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« S’il existe quelques success stories dans les premières étapes de vie des start-ups marocaines, il n’existe quasiment pas à ce jour de réussite sur les phases suivantes de développement. »

La start-up Epicerie Verte vient de réaliser une levée de fonds de 6.6 millions de dirhams auprès de Azur Innovation Fund, pour répondre à la croissance de son activité et pour faire face aux défis technologiques, logistiques et environnementaux. Son fondateur et directeur général, Amine Slimani, nous a accordé un entretien pour partager son expérience et donner sa lecture de l'écosystème entrepreneurial au Maroc.

Le Matin : Quel bilan faites-vous de ces 4 ans d’existence de ‘Epicerie verte’ ?

Amine Slimani : Ces 4 premières années d’existence ont représenté des challenges intéressants à plusieurs niveaux. Premièrement, nous avons fait le pari de moderniser les circuits de distribution du terroir en proposant une marketplace en ligne permettant la désintermédiation de la chaine de valeur du secteur avec la mise en relation directe des producteurs et coopératives avec les clients. Partant d’une feuille blanche, Epicerie Verte n’a ainsi pas connu les contraintes des acteurs physiques existants (Epiceries fines, supermarchés, marchés…) qui souhaitent proposer de « l’e-commerce » sans nécessairement revoir fondamentalement leur façon d’opérer. C’est ce qui a permis de proposer un modèle unique sur le secteur des produits bio, naturels et du terroir. Deuxièmement, nous avons fait face à un challenge d’approvisionnement pour concilier offre et qualité. D’un côté, il a fallu convaincre des vendeurs (coopératives, producteurs, start-ups…) de faire confiance à un nouveau mode de distribution dans leur secteur. En effet, nous avons démarré en 2018 avec une vingtaine de vendeurs et 250 références, et nous sommes aujourd’hui à plus de 90 vendeurs et plus de 2500 références sur notre plateforme. Mais de l’autre côté, nous avons dû mettre en place des critères stricts de sélection des fournisseurs pour répondre aux besoins et exigences pointus de nos clients.  Finalement, il a fallu se faire connaitre des clients et surtout les inciter à passer commande en ligne. Aujourd’hui, si nous avons livré à plus de 10.000 clients au Maroc et à l’étranger, avec un taux de satisfaction très élevé de nos clients, nous avons pour ambition de consolider notre position localement, et de nous développer à l’international. En résumé, le bilan sur ces 4 premières années d’existence a été plutôt positif avec beaucoup de réalisations structurantes pour le futur de la start-up et un positionnement pionnier qui a été validé par les changements de mode de consommation et l’émergence du e-commerce post-Covid. Toutefois, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à réaliser notre plan de développement.

Selon votre propre expérience, diriez-vous que le parcours d’entrepreneurs s’est amélioré au Maroc et que l’écosystème est organisé ? 

Aujourd’hui, il est clair que la situation de l’entreprenariat s’est nettement améliorée au Maroc, avec un écosystème qui est en train de se structurer, que ce soit en termes d’accompagnement, où l’on trouve des dizaines de structures qui aident les entrepreneurs à challenger et à amorcer leur projet, qu’en termes de financement, où il existe plusieurs options disponibles aux porteurs de projets pour amorcer leurs projets, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Epicerie Verte a d’ailleurs bénéficié du programme InnovStart de la CCG, en étant lauréat de Réseau Entreprendre, ce qui nous a permis d’accélérer notre croissance à notre lancement. Toutefois, je pense qu’il y a encore du chemin à parcourir dans l’écosystème entrepreneurial au Maroc à cause notamment de la taille du marché. Trop souvent quand on est sur des sujets dits de « niche », le marché au Maroc est trop petit pour que les start-ups atteignent une taille critique, ce qui oblige à se tourner à l’international plus tôt dans le cycle de développement que des start-ups opérant en Europe ou aux Etats-Unis. Par ailleurs, s’il existe quelques « success stories » dans les premières étapes de vie des start-ups marocaines, il n’existe quasiment pas à ce jour de réussite sur les phases suivantes de développement, avec aucune start-up marocaine ayant atteint le statut de « licorne ». Au-delà de la valeur ajoutée économique et des emplois créés par ces modèles, c’est surtout une source d’inspiration et d’encouragement pour tous les porteurs de projets.

L’accompagnement est souvent désigné comme l’élément faible de l’écosystème entrepreneurial au Maroc. Qu’en pensez-vous, et comment y remédier ? 

