Nouzha Guessous, Yasmina Sbihi et Asma Lamrabet ont animé récemment, au 27e Salon international de l’édition et du livre (SIEL), une conférence sur les «Femmes et cultures religieuses». Ce débat était l’occasion de discuter de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les sociétés musulmanes. Pour les intervenantes, la hiérarchie homme femme est loin d’être une spécificité musulmane. Selon Nouzha Guessous, auteure du livre «Une femme au pays des fouqaha», cette hiérarchie a existé non seulement dans les religions monothéistes mais aussi chez les bouddhistes, shintoïstes,… Pour cette essayiste et chroniqueuse, le patriarcat n’est pas spécifique à une religion. Il a été sacralisé par les religions et surtout par les théologiens hommes qui ont développé les aspects patriarcaux à travers leurs interprétations. Cette conférence était l’occasion de rappeler qu’on a tendance à oublier l’existence de femmes d’exception. Elles ont eu des forces spirituelles, mais la présence de ces femmes a été occultée par la culture dominante des hommes.
Selon Asma Lamrabet, auteure de «Islam et femmes : les questions qui fâchent», la culture religieuse a été manipulée pour des raisons historiques mais aussi sociopolitiques. Dans «une étape importante de l’évolution de l’histoire des musulmanes et dans un contexte où on ne peut pas changer les lois dans les pays non laïques sans tenir en compte la culture en général», les intervenantes appellent à un changement qui démarre au sein de la famille, la cellule de base. Dans ce cadre, Yasmina Sbihi, auteure de «Sacrées femmes.
Sur les pas des saintes du Maroc», propose une alternative à l’enseignement religieux. Il s’agit d’un projet d’école d’été de l’éveil spirituel qui s’adresse aux enfants de 7 à 17 ans. «La femme est aussi au cœur du sujet de la même manière du projet pour les jeunes qui sont les décideurs et foukahas de demain», affirme Yasmina Sbihi. Et de rappeler que la maman a un rôle primordial. «Il faut qu’elle soit consciente de ses droits et obligations et qu'elle soit capable de mener en parallèle la culture et la spiritualité».
Même son de cloche auprès de Nouzha Guessous qui affirme que tant qu’on n’aura pas touché à l’enseignement, aux messages donnés dans la famille, à l’école, à la télévision et dans le prêche du vendredi à la mosquée, on aura des difficultés à changer la culture. Pour sa part, Asmaa Lamrabet, l’une des voix majeures de la pensée réformiste en islam, insiste sur l’importance d’inculquer dans les cursus scolaires que les principes universelles (égalité, liberté,... ) ne sont pas uniquement occidentaux. «Il faut expliquer qu’ils existent aussi dans notre référentiel religieux pour former des gens qui ne sont pas schizophréniques». Selon les participantes à cette rencontre, une déconstruction des dogmes du fiqh s’impose afin de l’adapter à la situation actuelle. Pour elles, la non-discrimination des femmes est au-delà de l’égalité homme-femme. Il s’agit d’un enjeu de développement.