projections financières prévisionnelles».
«Force est de constater que nous sommes encore dans un mode quantitatif, et pour redresser la situation, nous devons insister sur l’innovation».
En tant qu’expert ayant accumulé une grande expérience dans ce domaine, Es-Sagar préconise une approche locale et régionale plutôt qu’une approche centrale. «Les jeunes devraient être encouragés à entreprendre en innovant afin de trouver des réponses à des problématiques qui touchent directement leurs régions». C’est le modèle sur lequel repose la phase III de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) en termes de représentativité territoriale, de même que le programme 1000 Fikra déployé sur les 12 régions du Royaume.
Les Centres régionaux d’investissement, et suite à la nouvelle réforme, seront les catalyseurs de l’écosystème entrepreneurial régional, et seront par conséquent les garants du développement de projets entrepreneuriaux à haute valeur ajoutée. En mobilisant tous les acteurs de l’écosystème pour une chaîne de valeur d’accompagnement régionale, basée sur la complémentarité des différents acteurs et non sur la compétitivité, ils contribueront à faire émerger des projets innovants à haute valeur ajoutée pour l’économie nationale. 

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