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Saâd Chraïbi se remémore l'histoire du cinéma marocain au Book Club Le Matin

Invité récemment à la rencontre littéraire «Book Club Le Matin», le réalisateur et cinéaste Saâd Chraïbi a présenté son livre «Fragments de mémoire cinématographique». Cet ouvrage riche en souvenirs a surtout un rôle de documentation et de transmission. Retour sur les principales idées présentées par l’écrivain.

Un livre inspiré par la volonté de transmission

«Quand je préparais mon film “Soif” qui parle de la présence française au Maroc, j’ai passé des mois à chercher de la documentation en vain. J’ai alors contacté la Bibliothèque militaire française qui m’a répondu positivement en 8 jours. Sur place, j’ai trouvé des milliers de documents. L’histoire s’est répétée après quand je préparais “Les 3M, histoire inachevée”. À la recherche de documents visuels, j’ai frappé à toutes les portes sans trouver d’images. J’ai alors écrit à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) en France et une banque de données à Londres pour trouver une liste de 67 documents visuels. L’un des maux dont on souffre au Maroc est la traçabilité de la mémoire. C’est parmi les principales raisons qui m’ont poussé à écrire “Fragments de mémoire cinématographique”. La jeunesse d’aujourd’hui a le droit d’avoir au moins un petit document qui raconte les coulisses du cinéma marocain. Mon souhait est de transmettre notre mémoire.»

Les cinéclubs étaient un espace de partage et d’apprentissage

«Les cinéclubs étaient un nouvel espace de débat au Maroc dans les années 1970. Quand on a démarré, on lisait les films, on en débattait pendant des heures… C’était nouveau, passionnant et petit à petit on a commencé à balbutier les langages techniques. Ce mouvement était réparti sur tout le Maroc dans les petites et grandes villes. Aujourd’hui, je suis fier de rencontrer d'anciens membres de cinéclubs devenus des sommités chacun dans son domaine.»

Mustapha Derkaoui, l’initiateur de Saâd Chraïbi au cinéma

«Mustapha Derkaoui est mon maître dans le domaine du cinéma, mais aussi sur le plan humain. Il faisait partie des cinéastes qui venaient dans notre cinéclub comme Mohamed Reggab, Abdelkrim Derkaoui, Abdelkader Lagtaâ et bien d’autres. Un jour, il m’a invité sur le plateau de tournage de son film censuré pendant 40 ans et qui vient d’avoir une nouvelle vie “Quelques événements sans signification”, et c’est là que j’ai attrapé le virus du cinéma.»

Un long combat pour la structuration du secteur cinématographique

«Il n’y avait aucune structure pour soutenir le cinéma marocain. Avec d’autres réalisateurs, on a un peu mutualisé nos moyens pour produire nos films tout en gardant nos libertés artistiques et techniques. On a collaboré avec une équipe technique commune qui a travaillé pendant 18 mois en continu.

On a pu réaliser 5 longs métrages en cette période. On a aussi contacté le Centre cinématographique marocain (CCM) pour tenter de trouver un moyen d’aider le cinéma national. C’est ainsi qu’on a réfléchi à la création d’un fonds d’aide. On proposait une aide fixe de 200.000 dirhams. Le premier fonds a démarré en 1980. En 3 ans, le Maroc a produit 23 longs métrages dont 21 n’avaient de films que le nom. Il nous a fallu 5 ans pour nous rendre compte que le système ne fonctionne pas. À l’arrivée de Souheil Ben Barka à la tête du CCM, on a proposé une nouvelle expérience mieux élaborée : un texte de loi pour prélever 5% des recettes de salles de cinéma pour les injecter dans la production cinématographique tout en sélectionnant les films bénéficiaires.

Grâce à cette initiative, les films produits au début des années 1990 ont réconcilié le cinéma marocain avec le public.

En 1994, on a proposé d’imposer une taxe de 5 DH dans les factures de l’électricité.

En 3 ou 4 ans, on a pu avoir des sommes 10 à 15 fois plus importantes que celles données par les salles de cinéma.

C’est là où le Maroc a amélioré la qualité et le nombre de ses films avec plus de public et de prix internationaux. Avec la vague des 23 films réalisés dans les années 1980, il fallait créer un évènement pour les évaluer.

Pour le premier Festival à Rabat, on avait à peine 6 ou 7 films. La deuxième édition à Casablanca a présenté 12 films marocains. Il n’y avait rien entre 1984 et 1991. Le premier vrai festival a eu lieu à Meknès en 1991. On a pu organiser des colloques, tables rondes… À partir de ce moment, il fallait réfléchir à la manière de faire des films et à l’aspect législatif. Ce travail a commencé en 1994 et s’est multiplié en collaboration avec le CCM. J’ai suivi la réactualisation du texte législatif jusqu’en 2012 avant de céder la place à d’autres professionnels.»

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