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Ecoles d’architecture : les conditions des lauréats pour les 2 ans de stage

Le Conseil national des architectes, élu l’été dernier, a bien l’intention de recadrer la profession d’architecte au Maroc. À commencer par l’application effective de l’obligation d’un stage de 2 ans pour les lauréats des écoles d’architecture instaurée par la loi depuis 30 ans. Mais cette décision n’a pas été du goût des étudiants. Ces derniers, qui affirment ne pas être contre la notion du stage en soi, souhaitent que la loi actuelle soit amendée dans une approche participative et bénéfique à tous.

Ecoles d’architecture : les conditions des lauréats pour les 2 ans de stage

L’accès à la profession d’architecte pourrait être conditionné prochainement par la réalisation de deux années de stage. Il ne s’agit pas d’une nouvelle disposition, mais de l’application des articles 4 et 8 à 15 de la loi 16-89 relative à l’exercice de la profession d’architecte. En effet, bien que cette loi soit en vigueur depuis 30 ans, la condition du stage n'a jamais pu être appliquée en raison d'un certain nombre de contraintes liées à des aspects techniques, matériels, logistiques et organisationnels selon le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA). Mais ce dernier estime qu’il est grand temps d’instaurer l’obligation du stage. Élu en juin dernier, le Conseil a adressé, il y a quelques semaines, une lettre au Secrétariat général du gouvernement (SGG) lui demandant la mise en application de ces articles. «Nous pensons que l’application des dispositions de la loi 16-89 ne peut plus être reportée. Des centaines de nouveaux diplômés arrivent chaque année sur le marché du travail sans avoir les compétences nécessaires pour pratiquer ce métier “dangereux”. Leur formation théorique est bien évidemment importante, mais pour pouvoir exercer cette profession, ils ont besoin d’acquérir de l’expérience à travers les stages», déclare au «Matin» Chakib Benabdellah, président du CNOA.

La décision du Conseil n’a pas été du goût des étudiants en architecture. Ces derniers estiment que le CNOA devait les consulter avant de s’adresser au SGG. «Ces articles de loi concernant l’obligation du stage ont été promulgués il y a 30 ans et n’ont jamais été appliqués. C’est la raison pour laquelle nous étions surpris lorsque nous avons appris que le CNOA a adressé cette lettre au SGG sans aucune concertation avec les étudiants en architecture qui sont bien évidemment les premiers concernés», déplore Mustapha Yahyaoui, étudiant en sixième année d'architecture à EMADU, au sein de l’Université euro-méditerranéenne de Fès. «Malgré le fait qu’on ait plusieurs matières durant notre cursus universitaire qui sont dédiées à nous initier à l’exercice de la profession telles que le système de management de projet, la gestion des risques sur chantiers, les normes et réglementations… et que nous sommes plusieurs à avoir effectué des stages au sein de bureaux d’architecture en dehors des trois stages qui sont obligatoires dans notre formation, nous pensons qu’un stage d’insertion professionnelle n’est pas forcément une mauvaise idée à condition qu’il soit intégré d’une manière ou d’une autre dans les 6 ans d’études nécessaires à l’obtention du diplôme d’architecte», argue-t-il.