Selon mon expérience d’entrepreneur, je dirai qu’il y a 2 faiblesses au niveau de l’accompagnement des start-ups au Maroc. D’une part, il y a aujourd’hui une trop forte concentration sur les premières étapes de vie d’une start-up (idéation et pré-amorçage), avec très peu d’offre d’accompagnement sur les phases suivantes. D’autre part, les horizons de temps de ces structures d’accompagnement ne sont pas alignés avec les exigences d’un monde qui évolue très rapidement. Pour y remédier, il faudrait peut-être moins raisonner en termes de quantité, en se focalisant sur le nombre de start-ups accompagnées, et plutôt commencer à privilégier la qualité, quitte à se focaliser sur un nombre plus réduit dans un premier temps.

Vous venez d’effectuer une levée de fonds de 6.6 millions de DH. Quel impact sur la croissance de la marque ?

Avec un apport de fonds de 6.6 millions de dirhams, Azur Innovation Fund va permettre à Epicerie Verte d’accélérer son développement aussi bien au Maroc qu’à l’international. En effet, afin de répondre à une demande croissante ces derniers mois, Epicerie Verte va procéder, entre autres, à une dizaine de recrutements en interne sur les 12 prochains mois, ainsi qu’au renforcement de sa chaîne logistique.  En termes de développement sur le court terme, la start-up entend continuer l’étoffement de son offre de produits, avec l’accélération de l’offre de produits frais sur Casablanca et son extension sur d’autres grandes villes du Royaume, pour compléter l’offre existante de produits secs livrable partout dans le monde. De plus, il est prévu dès fin 2021 d’ouvrir un centre logistique en Europe afin d’offrir la même qualité de service aux clients européens en termes de délais de livraison par rapport à ce qui se pratique au Maroc. Sur le moyen terme, Epicerie Verte souhaite devenir le porte-étendard du Made-In-Morocco à l’international. Pour y arriver, la start-up compte étoffer davantage sa gamme pour passer à 20.000 références à horizon 3 ans. Pour réaliser son plan de développement, Epicerie Verte prévoit la création d’une quarantaine d’emplois directs et indirects sur cette période.

Face à la diversité des acteurs dans le secteur du terroir et de l’artisanat, comment vous arrivez à créer la différence ?

Epicerie Verte a été la 1ère marketplace en ligne à opérer de manière structurée dans ce secteur au Maroc. Aujourd’hui, beaucoup de coopératives et d’artisans ne maitrisent pas encore les rouages du digital, mais ont également des soucis pour livrer le client final. Le site EpicerieVerte.ma est ainsi pour eux une opportunité de commercialiser leurs produits à travers la plateforme, et en confiant toute la gestion marketing, logistique et comptable à Epicerie Verte. Pour promouvoir la diversité des produits sur son site web, Epicerie Verte aide également les coopératives et les start-ups en offrant accompagnement et conseil pour avoir une offre adaptée aux exigences actuelles plus pointues des consommateurs. Par ailleurs, Epicerie Verte a également signé une convention de partenariat avec le Ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport Aérien et de l’Economie Sociale pour proposer des conditions d’intégration privilégiées. C’est en proposant une offre « full-services » à ces acteurs, à des conditions équitables, que Epicerie Verte a pu faire la différence sur ce secteur.

Qu’en est-il du comportement du consommateur marocain face au concept de marketplace pour des produits qu’il a l’habitude de se procurer de manière traditionnelle ?

Si le consommateur marocain a effectivement eu l’habitude de se procurer les produits du terroir et naturels de manière traditionnelle, nous remarquons aujourd’hui que ces modes d’approvisionnement sont en train de changer pour différentes raisons, avec entre autres la disparition de certains « canaux » d’approvisionnement traditionnels, la complexification du besoin ou les contraintes en termes de temps.  L’objectif d’Epicerie Verte a été d’accélérer cette tendance de consommation, en proposant une solution notamment sur 2 volets : le « one-stop-shop » et la mise en avant de la transparence. Ainsi, Epicerie Verte a pour objectif de devenir le « one-stop-shop » incontournable pour les consommateurs qui souhaitent consommer sainement. En proposant une gamme très large de produits naturels et de terroir livrable partout au Maroc, et même à l’étranger, Epicerie Verte répond aux nouveaux besoins des consommateurs en termes de gain de temps, en leur faisant éviter d’aller faire leurs courses à différents endroits. Par ailleurs, nous avons joué la carte de la transparence afin de rassurer les clients sur la provenance des produits listés sur notre plateforme. Chaque vendeur admis et intégré à Epicerie Verte dispose de sa propre boutique virtuelle qui met en avant l’histoire de sa marque ainsi que la totalité de ses produits. Cette transparence par rapport à l’origine des produits est primordiale pour rassurer le consommateur sur la pertinence des produits proposés sur la plateforme. Finalement, nous restons en permanence à l’écoute de nos clients qui peuvent avoir des envies et des besoins différents selon leur géographie ou leur âge, c’est pourquoi il est aujourd’hui possible de passer commande sur notre site web, sur nos applications mobiles, mais également par téléphone ou WhatsApp pour répondre aux préférences de chacun de nos clients.

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