"Nous avons vécu l’expérience éducative sous la contrainte de la situation sanitaire liée à la Covid-19 au cours du dernier trimestre de l’année scolaire 2019-2020 et durant l’année scolaire 2020-2021. Nous aurions dû tirer profit de ces expériences pour assurer le bon déroulement de la prochaine rentrée, mais malheureusement on renvoie une nouvelle fois la balle aux parents et aux élèves qui sont laissés à leur sort", alerte Abderrazak El Idrissi, secrétaire général de la Fédération nationale de l'enseignement (FNE).
Selon le responsable, la décision devait être tranchée par le gouvernement, en concertation avec les acteurs du système éducatif, notamment les syndicats et les associations des parents d’élèves, mais rien n’a été fait à ce niveau. "Nous n’avons pas été consultés ni informés des décisions du gouvernement et du ministère de tutelle, que ce soit pour la nouvelle rentrée ou bien la vaccination. Il fallait communiquer avec les gens et les informer sur ces questions pour dissiper leurs inquiétudes", a-t-il fait savoir, tout en exprimant ses craintes quant aux conditions difficiles auxquelles doivent faire face les enseignants pour assurer le déroulement de la nouvelle année scolaire.
Pour Houda, enseignante dans un lycée à Marrakech, cette année sera encore plus difficile à gérer que l'année précédente. "L'année scolaire 2020-2021 a été, selon moi et selon presque la totalité des enseignants, un grand échec. Le mode choisi surtout dans les lycées publics (cours en alternance) n'est pas du tout convenable pour nos élèves qui, en plus des problèmes à suivre et à terminer le programme pendant le premier confinement, se sont retrouvés face au même handicap l'année scolaire suivante. Conclusion, les objectifs n'ont pas été atteints, nous avions des élèves complètement désintéressés, les résultats étaient catastrophiques...", a-t-elle indiqué.
Quant aux enseignants, la situation n'était pas meilleure. "Les professeurs étaient entre le marteau et l'enclume. Il fallait à tout prix terminer le programme, en tenant compte bien sûr des difficultés des apprenants, mais ces derniers ne nous facilitaient souvent pas la tâche (le travail à la maison n'était jamais réalisé par la plupart d'entre eux, les absences répétitives...). Durant toute l'année, nous avons vécu dans l'incertitude. Il n'y avait pas de cadre référentiel pour nous guider. Chacun travaillait du mieux qu'il pouvait et à sa manière, on se concertait, on essayait de trouver la solution la mieux appropriée pour mener à bien notre mission", a-t-elle affirmé. En gros, une année semée de beaucoup d'embûches qui auront certainement une forte répercussion sur l'année en cours.
En effet, mis à part le risque de contamination, le mode présentiel dans l'enseignement public pose une multitude de problèmes. En principe, ce mode implique un apprentissage par alternance (présentiel et auto-apprentissage). Ainsi, pour une matière dont la plage horaire hebdomadaire est de 4h, le travail en présentiel sera en 2H et de même pour le travail en auto-apprentissage.
Sauf que dans la pratique, l'expérience a démontré que la partie auto-apprentissage a été un échec pour plusieurs raisons, notamment le manque d'engagement des apprenants et la difficulté, voire l'impossibilité, d'assurer un suivi rigoureux des élèves qui implique non seulement les enseignants mais nécessite également un certain engagement des parents.
"Le travail en groupes réduits (20 élèves par classe), doublée de l'auto-apprentissage, n'a fait que diviser les heures dédiées à la matière enseignée par deux ou plus, en fonction du nombre des groupe par matière. Avec cette configuration, nous nous sommes retrouvés avec un volume horaire de 4 heures par 21 jours. Résultat : impossible de terminer tout le programme", expliquent Karima et Samira, deux enseignantes du cycle collégial.
Quant à l'enseignement à distance dans le public, n'en parlons même pas ! Même si les ressources en ligne sont désormais disponibles, tant que les équipements numériques nécessaires feront défaut, ce qui est le cas actuellement, inutile d'envisager une réussite de ce mode d'enseignement. Par contre, dans le privé, l'expérience a donné ses fruits en dépit de quelques couacs qui peuvent être aisément rattrapés.
Pour pouvoir réussir le mode distanciel, il y a deux prérequis incontournables à assurer : un équipement numérique pour toutes les écoles et classes et une résorption de la fracture numérique pour un accès généralisé aux technologies et outils numériques. Quant à la partie liée à l'implication des parents, elle reste tributaire de leur bon-vouloir, de leur disponibilité ou encore de leur niveau intellectuel.
"Il faut que les responsables accordent un réel intérêt à l’éducation dans notre pays, car c’est la vraie locomotive du développement. Les retards d’apprentissage enregistrés à cause de cette pandémie sont graves et les conditions du corps enseignant sont très difficiles. C’est notre responsabilité à tous de défendre l'enseignement gratuit, unifié, du préscolaire à l’enseignement supérieur", souligne Abderrazak El Idrissi.