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Tourisme : la saison d'hiver totalement compromise après la fermeture des frontières, selon les professionnels

Accablés et impuissants, les professionnels du tourisme au Maroc sont désormais réduits à se prendre la tête dans les mains. Pour eux, la décision des autorités marocaines de fermer à nouveau l’espace aérien compromet la saison d’hiver alors que le secteur touristique est déjà agonisant.

Tourisme : la saison d'hiver totalement compromise après la fermeture des frontières, selon les professionnels
La nouvelle décision du gouvernement, qualifiée de subite et brutale, sonne comme un coup de grâce pour le secteur. Ph. DR

Alors que la crise pèse de tout son poids sur le tourisme national, voilà qui enfonce un peu plus le clou. La nouvelle mesure du gouvernement de suspendre tous les vols à destination du Maroc, qualifiée de subite et brutale, sonne comme un coup de grâce pour le secteur. Dans tout l’écosystème, l’heure est au désarroi et au pessimisme.
Pour Rkia Alaoui, présidente du Conseil régional du tourisme (CRT) de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, le tourisme national est aujourd’hui sous-perfusion et la dernière décision des autorités est venue lui porter un nouveau coup dur. Le coup de trop. La situation est encore plus sombre dans la région du Nord qui souffre déjà d’un handicap majeur, à savoir la saisonnalité. Avec ce contexte défavorable, la crise qui sévit et les décisions «intempestives» des autorités, les chances pour les opérateurs de se remettre à flot sont quasi inexistantes. «On décrie plus souvent la fermeture de l’espace aérien, mais il ne faut pas oublier la suspension des liaisons maritimes qui pénalisent fortement le tourisme national, et encore plus dans notre région», relève-t-elle.

«Nous ne contestons pas cette mesure, ni toutes celles prises par les autorités sanitaires dans le but de préserver les acquis du Maroc face à la pandémie. Tout ce que nous souhaitons, c’est un accompagnement pour pouvoir sortir la tête de l’eau, et ce, à travers les différentes mesures que nous avons proposées à Madame la ministre lors de la réunion de travail tenue le 2 novembre, notamment celles relatives aux mesures fiscales et aux crédits bancaires», indique pour sa part un membre du CRT de Marrakech-Safi qui a préféré garder l’anonymat. «Le secteur n’est plus agonisant, il est tout simplement mort», assure-t-il.
«Le gouvernement a, certes, fait un geste en faveur des salariés du secteur avec la prolongation du versement des indemnités forfaitaires de 2.000 DH jusqu’au mois de décembre, mais il faut des actions plus importantes et plus impactantes pour aider les opérateurs qui ont tenu bon et sauvegarder les emplois, mais aussi les métiers connexes à survivre», insiste-t-il.

Il a soulevé à son tour la problématique des liaisons maritimes absentes des débats publics. «Aujourd’hui, on débat de la fermeture et de l’ouverture de l’espace aérien, mais personne n’évoque la suspension des liaisons maritimes. Depuis leur fermeture au mois de mars, personne n’en parle !», s’étonne-t-il, soulignant que le marché national a perdu de ce fait une bonne partie de sa clientèle qui affluait via les voies maritimes.
Quant aux vols, c’est la catastrophe avérée. «À Marrakech, même pendant la crise, nous accueillions quotidiennement entre 80 et 90 vols de différentes destinations, dont 35 à 40 vols en provenance du marché français», signale-t-il pour dire les pertes que cela représente pour le tourisme et l’économie nationaux.
Le professionnel affirme qu’il est grand temps de miser sur le tourisme interne en développant des offres susceptibles d’encourager les nationaux à voyager marocain. L’idée est de relever à 50% la part du tourisme domestique qui ne pèse aujourd’hui que 30% dans le chiffre d’affaires du secteur. Cela pourrait constituer une des solutions à court terme, en attendant une véritable relance.

«C’est un véritable drame ce qui arrive encore alors que nous étions déjà dans une situation très difficile !», s’écrie de son côté Jalil Madih, président de l’agence de voyages Alizés Travel, également membre du Morocco Travel DMC et de la Fédération nationale du transport touristique. Pour lui, c’est une hécatombe annoncée qui se confirme. «Nous ne savons plus où donner de la tête. Nous assistons impuissants à des drames familiaux, nos salariés n’arrivent plus à payer les écoles de leurs enfants et leurs logements, plusieurs opérateurs ont mis les clés sous le paillasson, les transporteurs ont vu leurs véhicules saisis pour défaut de paiement… Cela fait pratiquement 22 mois que nous sommes à l’arrêt dans l’indifférence et le silence le plus total des autorités», dénonce-t-il.
Les professionnels ont apparemment abandonné tout espoir et leur confiance a fini par s’étioler au fil des coups durs. D’autant que les échanges avec le ministère de tutelle n’ont débouché sur «aucun engagement concret» qui laisse entrevoir, sinon une issue, du moins une source d’espoir, se désolent les professionnels.
«On est au bout du rouleau. Les mesures d’accompagnement se font trop attendre alors qu’on est dans l’urgence absolue !», déplore le voyagiste.
Il estime par ailleurs que le tourisme interne n’est pas une solution pour l’activité, puisque les Marocains ne font quasiment jamais appel aux agences de voyages pour leurs voyages à l’intérieur du Royaume. «Le Marocain n’a pas cette culture de passer par une agence pour organiser son voyage à l’intérieur du pays. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il va commencer à le faire !», souligne-t-il. «Le tourisme national ne sauvera pas la profession. 80% des voyageurs réservent directement ou via des plateformes comme Booking, et les hôtels reversent 25% de commissions en devise à l’étranger, ce qui est une aberration totale !», s’indigne-t-il.
«Nous sommes en train de mourir à petit feu au vu et au su de tout le monde depuis plusieurs mois. Nous sommes livrés à nous-mêmes en l’absence de mesures urgentes et efficaces pour pouvoir maintenir le nez hors de l’eau. Le point de non-retour n’est plus loin. Et quand il y aura une reprise, personne ne sera là pour l’accompagner», lance Jalil Madih. 

 

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