De même, Mrini Yassine, étudiant à l'École nationale d'architecture de Rabat et porte-parole du Comité national des étudiants des ENA, assure que les étudiants ne sont pas contre l’obligation du stage en soi, mais souhaitent plutôt que cela soit fait de façon à satisfaire les différentes parties prenantes. «Nous sommes conscients de l’importance du stage et de la nuance entre le théorique et la pratique. Mais on ne peut pas demander du jour au lendemain une application immédiate de cette loi après 30 ans d’illégalité permise par les différents conseils qui se sont succédé. Nous craignons que les rémunérations ne soient pas respectables à notre titre et qui devraient démarrer à 8.500 DH», affirme-t-il lors de son passage à l’émission «L’Info en Face Jeunes» de cette semaine. Et d’ajouter que «les étudiants ont aussi peur de ne pas trouver assez d’opportunités de stages pour couvrir la totalité des lauréats des différentes écoles d’architecture nationales ainsi que les étudiants marocains à l’étranger».
De son côté, le président du CNOA indique que le Maroc compte 4.500 architectes, dont 3.700 exercent dans le secteur privé, ce qui est suffisant pour accueillir tous les lauréats. «De plus, nous souhaitons introduire des réformes à la loi actuelle sur l’exercice de l’architecture avec une meilleure adaptation du métier en instaurant l’obligation du stage. Nous aimerions, en effet, apporter des modifications pour permettre aux stagiaires d’être reçus dans les administrations publiques et semi-publiques», indique M. Benabdellah. «Nous sommes également disposés à discuter avec les décideurs et les étudiants pour trouver une bonne formule en intégrant notamment une partie du stage dans le cursus pédagogique. Mais pour cela, il faut changer la loi. Dans tous les cas, une chose est sûre, ce sujet a été assez reporté, il est grand temps d’agir aujourd’hui», insiste-t-il.

Il est à rappeler que le CNOA a reçu des représentants des étudiants des écoles d’architecture, il y a une dizaine de jours, pour les sensibiliser à l’importance des stages. Il a également été question de discuter des amendements qui pourraient être apportés à cette loi dans une approche participative et qui soit bénéfique à tous. Les représentants des étudiants ont également été reçus, mardi dernier par Fatima Ezzahra El Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville. Après avoir écouté leurs revendications, la ministre a souligné, à son tour, l’importance du stage dans le renforcement des acquis académiques et a informé les représentants des étudiants qu’un comité conjoint réunissant les représentants de ce ministère, du Secrétariat général du gouvernement et du Conseil national de l’Ordre des architectes est en passe d’étudier les différents aspects liés à ce stage en vue de préparer des propositions qui seront concertées avec les établissements de formation et les représentants des étudiants dans le cadre d’une approche globale, participative et inclusive sans pour autant impacter les étudiants en cours de formation.

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Avis d’expert

Déclaration de Rachid Haouch, architecte-paysagiste urbaniste, enseignant universitaire et ex-vice-président du CNOA



«À mon avis, le stage devrait être obligatoire après les études en architecture comme c’est le cas partout dans le monde. D’ailleurs, la loi 16-89 relative à l’exercice de la profession d’architecte instaure dans ses dispositions 4, 8 et 16 l’obligation d’un stage de deux ans pour le lauréat d’une école d’architecture. Mais cette obligation n’a pas été appliquée pendant plusieurs années à cause du service civil qui n’existe plus actuellement, mais aussi parce qu’il y avait très peu d’agences d’architectes quand la loi est entrée en vigueur.
Je pense qu’il est temps que cela change. Les étudiants doivent comprendre que le stage est dans leur intérêt. Ils ont beaucoup à apprendre à leur sortie de l’école, car la pratique n’a rien à voir avec les leçons et la théorie.
L’architecture est une géométrie savante qui crée une seconde nature où nous vivons. C’est un métier très complexe qui va bien au-delà de ce qui est enseigné à l’école. L’étudiant peut, en effet, comprendre la théorie, mais il n’a pas assez de recul pour bien faire son travail. C’est par l’apprentissage sur le terrain que ces étudiants pourront apprendre à devenir de vrais architectes et gagner en maturité. Ils doivent s’armer de patience et d’humilité pour acquérir de l’expérience et éviter de graves erreurs. C’est très important, sur un plan, un trait peut tout détruire. Il est tout simplement impensable de sortir architecte de l’école. Personnellement, j’ai 35 ans de carrière et je continue d’apprendre tous les jours. Par ailleurs, ce stage doit remettre, à terme, à plat les inégalités face à la commande : 10% d'architectes accaparent 80% de la commande et 80% de la construction est dans le social et l'auto-construction dont pratiquement la moitié se construit sans architectes... Ceci a aussi un impact sur les agences qui n'arrivent pas à survivre et qui doivent accueillir des stagiaires.»

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